About us / Contact

The Classical Music Network

Bruxelles

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Théâtre anatomique

Bruxelles
La Monnaie
03/08/2019 -  et 10, 12, 14, 17*, 19, 20 mars 2019
Mark Grey: Frankenstein (création)
Scott Hendricks (Victor Frankenstein), Topi Lehtipuu (Creature), Eleonore Marguerre (Elizabeth), Andrew Schroeder (Walton), Christopher Gillett (Henry), Stephan Loges (Blind Man, Father), Hendrickje Van Kerckhove (Justine), William Dazeley (Prosecutor)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Bassem Akiki (direction musicale)
Alex Ollé (mise en scène), Alfons Flores (décors), Lluc Castells (costumes), Urs Schönebaum (lumières), Franc Aleu (vidéo)


(© Bernd Uhlig)


Le voici enfin, ce Frankenstein. A cause du retard des travaux de rénovation, la Monnaie a dû reporter ce projet d’adapter à l’opéra le roman de Mary Shelley, publié il y a presque deux cents ans. La genèse de cette création remonte à il y a huit ans. Alfons Flores, de La Fura dels Baus, soumit cette idée à Peter de Caluwe qui suggéra le nom de Mark Grey, méconnu chez nous. La représentation confirme malheureusement nos craintes : le spectacle vaut moins pour la musique que pour la scénographie. Cet opéra en deux actes sur un livret en anglais de Júlia Canosa i Serra, libre adaptation du roman, repose sur un langage musical d’esthétique nord-américaine. Il fait de temps à autres entendre des réminiscences de musique répétitive et rappelle celle – mais sans son talent – de John Adams que Mark Grey a assisté à plusieurs reprises pour la sonorisation de ses opéras.


Cette musique manque trop de personnalité, d’inventivité et de complexité pour susciter l’intérêt. Il s’agit plutôt d’une sorte de bande-son, comme les musiques de film, bien qu’il en existe d’excellentes. Peu recherchée, l’orchestration s’accompagne d’effets d’amplification électro-acoustiques, surtout audibles au début et à la fin. La partition, qui atteste tout de même d’un certain métier, réserve quelques passages dramatiquement saisissants, comme la fin du premier acte, alors que d’autres produisent peu d’effets ou tombent à plat – le second acte, sa conclusion, notamment, tire en longueur.


Faut-il parler d’habillage sonore ou de composition ? En tout cas, une minute de musique de Philippe Boesmans, compositeur dont la Monnaie a représenté tous les opéras, et créées la plupart, comporte bien plus d’idées que l’entièreté de cet ouvrage de deux heures. La comparaison paraît impertinente, sauf que dans le cas du compositeur belge, comme dans celui de l’Américain, il s’agit de la même maison, donc de la même direction artistique et des mêmes moyens de production. A chacun de se forger sa propre opinion, et probablement ce titre permet-il à la Monnaie d’ouvrir ses portes à un public plus large, bien que ce spectacle soit peu recommandable pour les enfants, mais si cet opéra avait été créé aux Etats-Unis, il aurait probablement trouvé peu d’échos dans la presse européenne et il aurait peu de chances de traverser l’Atlantique. Les amateurs de vrais opéras se rattraperont donc en mai avec Tristan et Isolde.


Alfons Flores et toute son équipe de fidèles collaborateurs imaginent un dispositif unique, dans un futur lointain, en 2816, alors que le monde connaît une nouvelle ère glaciaire. Les hommes et les femmes sont tous chauves, comme si la pollution avait engendré une nouvelle génération d’êtres humains dépourvus de cheveux. Le décor s’inspire de la salle de congrès de Bouzloudja, un improbable monument futuriste construit par les Communistes en Bulgarie, aujourd’hui laissé à l’abandon. Des scientifiques se placent tout autour de l’arène centrale, dans des gradins, comme dans un théâtre anatomique. Les jeux de lumières recherchés et les vidéos, qui montrent des images du passé, lorsque les savants sondent la pensée de la Créature de Frankenstein, rendent cette scénographie impressionnante et assez variée, mais la direction d’acteur se hisse tout juste à la hauteur de la réputation de la Monnaie.


Il faut reconnaître le professionnalisme des équipes techniques et saluer en même temps l’implication des interprètes, qui semblent croire à la valeur de l’ouvrage, alors que les parties vocales paraissent floues, monotones, peu prégnantes, en dépit d’un langage plutôt consonnant. La Monnaie réunit pour l’occasion une solide distribution de chanteurs capables d’endosser des rôles avec talent, sur le double plan scénique et vocal, comme Scott Hendricks, méconnaissable en Frankenstein, et Topi Lehtipuu, dans le rôle de la Créature libérée de la glace. Ce ténor au timbre clair et à la nature lyrique, et même élégiaque, en opposition avec son aspect repoussant, accomplit ainsi une composition saisissante et subtile.


Eleonore Marguerre, dans le rôle d’Elizabeth, la fiancée de Frankenstein, et Andrew Schroeder, remarquable en Walton, le scientifique qui retrouve la Créature, livrent pour leur part de très bonnes prestations, ce qui vaut également pour les choristes qui doivent souvent intervenir, en restant toutefois peu mobiles et par moments invisibles. Dans la fosse, un chef expérimenté dans la musique contemporaine, Bassem Akiki, dirige une formation fidèle à sa réputation, mais l’orchestration, terne et peu imaginative, ne valorise que partiellement le potentiel des différents pupitres.



Sébastien Foucart

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com