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Trop de vidéo tue la vidéo

Lille
Opéra
01/16/2019 -  et 18, 20, 22, 24 janvier 2019
Jean-Philippe Rameau: Pygmalion
Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville: L’Amour et Psyché

Reinoud Van Mechelen (Pygmalion), Samantha Louis-Jean (Céphise, Vénus), Armelle Khourdoïan (L’Amour, Amour), Magali Léger (La Statue, Psyché), Victor Sicard (Tisiphone)
Le Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction)
Robyn Orlin (mise en scène, chorégraphie), Maciej Fiszer (décors), Sonia de Sousa (costumes), Laïs Foulc (lumières), Eric Perroys (vidéo)


(© Gilles Abegg)


L’Opéra de Lille poursuit sa saison avec un spectacle coproduit avec l’Opéra de Dijon, où il a été créé en mai dernier, le Théâtre de la Ville de Luxembourg et le Théâtre de Caen. Emmanuelle Haïm voulait monter Pygmalion (1748) de Rameau, mais elle s’interrogeait sur le choix du couplage. L’idée d’associer cet acte de ballet avec L’Amour et Psyché (1758), troisième Entrée extraite des Fêtes de Paphos de Mondonville, s’impose progressivement au fil des réflexions et se révèle judicieux : le thème de l’amour parcourt ces deux pièces historiquement proches et de durée à peu près équivalente.


Il fallait aussi attribuer un rôle suffisamment consistant aux choristes du Concert d’Astrée, peu sollicités par Rameau, davantage par Mondonville : les chanteurs se distinguent par la beauté de leur sonorité et la netteté de leur déclamation. Quant aux musiciens de l’orchestre, tout de rouge vêtus, même leur chef, ils délivrent leur niveau de jeu habituel. Leur prestation, énergique et élégante, témoigne d’évidentes affinités avec cette musique, mais le jeu instrumental manque parfois de raffinement et de diversité – passons sur cette disgracieuse intervention des deux flûtistes.


La mise en scène laisse une impression mitigée. Robyn Orlin, qui explore la figure de l’artiste et les différentes formes de l’amour, formule beaucoup d’intentions, à l’instar de la plupart des productions à l’Opéra de Lille, mais l’aspect visuel du spectacle en occulte le fond, d’où un sentiment de superficialité – Pygmalion agit en artiste narcissique, les personnages de Mondonville se livrent à des séances de photo shooting. Le seconde partie, surtout, souffre d’effets exagérément recherchés, à cause d’une utilisation envahissante de la vidéo, procédé commun aux deux parties, avec des montages en direct sophistiqués mais d’un goût pour le moins discutable.


La sculpture de Pygmalion consiste ainsi en une structure formée par une toile sur laquelle se superposent des corps filmés en temps réel et déstructurés comme du Picasso. Dans ce diptyque, la laideur et la vulgarité côtoient le kitch et la beauté, dans une surenchère à la longue exaspérante, en particulier dans Mondonville. La metteuse en scène, qui recourt aussi au principe du dédoublement des personnages, associe les chanteurs avec des danseurs d’origine étrangère, dans une dynamique multiculturelle à la mode. Et il vaut mieux parler, ici, de mouvements chorégraphiés plutôt que de danses. Reconnaissons toutefois l’originalité et la cohérence du concept.


Les trois chanteuses, Samantha Louis-Jean, Armelle Khourdoïan et Magali Léger, toutes trois présentes dans les deux parties, suscitent quelque peu la déception, malgré la justesse de l’expression. Nous peinons à comprendre que le chef tolère tant de relâchement dans la déclamation, avec des voyelles trop ouvertes, des consonnes souvent floues et une ligne de chant variable, alors qu’elles possèdent chacune un timbre ravissant et montrent d’incontestables aptitudes vocales – la gracieuse Magali Léger remporte malgré tout la mise. Reinoud Van Mechelen, distribué en Pygmalion, satisfait bien plus aux attentes, par le modelé du phrasé et l’éloquence du verbe, malgré un léger accent. La voix, fine et légère, se déploie avec fermeté et précision, dans un souffle bien contrôlé. Et applaudissons aussi Victor Sicard qui dans le rôle travesti de Tisiphone en impose par sa présence et son chant peaufiné, tout en manifestant une véritable conscience de la langue.



Sébastien Foucart

 

 

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