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Soirée contrastée

Paris
Philharmonie
04/02/2019 -  et 1er (Amsterdam), 3 (München), 6 (Essen) avril 2019
Modeste Moussorgski : La Khovanchtchina: Ouverture
Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 2 en ut mineur, opus 18
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 5 en ré mineur, opus 47

Mikhaïl Pletnev (piano)
Orchestre national de Russie, Alain Altinoglu (direction)


M. Pletnev


Quel plaisir de retrouver Mikhaïl Pletnev (né en 1957) en tant que soliste après plusieurs années occupées principalement à diriger «son» Orchestre national de Russie! On avait oublié à quel point ce pianiste sait tout faire, nous embarquant immédiatement dans une interprétation très personnelle du Deuxième Concerto pour piano (1901) de Rachmaninov. C’est là la marque des plus grands: savoir nous faire redécouvrir un concerto que l’on pensait connaître par cœur, lui imprimant sa marque tout du long au moyen de phrasés parfois déroutants, mais toujours habités. Dès son entrée en scène nonchalante et sans sourire pour le public (pourtant venu en nombre), le pianiste russe en impose avec un toucher minimaliste. On est loin des pianistes qui croulent sous les effets visuels démonstratifs! A l’enveloppe sobre répond un jeu des plus sûrs, qui prend volontiers le contrepied des interprétations traditionnelles en mettant en avant quelques inattendus contrechants, en une noblesse pudique, volontairement raide.


Autour de lui, l’accompagnement serein et allégé privilégie un tempo qui respire, mettant admirablement le soliste en valeur. Pour autant, il ne faut pas s’y laisser prendre, tant l’orchestre sait rugir avec le soliste de manière abrupte dans les tutti – une manière de rappeler que tout ici est possible, surtout si Pletnev en a décidé ainsi. Qu’importe, la maîtrise absolue du soliste sait nous faire accepter ce piano imprévisible, déjà retourné à sa versatilité après l’emphase. Le début du deuxième mouvement continue de surprendre avec une main gauche en sourdine, donnant au thème principal des allures plus fuyantes. De ce ton désabusé se dégage la clarinette admirable, tandis que Pletnev se met en retrait. Cette lecture refuse tout lyrisme et pathos, en un geste certes cérébral, mais qui parvient à émouvoir dans son parti pris jusqu’au-boutiste. Le finale poursuit dans cette voie en révélant des détails incroyables de finesse dans les phrasés, mais cette optique analytique fonctionne moins bien dans ce mouvement entraînant. Ca n’est là qu’un détail tant cette réserve n’enlève rien au plaisir de se laisser faire par un Pletnev en grande forme, logiquement ovationné par le public. En bis, le maître russe interprète le Premier des Préludes de l’Opus 23 (en fa dièse mineur) avec le même élan, achevant de nous émerveiller.


En début de concert, la brève Ouverture de l’opéra La Khovanchtchina (1872-1880) de Moussorgski avait permis à l’Orchestre national de Russie de se chauffer sous la baguette attentive d’Alain Altinoglu, faisant ressortir le frémissement des cordes et les interventions primesautières des bois. Après l’entracte, on retombe malheureusement bien vite des sommets de la première partie, la Cinquième Symphonie (1937) de Chostakovitch résonant en une lecture d’une parfaite tenue, mais finalement bien trop lisse pour emporter l’auditoire. L’adéquation entre le chef français et l’orchestre russe ne semble pas aller d’évidence, tant le beau son recherché par l’un est mis en péril par les difficultés techniques des pupitres de cordes (seconds violons à la peine au début du troisième mouvement, puis violoncelles en délicatesse dans l’aigu), sans parler des cuivres aux interventions bien prosaïques. Si les bois rehaussent l’ensemble, Altinoglu allège par trop la texture, surtout dans les graves, quasi inaudibles. Le refus du pathos et de l’émotion est certes envisageable, mais n’accouche ici que d’une lecture tiède, sans tension dans les passages lents et trop cravachée à l’inverse dans les accélérations. L’actuel directeur musical de la Monnaie, à Bruxelles, a-t-il quelque chose à nous dire dans cette musique? On en doute, tant ses prestations en tant qu’accompagnateur ou chef lyrique convainquent davantage en comparaison.



Florent Coudeyrat

 

 

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