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Les effluves postromantiques de Wolfgang Rihm

Paris
Maison de la radio
02/14/2019 -  
Pascal Dusapin: Uncut, Solo pour orchestre n° 7
Wolfgang Rihm: Concerto pour piano n° 2 – Transitus
Yves Chauris : Why so quiet (création)

Tzimon Barto (piano)
Orchestre national de France, Nicholas Collon (direction)


N. Collon (© Chris Christodolou)


Le concert d’ouverture ayant misé sur la renommée des interprètes (les pianistes Bertrand Chamayou et Vanessa Benelli Mosell) plutôt que sur les œuvres (un rien frustrantes pour un festival qui met à l’honneur le colosse Wolfgang Rihm), celui de jeudi rééquilibre la donne grâce à l’Orchestre national de France réuni au grand complet.

Uncut (2008) est le septième et dernier des Solos pour orchestre de Pascal Dusapin (né en 1955): à la fois postlude et anamnèse, il reprend «les modes mélodiques des six solos précédents» et «va éjecter l’intégralité des sources sur lesquelles s’était fondé le cycle entier» (Dusapin). L’écriture âpre, verticale (les doublures érigent de vertigineuses colonnes de sons), avec une prédominance des cuivres, est typique de la dernière manière du compositeur en ce que l’imaginaire scientifique – en l’occurrence les travaux du mathématicien René Thom – qui innerve le tissu musical ne s’impose jamais aux dépends de la perception globale. Le fringant Nicholas Collon, dont la silhouette rappelle étrangement celle de Robin Ticciati, tire le meilleur d’un Orchestre national digne du Philharmonique de Radio France dans l’enregistrement publié par Deutsche Grammophon.


Là où Uncut «est une musique où il n’existe quasiment aucune profondeur de champ sonore» (Dusapin), Why so quiet s’emploie au contraire à «renforcer la sensation de profondeur dans l’orchestre», précise Yves Chauris (né en 1980), lequel tire profit des six percussions disposées à la périphérie de l’orchestre. Si la partition aux pages gigantesques aligne quantité de portées, les textures restent aérées, et les tutti occasionnels. On pourra trouver en contrepartie la trajectoire morcelée, tant l’attention se focalise perpétuellement sur des points de détails. Yves Chauris y montre néanmoins sa maîtrise souveraine de l’orchestre.


Déroutante versatilité stylistique que celle de Wolfgang Rim! Celui qui l’approcherait par le truchement des deux œuvres de ce programme y verrait un caméléon se promenant sur un arlequin: l’Allemand trempe sa plume tantôt dans l’encrier de Berg (celui de Lulu) pour son Deuxième Concerto pour piano (2014), tantôt dans l’encrier de Strauss (celui des Métamorphoses) pour Transitus (2014). Il n’a surtout que faire des modes et diktats délimitant le bon du mauvais goût. Du mauvais goût, le Concerto n’en est pas exempt, qui semble nous projeter dans un salon viennois du début du siècle dernier. Voici des solos alanguis de clarinette puis de hautbois, avant que les doublures pleinement assumées (basson/violoncelles, contrebasson/contrebasses) n’accrochent l’oreille. Physique de catcheur mais toucher de velours, le dédicataire Tzimon Barto s’est totalement approprié cette partition un rien ingrate pour le soliste en ce qu’elle l’intègre à l’orchestre plus qu’elle ne lui donne l’occasion de briller. On s’amuse aux détours de cet insolent babillage en mouvements parallèles aux deux mains. On s’ennuie un peu aussi. Allez savoir si ce n’est pas voulu... En bis, le célébrissime Nocturne en ut dièse mineur de Chopin, maniéré au suprême, n’ajoute rien à la gloire du pianiste.


Transitus s’inscrit dans la descendance de Richard Strauss par «la transmission de l’énergie, la fluctuation du mouvement, la transition comme une image de l’existence humaine, peut-être quelque chose en rapport avec le problème ‘de la mort et de la transfiguration’...»(Rihm). A l’instar de la Première Symphonie de Brahms, l’œuvre semble commencer au cœur de son développement, avec traits de cordes extatiques, percés vibrantes du cor et effluves postromantiques. C’est peu dire que les musiciens y sont en terrain de connaissance, guidés par la gestique gracieuse du chef. On n’échappe pas, ici aussi, à l’exercice de style, mais une telle maestria orchestrale tend un philtre enivrant où le public aime à tremper ses lèvres.



Jérémie Bigorie

 

 

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