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Eternelle Russie

Paris
Maison de la radio
01/17/2019 -  
Serge Rachmaninov : Symphonie n° 1, opus 13
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 6, opus 54

Orchestre national de France, Neeme Järvi (direction)


N. Järvi (© Simon van Boxtel)


Le dernier concert de Neeme Järvi avec le National ne remonte qu’à 2017, pour un programme Chostakovitch, mais un tel chef mériterait qu’on le vît tous les ans à Paris. On gardera à la mémoire la soirée du 17 janvier 2019, et son affiche russe.


La Première Symphonie de Rachmaninov passe souvent pour longue et maladroite, telles beaucoup d’œuvres de jeunesse trop ambitieuses – le compositeur, blessé par l’échec de sa création, laissa même son manuscrit en Russie quand il s’exila. Dirigée par le vénérable Estonien, elle fascine par la cohérence de sa forme, l’originalité de ses couleurs, la puissance de son inspiration! Rien n’échappe à cette main de fer, à cette direction si unitaire qu’on croirait n’entendre qu’un seul mouvement, tant les parties s’enchaînent – il n’y a pas moins d’unité à l’intérieur de chacune. L’exacerbation artificielle des contrastes n’est pas le genre de la maison, pas plus que les épanchements narcissiques: voici une lecture implacable, d’une tension constante, d’une noirceur parfois insoutenable – avec ce «Dies irae» récurrent, comme souvent chez Rachmaninov. Cette Première Symphonie prolonge la Pathétique de Tchaïkovski – dans le développement du Grave-Allegro non troppo initial, notamment. Si Järvi se montre souverain dans la conduite du discours, il dirige aussi en coloriste, rendant pleine justice à la science des timbres de Rachmaninov.


Une telle approche ne convient pas moins à la Sixième Symphonie de Chostakovitch, dont Järvi construit d’emblée le très mahlérien Largo comme un immense portique, à la polyphonie d’une grande clarté, traversé d’une irrémissible angoisse – les musiciens du National, qu’il fait presque sonner comme un orchestre russe, font merveille dans ce qui relève parfois d’un concerto pour orchestre. L’Allegro, ensuite, grince et grimace, avant que le Presto, avec sa légèreté narquoise, ses irrévérencieux relents de bastringue, ne révèle son inquiétante ambiguïté: Järvi ne nous laisse aucune illusion. Ici encore, on admire l’art de la progression, comme si, dès la première mesure, il pensait à la dernière. En bon disciple de Mravinski... Quelque chose, du coup, reliait Chostakovitch à Rachmaninov, chantres de l’éternelle Russie. L’orchestre? Quand le chef est grand, il l’est aussi.



Didier van Moere

 

 

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