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Unique et inoubliable Babi Yar

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/23/2019 -  et 21, 22 (Rotterdam), 24 (Dortmund) mars 2019
Gustav Mahler : Totenfeier
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 13 en si bémol mineur «Babi Yar», opus 113

Mikhail Petrenko (basse)
Chor des Bayerischen Rundfunks, Tilman Michael (chef de chœur), Rotterdams Philharmonisch Orkest, Yannick Nézet-Séguin (direction)


Y. Nézet-Séguin


Yannick Nézet-Séguin est devenu en septembre dernier chef honoraire de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam, un ensemble dont il assuré la direction pendant dix saisons. Mais ce nouveau concert parisien témoigne du fait que le partenariat avec le Théâtre des Champs-Elysées est destiné à se poursuivre pour le plus grand bonheur des mélomanes parisiens. Au programme ce soir, deux œuvres assez rares au concert: la Totenfeier de Mahler et la Treizième Symphonie «Babi Yar» de Chostakovitch.


Composé en même temps que la Première Symphonie en 1888, le poème symphonique en ut mineur Totenfeier («Cérémonie funèbre») resta plusieurs années dans un tiroir avant que Mahler ne l’utilise en 1893, malgré l’avis défavorable de Hans von Bülow, pour le premier mouvement de sa Deuxième Symphonie «Résurrection». Les minimes modifications faites par le compositeur étonnent en même temps qu’elles semblent maintenant aller de soi tellement la version définitive s’est imposée à nos oreilles. Yannick Nézet-Séguin dirige avec la passion et la précision qu’on lui connait un orchestre de Rotterdam réactif à chacune de ses sollicitations. Tous les pupitres sonnent riches (malgré l’acoustique sèche), notamment les cordes graves superbement unies dans le tout début de l’œuvre. Les dialogues entre les vents et les cuivres et plus tard leur mélange fonctionnent à merveille et la conduite des phrasés est exemplaire. De la très belle ouvrage qui n’étonne pas de la part d’un chef qui aime à construire le son.


Mais le moment le plus marquant de ce concert fut incontestablement l’interprétation de cette œuvre fascinante qu’est la Treizième Symphonie de Chostakovitch. On rappellera que cette œuvre, créée par Kondrachine en 1962, ne fut donnée en création française qu’en 1986 sous la direction de Daniel Barenboim. Quant au chef québécois, il l’a dirigée avec succès en 2016 à Berlin. Ce soir aussi à Paris, sa lecture âpre et puissante a conquis un public inhabituellement silencieux. Yannick Nézet-Séguin et un Orchestre philharmonique de Rotterdam des très grands soirs livrent en effet une interprétation exemplaire de cette œuvre. Tout en variant les climats des cinq parties, Nézet-Séguin parvient à unifier le propos en instillant un mélange de gravité, de profondeur et parfois d’exubérance. Dans la première partie («Babi Yar»), il installe une chape de plomb sonore, dans la deuxième («L’Humour») une ambiance faussement burlesque, aidée en cela par le premier violon, dans la troisième («Au magasin»), il parvient à rendre palpables la faim et le manque avant, dans «Peurs», de créer un climat oppressant. L’étonnant final («Une carrière»), seul moment d’espoir avec ses flûtes et son célesta, baigne dans une lumière toutefois plus blafarde que rayonnante. Mikhail Petrenko, déjà présent à Berlin, est un chanteur conteur exceptionnel: sa maîtrise de l’œuvre, qu’il chante par cœur, est impressionnante et il se risque à des pianissimi qu’il réussit à merveille. Le Chœur de la Radio bavaroise, préparé par un chef de chœur invité, Tilman Michael, a été fidèle à sa réputation, à savoir précis, juste, puissant ou seulement présent mais homogène de bout en bout.


Yannick Nézet-Séguin aime à dire que Babi Yar lui semble l’œuvre la plus directe de Chostakovitch. C’est sans doute aussi en cela, outre son sujet, qu’elle est à ce point touchante. En tout cas, elle n’a plus de secret pour le jeune directeur musical du Metropolitan Opera de New York. Ce concert inoubliable le démontrait une nouvelle fois.


Yannick Nézet-Séguin reviendra au Théâtre des Champs-Elysées la saison prochaine à deux reprises avec son ancien orchestre pour une version de concert de La Femme sans ombre de Strauss le 17 février puis pour une Cinquième Symphonie de Mahler le lendemain. Quant au nouveau directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam, Lahav Shani, il le dirigera le 28 septembre dans un programme Haydn, Rachmaninov et Stravinsky.



Gilles Lesur

 

 

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