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Existentiel

Lyon
Opéra
01/21/2019 -  et 23, 25, 27, 29, 31 janvier, 2 février 2019
Leos Janácek: Z mrtvého domu
Sir Willard White (Goriantchikov), Pascal Charbonneau (Alieïa), Stefan Margita (Morozov), Nicky Spence (Le grand forçat), Ivan Ludlow (Le petit forçat, Le forçat cuistot, Tchekounov), Alexander Vassiliev (Le commandant), Graham Clark (Le vieux forçat), Ladislv Elgr (Skouratov), Jeffrey Lloyd-Roberts (Le forçat ivre), Ales Jenis (Le forçat jouant Don Juan et le Brahmane, Le forçat forgeron), Grégoire Mour (Un jeune forçat), Natascha Petrinsky (Une prostituée), John Graham-Hall (Kedril), Dmitry Golovnin (Chapkine), Károly Szemerédy (Chichkov, Le pope), Alexander Gelah (Tcheverine, Une voix de la steppe), Brian Bruce, Antoine Saint-Espès (Gardes)
Chœurs de l’Opéra de Lyon, Orchestre de l’Opéra de Lyon, Alejo Pérez (direction musicale)
Krzysztof Warlikowski (mise en scène), Malgorzata Szczesniak (décors et costumes), Felice Ross (lumières), Claude Bardouil (chorégraphies), Denis Guéguin (vidéo), Christian Longchamp (dramaturgie)


(© Bertrand Stofleth)


Dans cette nouvelle mise en scène de l’ultime opus de Leos Janácek, De la maison de morts (1930), dans une coproduction avec la Royal Opera House de Londres et le Théâtre de La Monnaie de Bruxelles, le trublion polonais Krzysztof Warlikowski a délibérément oublié les didascalies du livret. Le décor unique (mais modifiable – et conçu par la fidèle Malgorzata Szczesniak) représente une prison modèle: salle spacieuse, lits alignés au cordeau, salle de sport, bureau vitré impeccable du directeur de la prison, éclairages intenses mais toujours agréables à l’œil. Ce lieu impersonnel évoque l’univers carcéral contemporain d’une de nos démocraties modernes plus que les mouroirs des pays de l’ex-bloc de l’Est. Le parti pris, loin de faire obstacle au message de la musique, en souligne d’autant mieux l’actualité qu’il se refuse à illustrer trop précisément les rares péripéties du livret. Mais la composante politique (renforcée par une vidéo où Michel Foucault expose les principaux thèmes de son fameux livre Surveiller et punir) passe cependant derrière une profonde réflexion philosophique sur la mort, ce qu’atteste une autre vidéo donnant la parole à un prisonnier (a priori condamné à mort) qui dit son angoisse devant l’abîme que représente la «grande inconnue», mais plus encore ses aspirations à la vie. Pour le reste, l’essentiel du livret est conservé si ce n’est la scène de l’aigle blessé, remplacé ici par un basketteur en chaise roulante qui retrouve miraculeusement ses jambes dans la scène finale: on le voit quitter son siège et mettre le ballon dans le panier sur le dernier accord... Tout n’est donc pas si noir et désespéré chez Warlikowski!


A la tête d’un Orchestre de l’Opéra de Lyon virtuose, au jeu d’une plasticité singulière, le chef argentin Alejo Pérez décortique la partition. Sous sa direction nerveuse, l’orchestre soutient l’action, se substitue aux paroles avec une rare volubilité, notamment au cours des complexes intermèdes qui auront rarement paru aussi intégrés dans le flux musical. Les dissonances donnent à entendre les cris réprimés de ces victimes sans visages, alors que les brusques poussées de mélodies caressantes signalent le subit et déraisonnable espoir d’un salut possible. La masse des prisonniers, constituée par les Chœurs de l’Opéra de Lyon, impressionne par la variété des couleurs et la précision de l’assise rythmique de ses nombreuses contributions.


Quant aux chanteurs, il convient de les considérer comme un collectif dont tous les éléments contribuent à la richesse de l’ensemble. On citera pourtant le Filka Morozov puissant, mais sobre et nuancé, du ténor slovaque Stefan Margita, le Goriantchikov d’une autorité scénique souveraine de Sir Willard White, l’Alieïa à l’allure juvénile et à la voix fraîche du ténor québécois Pascal Charbonneau, ou encore le Commandant impérieux d’Alexander Vassiliev.


Une brillante production qui a le mérite de rendre immédiatement sensible l’exceptionnelle qualité d’un ouvrage trop largement sous-estimé, et en tout cas trop rare à la scène.



Emmanuel Andrieu

 

 

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