About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

«Intériorité, puissance, spiritualité» (Dominique Merlet à propos de Bach)

Paris
Musée Jacquemart-André
02/15/2019 -  
Johann Sebastian Bach : Das wohltemperierte Klavier (Zweiter Teil): Préludes et Fugues en ré majeur, BWV 874, en sol mineur, BWV 885, en la mineur, BWV 889, en fa majeur, BWV 880, en ré mineur, BWV 875, en la majeur, BWV 888, en mi majeur, BWV 878, et en fa # mineur, BWV 883
Johannes Brahms: Deux Rhapsodies, opus 79 – Fantaisies, opus 116 n° 1, n° 2, n° 3, n° 4 et n° 7

Dominique Merlet (piano)


D. Merlet (© François Sechet)


Le salon de musique du Musée Jacquemart-André, rouge et or avec ses meubles en bois foncé typiques du Second Empire, sous le plafond de Pierre-Victor Galland représentant Apollon protecteur des arts et décoré par les tableaux de Fragonard, Hubert Robert, Nicolas de Largillierre, offre un écrin prestigieux.


Dominique Merlet apparaît. Chemise et pantalon noirs, grande vivacité dans l’allure et le regard, sourire chaleureux adressé au public. Il s’installe, attaque - avec une brève et nette respiration pour marquer l’élan rythmique – le grand Prélude en majeur qui débute magnifiquement le programme, telle une ouverture. On en goûte d’emblée la vivacité et l’éclat, les subtils balancements entre le binaire et le ternaire. La fugue, jouée dans un tempo allant, perd son allure guindée qu’on lui impose parfois et exprime toute son allégresse. Ainsi commence cet exigeant voyage au cœur de ce sommet de la musique pour clavier. Dominique Merlet nous impressionne par son énergie rythmique, sa pensée toujours en alerte, sa densité de son en dépit d’un Yamaha un peu neutre. Ici, un prélude chantant ou vivace; là, une fugue rebondissante ou introspective, mais toujours avec la traduction exacte du texte, la fidélité absolue, un discernement polyphonique exemplaire, une économie de pédale attentive, sans compromis.


Dominique Merlet, par la fraîcheur de son interprétation, donne l’impression qu’il vient de découvrir ces textes. Il s’en explique, d’ailleurs, lors d’un entretien récent consacré à la parution de son intégrale du Clavecin bien tempéré: «J’ai fait tout un travail de remise à zéro des textes et ça m’a pris un an. J’ai complètement revu les phrasés, les doigtés, les articulations, pour essayer de faire quelque chose de naturel et d’oublier toutes les idées reçues sur Bach.» Qu’il se rassure... c’est bien ce naturel, cette recherche d’authenticité, cette réflexion, ces textes habités notes par notes, qui nous ont presque intimidés, en tout cas inspirés et durablement marqués.


Les deux Rhapsodies de Brahms se déploient amplement dans un grand lyrisme. Dominique Merlet joue sur l’intensité et dans des tempi qui permettent d’entendre avec discernement la densité de ces pièces à l’écriture complexe. Les thèmes centraux, apaisés, entre les épisodes chevaleresques, se déploient avec profondeur et poésie dans un grand legato à la sonorité chaleureuse.


Nous retrouvons cette même émotion dans le choix des pièces de l’Opus 116. Dominique Merlet, toujours attentif à la polyphonie, à l’écriture contrapuntique, aux enchevêtrements rythmiques, balaye les idées reçues, creuse la partition dans ses moindres détails, sans trompe-l’œil, avec un grand sens de l’architecture et du style. Grand souffle épique dans le Capriccio n° 1, où les passages en écriture alternée sont phrasés idéalement; intériorité éloquente de l’Intermezzo n° 2 avec de magnifiques couleurs dans le passage central que Clara Schumann aurait comparu au chant d’un rossignol; passion lyrique du Capriccio n° 3 et grand sens de la dynamique dans le Un poco meno allegro; poésie et respiration exprimées, comme un lied, dans le si bel Intermezzo n° 4; Capriccio n° 7, rageur et fantastique (au sens germanique), où le chant central, réparti entre les deux mains qui l’enveloppent d’arpèges, si bien mené, apporte quelque répit avant la conclusion de l’œuvre abordée avec virtuosité et passion par Dominique Merlet.


Salué longuement par le public, le pianiste revient et, malicieusement, nous annonce: «Tout de même un peu de Chopin...» Profonde et tendre à la fois, la Mazurka opus 63 n° 3 déroule son chant nostalgique avec comme aspiration principale le beau chant pianistique que Dominique Merlet domine si bien.


Avec cette science du geste, du toucher, cette culture du son alliée à cette connaissance encyclopédique du répertoire qui le caractérise, nourri d’harmonie, d’analyse et d’esthétique, Dominique Merlet est le Maître que l’on admire et qui nous enrichit.



Christian Lorandin

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com