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Le classicisme sympa de Daniel Hope

Baden-Baden
Festspielhaus
03/10/2019 -  
Christoph Willibald Gluck : Orphée et Eurydice: « Danse des furies »
Joseph Haydn : Concerto pour violon en sol majeur, Hob. VIIa/4
Ignaz Joseph Pleyel : Sinfonia concertante pour violon, alto et orchestre en si bémol majeur, B. 112
Wolfgang Amadeus Mozart : Adagio pour violon et orchestre en mi majeur, K. 261 – Concerto pour violon et orchestre N° 3 en sol majeur, K. 216

Daniel Hope (violon), Ryszard Groblewski (alto)
Zürcher Kammerorchester


(© Michael Gregonowits


« Un tempérament toujours intéressant » : c’était notre impression globale à l’issue d’un concert précédent du violoniste britannique Daniel Hope à Baden-Baden, il y a trois ans. Et ceci vaut encore pour la présente soirée, d’une évidente originalité dans l’approche, bien que le programme, dans le sillage du dernier disque de Daniel Hope pour DG, «Journey to Mozart», soit consacré cette fois au classicisme viennois, forcément plus rebattu.


Comme à l’accoutumée, Daniel Hope ne se contente pas de jouer du violon mais s’adresse beaucoup au public, voire effectue un véritable petit travail de conférencier, dans un allemand toujours excellent et en évitant de se montrer trop didactique : surtout des anecdotes diverses sur Haydn, Gluck, Mozart, pour la plupart savoureuses et peu connues. La salle, honorablement remplie, rit beaucoup : de l’art de mettre un public dans sa poche, avec un sens évident du spectacle et du contact. On note que comme Daniel Hope parle avant de commencer à jouer, il lui faut à chaque fois s’encombrer non seulement d’un micro, mais aussi d’un iPad à télécommande fixé sur son pupitre, de son archet et bien sûr de son violon (le Lipinski, un Guarneri del Gesù de 1742) qu’à certains moments il ne tient plus que par une cheville, tout en faisant des gestes désordonnés. Gare à ne pas laisser tomber ce précieux instrument par inadvertance! Et puis tout cela n’est peut-être pas très propice à une vraie concentration musicale d’emblée, quand il s’agit aussi de jouer après.


L’impression de flottement est particulièrement perceptible dans la seconde partie, « tout Mozart », qui commence par un Adagio en mi majeur plutôt bizarre. Approche au demeurant dépourvue de trop de maniérismes d’inspiration baroque, mais où l’on sent quand même Hope tenté de ne pas jouer d’une façon conventionnelle, avec des appuis d'archet relativement irréguliers et légers. Cette recherche de suspense et de rebonds intéresse, mais parfois provoque des déséquilibres voire quelques enchaînements défectueux proches du plantage. Tout se veut ici spontané et vivant, mais l’élégance mozartienne fait en définitive mauvais ménage avec cette ambiance d’improvisation.


Même bilan mitigé pour l'accompagnement. Hope dirige depuis 2016 cet Orchestre de chambre de Zurich, formation de taille assez réduite pour qu’en fait, du moins dans ce programme concertant, il ne la dirige pas vraiment, voire pas du tout. Les musiciens sont dès lors censés fonctionner comme le ferait un tout petit ensemble réunissant à peine un quintette à cordes et quelques vents, alors qu’il y a quand même plus d’une vingtaine de personnes sur le plateau, et malheureusement d’une cohésion insuffisante, du moins pour Mozart, dont les progressions requièrent des nervures plus nettes. Hope a beau se retourner de temps temps vers ses collègues, ou marquer une entrée en bougeant la tête, l’accompagnement du Troisième Concerto hésite beaucoup, voire le dialogue concertant tourne trop souvent au bavardage hasardeux. On notera que là encore, comme le London Symphony Orchestra dirigé par John Eliot Gardiner dans Schumann récemment, tous les musiciens jouent debout. On persiste à penser que ce n’est pas une bonne solution si on recherche une vraie cohérence dans les attaques, et surtout pas quand il y a non seulement des cordes mais aussi une petite harmonie à faire fonctionner, en équilibre sur des jambes qui forcément se fatiguent de plus en plus.


Première partie plus facile, voire accrocheuse avec une « Danse des furies » de l’Orphée et Eurydice de Gluck vraiment... furieuse, qui arrache de nombreux crins aux archets. Un Concerto pour violon en sol majeur de Haydn ensuite, détaillé avec des carrures rythmiques qui sont quand même plus faciles à mettre en place que chez Mozart: une belle œuvre, assez rarement jouée, d’attribution un peu douteuse. Et ensuite la Symphonie concertante pour violon et alto de Pleyel, bourrée de formules mélodiques délicieuses dont la radieuse simplicité n’est pas sans évoquer le Mozart d’essence populaire de La Flûte enchantée. A noter l’absence de mouvement lent dans cette œuvre (le programme de salle en mentionne un, mais il s’agit manifestement d’un automatisme de rédaction malheureux...). On notera aussi que tout autant Haydn que Pleyel bénéficient ici de la présence sonore d’un clavecin, seul instrument rescapé d’un continuo qui résonne vraiment comme un résidu d’un autre âge. Pour Mozart, l’orchestre se dispense en revanche de ce discret ferraillage. Historiquement juste ? Le concerto de Mozart date de 1775, celui de Haydn a été écrit probablement entre 1765 et 1770 et la Symphonie concertante de Pleyel date de 1791. Alors pourquoi un clavecin ici et pas là, et surtout dans des musiques d’un style classique aussi similaire? Il y a peut-être quelques réponses musicologiquement toutes faites à la question, mais sont-elles réellement défendables si on y regarde de plus près?


Quatre bis. Le finale d’un Concerto pour deux violons en la majeur de Vivaldi, joué avec le même brio à l’arraché que le Gluck d’introduction. Puis «Winter 1», extrait des Quatre Saisons revisitées par Max Richter, œuvre dont Daniel Hope, son dédicataire, s’empresse de souligner que Soit on l’aime, soit on la déteste !. Avouons que personnellement on se situe un peu entre les deux, mais que ce «Winter I», qui culmine par la répétition énergique d’un fragment de tutti vivaldien auquel manque un seule double croche, élision stratégique qui donne à la pièce une touche accrocheuse et assez vulgaire, n’est peut-être pas le mouvement que l’on choisirait préférentiellement là-dedans. Ensuite September Song de Kurt Weill dans un bel arrangement pour violon et orchestre, touchant hommage que Daniel Hope dédie à André Previn, qui vient de nous quitter. Et enfin une Berceuse de Brahms en solo, gentille invitation à partir se coucher (Gute Nacht !)... thème populaire que toute la salle attrape au vol en chantant spontanément, et tout à fait juste, avec le violon ! Une atmosphère décidément particulière et attachante, mais aussi un concert qui laisse un certain arrière-goût de manque de rigueur et de finition.



Laurent Barthel

 

 

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