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Les divines longueurs... d’Offenbach !

Baden-Baden
Festspielhaus
11/25/2018 -  et 1er septembre 2018 (Bremen)
Jacques Offenbach : Les Contes d’Hoffmann
Charles Castronovo (Hoffmann), Olga Peretyatko (Olympia, Giulietta, Antonia, Stella), Luca Pisaroni (Lindorf, Coppélius, Dapertutto, Dr. Miracle), Aude Extremo (La Muse, Nicklausse), Mathias Vidal (Andrès, Cochenille, Pitichinaccio, Frantz), Aurélia Legay (La voix de la Mère d’Antonia), Marc Mauillon (Hermann, Schlémil), Jean-Vincent Blot (Luther, Crespel), Christophe Mortagne (Nathanaël, Spalanzani)
Philharmonia Chor Wien, Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski (direction)
Romain Gilbert (régie dramatique)


M. Minkowski, O. Peretyatko, C. Castronovo (© Andrea Kremper)


Ecouter Les Musiciens du Louvre s’accorder intrigue d’emblée. Comment la convergence de l’ensemble vers un la global peut-elle rester aussi imprécise, comme un brouhaha largement saturé d’harmoniques, ou plus perfidement dit, comme s’il subsistait en définitive autant de la différents que d’instruments ? Suspicion qui résume bien notre malaise, face à une sonorité d’orchestre à laquelle il nous aura été continuellement impossible de nous acclimater au cours de cette soirée. Certains parleront peut-être ici d’intéressantes couleurs mates et boisées, alors que personnellement on y aura ressenti plutôt un total acoustique qui vire souvent à l’ocre et au vert-de-gris.


Un phénomène qui n’est pas tellement différent que lorsque d’autres ensembles historiquement informés s’agglomèrent en gros effectifs et débordent sur le répertoire lyrique du 19e siècle (on pense notamment au Balthasar-Neumann Ensemble ou aux Barocchisti, entendus dans la même salle). Ici on a trop souvent l’impression qu’au niveau de chaque pupitre, une fois sorti un son au choix piano, forte ou mezzo-forte, rien ne permettra vraiment de le sculpter, le rattraper, le polir. Et quand cet effet « on-off » se reproduit à grande échelle, sur un effectif de circonstance qui n’a pas autant l’habitude de l’écoute mutuelle qu’une formation symphonique régulière, on aboutit à un résultat étrange : un bourdonnement sans doute moins encombrant dans l’absolu, au décibelomètre, que les sons tranchants d’un orchestre moderne mais d’une telle richesse en transitoires qu’il n’en constitue pas forcément une barrière plus facile à franchir pour les voix. Ici, hormis Olga Peretyatko, dont le timbre est suffisamment percutant pour se frayer un passage partout, et une jolie brochette de rôles secondaires à l’émission bien placée, tout le monde se retrouve noyé, dans cette version de concert où pourtant les solistes sont alignés devant l’orchestre. Un curieux phénomène, dont Marc Minkowski ne semble pas beaucoup se soucier, ou du moins pas souvent. Il y a certes dans sa direction quelques passages extrêmement subtils (l’accompagnement d’«Elle a fui, la tourterelle», par exemple, posé délicatement sur le souffle d’instruments à vent qui semblent soupirer davantage que jouer, ou encore le second couplet du chœur final) mais à côté de ces nuances que l’on qualifierait presque d’ostensibles, tout le reste paraît peu contrôlé en volume. Et quand la grosse caisse s’y met, impossible de ne pas ressentir cet Offenbach-là comme plus proche de l’empirique bateleur des Bouffes-Parisiens que du compositeur ambitieux qui élargit sa palette pour faire de l’opéra.


Mais revenons à Olga Peretyatko, qui reste sur la trajectoire de sa brillante Traviata au Festspielhaus en mai 2015. Le rôle-titre de l’opéra de Verdi requiert, on le sait, de posséder deux voix sensiblement différentes, et chanter tous les actes des Contes d’Hoffmann requiert même d’en posséder trois. Or ici c’est moins l’accomplissement global que le pragmatisme avec lequel ces trois silhouettes féminines (voire quatre, mais Stella n’a quand même pas grand-chose à faire) sont unifiées, ramenées à une sorte de dénominateur commun, qui nous interpelle. Peretyatko réussit à paraître à son meilleur dans tous les rôles, mais de bout en bout elle fait... du Peretyatko ! C’est toujours lumineux, énergique, d’un dynamisme opportun, mais manquant quand même d’approfondissement et de variété dans l’approche, moins d’ailleurs pour Giulietta que pour Antonia. Olympia reste quant à elle un tour de force pyrotechnique, mais avec toujours ici ou là quelques peccadilles de justesse (décidément l’un des petits défauts dont elle n’arrivera jamais à se départir durablement ?).


On avait beaucoup apprécié Charles Castronovo dans le Faust de Gounod, ici même. En revanche Hoffmann ne lui convient pas bien, trop exigeant en projection et du reste pas assez travaillé (version de concert ou pas, Castronovo est le seul chanteur de la distribution qui reste aussi inséparable de sa partition, au point même de se couper la respiration à force de plonger le nez dedans). Le cas de Luca Pisaroni est plus compliqué, avec une belle présence dans le haut de la tessiture (où même d’assez nombreuses phrases passent dans un français intelligible, alors que chez ses deux principaux partenaires on ne perçoit au mieux qu’un mot ici ou là) et en revanche des graves creux et détimbrés, qui résistent mal au brouillage de l’orchestre. Curieux aléas techniques aussi pour Aude Extremo, Nicklausse aux belles couleurs graves et à l’indéniable prestance, mais dont la voix peut aussi d’un moment à l’autre vaciller et errer bizarrement, sans préavis. Très bon choix de seconds plans, qui dès qu’ils ont la moindre phrase à placer nous démontrent qu’on chante bien les Les Contes d’Hoffmann en français et non dans une langue mâchonnée et informe, et très belle tenue du Chœur Philharmonia de Vienne, assez largement sollicité au cours de cette longue soirée.


Quelques précisions encore sur le texte. Pour l’essentiel une version Keck estampillée « authentique », qui écarte de ce fait l’air « Scintille diamant » et le Septuor de l’acte de Venise (apocryphes certes, mais fort bien écrits...) et rétablit par ailleurs autant de coupures et variantes que possible. Principaux bénéficiaires: l’acte de Venise, assez largement réorganisé mais qui garde quelques problèmes de cohérence, et le rôle de Nicklausse, beaucoup plus étoffé que d’habitude. Du coup l’ouvrage en devient franchement long voire redondant, a fortiori pour une version de concert. Encore que la mise en espace effectuée par Romain Gilbert, avec quelques éléments de mobilier et éclairages travaillés à l’appui, permette de reconstituer un peu du dynamisme d’un vrai spectacle, du moins quand les chanteurs sont disposés à se prêter au jeu, ce qui est largement le cas pour tout le monde, à une exception près.



Laurent Barthel

 

 

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