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Traditionalisme exacerbé

Liège
Opéra royal de Wallonie
04/09/2019 -  et 11, 14*, 17, 20 avril 2019
Gaetano Donizetti: Anna Bolena
Olga Peretyatko*/Elaine Alvarez (Anna Bolena), Sofia Soloviy (Giovanna Seymour), Celso Albelo (Lord Riccardo Percy), Marko Mimica (Enrico VIII), Francesca Ascioti (Smeton), Luciano Montanaro (Lord Rochefort), Maxime Melnik (Sir Hervey)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Pierre Iodice (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Giampaolo Bisanti (direction musicale)
Stefano Mazzonis di Pralafera (mise en scène), Gary McCann (décors), Fernand Ruiz (costumes), Franco Marri (lumières)


(© Opéra royal de Wallonie)


1982 : l’Opéra royal de Wallonie montait Anna Bolena (1830). L’opéra de Donizetti revient à l’affiche de ce théâtre trente-sept ans plus tard avec cette production créée en février dernier à Lausanne. La mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera entend respecter scrupuleusement les intentions du librettiste et du compositeur, avec une volonté de reconstituer l’architecture et la décoration de l’époque durant laquelle vécut la deuxième épouse d’Henri VIII d’Angleterre. Aussi fastueux que les décors, les costumes semblent provenir directement du XVIe siècle. Il faut donc reconnaître une fois de plus l’excellent travail des ateliers.


Mais le spectacle pâtit de l’absence d’une véritable direction d’acteur, ce qui se répercute partiellement dans l’interprétation musicale. La composition des personnages se révèle sommaire, particulièrement pour Anna Bolena dont le metteur en scène esquisse un portrait superficiel. Le jeu d’acteur demeure stéréotypé, les chanteurs bougent peu, le drame manque de ressort, d’énergie et d’intensité, autant d’ingrédients nécessaires pour rendre justice à cet opéra dans lequel l’émotion dramatique doit primer. Nous ressentons ainsi un indicible ennui. Ce genre de mise en scène d’un traditionalisme exacerbé, pour ne pas dire ringard, suscite des avis contrastés, du plaisir ou du soulagement comme de l’agacement ou de la consternation, en fonction des affinités de chacun. Un tel débat n’est pas prêt de s’éteindre, mais il ne faut toutefois pas omettre cette évidence : outre l’aspect musical, l’intérêt d’un spectacle ne repose pas uniquement sur des décors et des costumes, et provoquer le scandale n’est pas absolument nécessaire pour rendre une production mémorable.


L’Opéra royal de Wallonie réunit une autre distribution qu’à Lausanne. Les Liégeois bénéficient ainsi de la contribution décisive d’Olga Peretyatko en Anna Bolena. Est-ce pour répondre aux exigences de la soprano que le metteur en scène se contente d’un jeu d’acteur aussi rudimentaire ? En plus de disposer d’une plastique splendide, l’interprète, qui signe ici une prise de rôle, possède de grandes capacités vocales, admirablement mises au service d’un emploi qui lui convient parfaitement à ce stade de son parcours artistique. Le chant se hisse à un niveau élevé – raffinement du phrasé, netteté de l’émission, contrôle du souffle, agilité des vocalises – tandis que le timbre séduit sur l’étendue de la tessiture. L’artiste ne semble ressentir aucun inconfort, même dans les passages les plus périlleux. Sofia Soloviy fait preuve, en comparaison, de moins de raffinement, à cause d’indurations dans la voix et d’un vibrato par moments trop appuyé, mais le chant impressionne par son expressivité et sa puissance. Si le fameux duo entre Giovanna Seymour et Anna Bolena fonctionne, nous en ressentons peu le souffle.


Celso Albelo livre en Riccardo une prestation en demi-teinte, due à l’inconstance de l’émission, tantôt voilée, tantôt franche, et à un chant au style quelconque – bel exemple de ténor capable d’assurer professionnellement ses rôles sans toujours fortement marquer les esprits. Le rôle d’Enrico arrive probablement trop tôt dans la carrière du jeune Marko Mimica : trop monochrome, la voix manque de mordant et de variété dans les inflexions pour nous faire ressentir toute la noirceur et la complexité du personnage mais elle détient un potentiel intéressant à cultiver. Le Smeton assez finement composé de Francesca Ascioti est une belle découverte : dans ce rôle de travesti, l’alto met en valeur un timbre délicieux et affiche du tempérament. Luciano Montanaro et Maxime Melnik complètent soigneusement la distribution, tandis que les chœurs, qui ne font pratiquement rien d’autre que chanter, se sont bien préparés.


Giampaolo Bisanti officie dans la fosse après Rigoletto la saison dernière. Ce chef compétent et soucieux des détails et des équilibres assure une direction rigoureuse. Sonnant avec finesse et transparence, l’orchestre tente de compenser sans y parvenir le déficit de tension observé sur scène, mais le jeu des différents pupitres et la justesse des interventions – la flûte – confirment que cette formation évolue aisément dans ce répertoire. Après Maria Stuarda en 2014 et Anna Bolena cette saison, l’Opéra royal de Wallonie devrait maintenant monter Roberto Devereux en le confiant si possible à un autre metteur en scène.



Sébastien Foucart

 

 

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