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Bizarre, vous avez dit bizarre...?

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
02/18/2019 -  
Georg Friedrich Händel : Concerto grosso en sol mineur, opus 6 n° 6, HWV 324: «Larghetto e affetuoso» – Salve regina, HWV 241
Domènec Terradellas : Dixit Dominus en sol majeur: «Donec ponam inimicos tuos»
Nicola Fago : Tam non splendet sol creates en fa majeur: «Tam non splendet sol creates», «O nox clara?», «Dum infans iam dormit» & «Alleluja»
Johann Adolf Hasse : Sanctus Petrus et Sancta Maria Magdalena: «Mea tormenta, properate!»
Giovanni Battista Pergolesi : Stabat Mater en fa mineur

Katherine Watson (soprano), Jakub Józef Orlinski (contre-ténor)
Le Concert de la Loge, Julien Chauvin (violon et direction)


J. J. Orlinski (© Anita Wąsik)


En arrivant tranquillement au Théâtre des Champs-Elysées, premier étonnement: va-t-on écouter soir le Philharmonique de Vienne dirigé par un des trois ou quatre plus grands chefs du monde? Car, même si les deux chanteurs à l’affiche (notamment le contre-ténor...) font aujourd’hui partie des étoiles montantes du chant baroque, avouons que nous ne nous attendions pas à voir le parvis du théâtre à ce point noir de monde, la salle étant occupée dans ses moindres recoins.


Deuxième étonnement: le programme. Car, alors que Le Concert de la Loge fait partie de ces superbes jeunes ensembles sur instruments d’époque dont les réussites sont incontestables tant au disque qu’au concert (voir ici et ici), pourquoi ne pas avoir plutôt choisi une première partie entièrement instrumentale? Ou, au moins, pourquoi ne pas avoir donné les cinq mouvements du Concerto grosso opus 6 n° 6 de Händel, le public ayant dû se contenter du beau mais bien court premier mouvement (Larghetto e affetuoso – et non «affectuoso» comme indiqué par mégarde dans le programme)?


Evidemment, on ne pouvait le savoir à l’avance mais cette option aurait également été la bienvenue compte tenu de la méforme de Katherine Watson qui l’a d’ailleurs contrainte à ne pas chanter l’extrait de l’oratorio de Händel Il Trionfo del tempo e del disinganno initialement au programme. Le rare Salve regina (1707) du même Händel nous donna surtout à entendre un très bel orchestre (de la souplesse introductive des cordes au formidable orgue dans la troisième partie, tenu pour l’occasion par Camille Delaforge) mais une voix aux aigus étriqués qui manquèrent de se rompre à chaque nouvelle attaque, les quatorze musiciens du Concert de la Loge veillant à ne jamais la couvrir et faisant d’ailleurs à cette occasion preuve d’une très grande adaptabilité. Dans le méconnu Dixit dominus de Domènec Terradellas (1711-1751), Jakub Józef Orlinski convainc immédiatement par un timbre chaud et une projection facile, accompagné par un orchestre dont la finesse forçait une fois encore l’admiration. Idem dans l’extrait de Nicola Fago, où l’agilité vocale du chanteur polonais put s’exprimer quelque peu (on sent que ce sont plus les pyrotechnies vocales que le chant recueilli qui l’intéressent...), l’orchestre se faisant remarquer par une basse continue extrêmement présente et remarquable par sa vigueur. Quant à l’air de Saint Pierre «Mea tormenta, properate!» de Johann Adolph Hasse, Orlinski en fit ressortir toute l’italianité requise avec une technique saluée par un public qui, à n’en pas douter, n’était venu (pour une partie du moins) que pour lui.


Le Stabat Mater (1736) de Pergolèse fait partie de ces œuvres intemporelles qui ne supportent guère l’à-peu-près ou la médiocrité, le danger étant par ailleurs de trop en faire là où le Président de Brosses louait dès 1739 «le joli génie, simple et naturel». Bien qu’indisposée, Katherine Watson s’avéra relativement convaincante même si le premier duo («Stabat Mater») aura révélé un évident déséquilibre entre les deux chanteurs, chacun assumant sa partie avec toute la sobriété nécessaire. Dans le «Cujus animam gementem», la jeune soprano fut néanmoins peu à son aise, les aigus étant assez durs pour ne pas être totalement arrachés, son vibrato ayant été mal maîtrisé en plus d’une occasion; c’est d’autant plus dommage que le violon impérieux de Julien Chauvin imposa à l’orchestre une belle théâtralité qui se retrouva notamment dans des attaques et accents presque rageurs. Le magnifique «Quae morebat et dolebat», qui requiert le seul contre-ténor, permit d’entendre un chanteur au medium des plus séduisants, l’accompagnement instrumental se voulant presque dansant pour l’occasion. De manière générale, le style requérant à la fois sobriété et retenue, le décalage entre la fragilité de Katherine Watson et l’aisance vocale de Jakub Józef Orlinski ne fut pas des plus flagrants, le climat souhaité ayant été respecté à chaque instant. Il faut dire que l’orchestre a, pour chacune des douze séquences du Stabat Mater, fait preuve d’une souplesse interprétative et d’un sens de la couleur tout à fait remarquable (le Sancta Mater, formidable, où chacun prit son temps là où d’aucuns n’hésitent pas à l’expédier).


Les chaleureux applaudissements saluant une finalement assez belle interprétation, qui aurait par ailleurs gagné à une acoustique moins sèche que celle du Théâtre des Champs-Elysées, permirent au public de bénéficier de deux bis: troisième étonnement pourrait-on dire, tant certaines œuvres ne supportent guère, à notre sens, d’être suivies d’un bis... Bref, après que les deux chanteurs eurent repris les deux derniers numéros du Stabat Mater («Inflammatus et accensus» et «Quando corpus»), Jakub Józef Orlinski chanta seul le désormais célèbre «Vedrò con mio diletto» tiré de l’opéra de Vivaldi Il Giustino, salué par une ovation attendue et méritée. Ce fut là une étrangeté de plus – mettre en valeur un seul chanteur au sein d’un simple duo de solistes – pour un concert qui n’en avait déjà guère manqué.


Le site de Jakub Józef Orlinski
Le site de Katherine Watson
Le site du Concert de la Loge



Sébastien Gauthier

 

 

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