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Warlikowskien

Bruxelles
La Monnaie
11/06/2018 -  et 7, 10, 11*, 13, 14, 16, 17 novembre 2018
Leos Janácek: Z mrtvého domu
Willard White (Alexandr Petrovic Gorjancikov), Pascal Charbonneau (Aljeja), Stefan Margita (Filka Morozov), Nicky Spence (Grand Prisonnier, Prisonnier à l’aigle), Ivan Ludlow (Petit prisonnier, Cekunov, Cuisinier), Alexander Vassiliev (Commandant), Graham Clark (Vieux Prisonnier), Ladislav Elgr (Skuratov), Jeffrey Lloyd-Roberts (Prisonnier ivre), Ales Jenis (Forgeron), Pavlo Hunka (Pope, Siskov), Florian Hoffmann (Jeune prisonnier), Natascha Petrinsky (Prostituée), John-Graham Hall (Kedril), Peter Hoare (Sapkin), Alexander Kravets (Cerevin), Alejandro Fonte (Gardien), Maxime Melnik (Voix)
Chœurs d’hommes de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Michael Boder (direction)
Krzysztof Warlikowski (mise en scène), Malgorzata Szczęsniak (décors, costumes), Felice Ross (lumières), Denis Guéguin (vidéo), Claude Bardouil (chorégraphie)


(© Bernd Uhlig)


Du pur Warlikowski. L’univers carcéral de De la maison des morts (1928) constitue un terrain d’investigation propice pour le metteur en scène polonais qui reste fidèle à lui-même. Une photographie de la production suffit à identifier immédiatement l’art et la manière de Krzysztof Warlikowski et de Malgorzata Szczęsniak, sa fidèle costumière et décoratrice. Voici de nouveau le genre de scénographie brute et sordide que nous connaissons bien, avec ces couleurs délavées, cette cage en verre, ce lit, ces sièges disposés en estrade, cet évier, ces néons diffusant une lumière blafarde – une signature. Le metteur en scène se défoule dans le deuxième acte, celui qui épouse le plus naturellement sa conception, avec sa mise en abyme et ses outrages.


Mal décantés, au point qu’une partie de l’action nous échappe, les deux autres actes suscitent déception et ennui. Le metteur en scène ne cherche pas à renouveler son langage, qui ne réserve plus aucune surprise, alors qu’il aurait pu montrer un tout autre visage dans cet opéra si original. Il faut de nouveau supporter deux habitudes récurrentes de nombreuses mises en scène actuelles: les inscriptions de textes abscons et philosophiques et l’utilisation de la vidéo à des moments peu opportuns, comme durant l’Ouverture, malheureusement parasitée par des images du penseur Michel Foucault, dont les propos sont retranscrits en sous-titres. Et comme dans la plupart des mises en scène de Warlikowski, sinon toutes, quand l’un se drogue, un autre tremble frénétiquement, comme pris de convulsion. Le destin de ces prisonniers violentés et devant se contenter de poupées gonflables pour assouvir leurs besoins laisse ainsi indifférent alors que Janácek a livré, à la toute fin de sa vie, un chef-d’œuvre empli d’humanisme et d’émotion, ce que le regretté Patrice Chéreau avait admirablement compris. Mais il faut saluer le professionnalisme de l’ensemble, reconnaître l’implication de chacun et admirer la direction d’acteur, intense et précise.


Comme cet opéra ne comporte pas de rôle principal, les chanteurs se démarquent difficilement, mais tous habitent intensément leur personnage et, vocalement, le niveau reste digne de la réputation de la Monnaie. La distribution satisfait ainsi aux attentes par sa pertinence et son homogénéité mais certains rôles reviennent à des artistes exceptionnels qui s’illustrent surtout par leur présence physique, comme Willard White, qui participa à la production de Chéreau, en Gorjancikov, et l’excellente Natascha Petrinsky, qui révèle une plastique parfaite dans le rôle de la Prostituée sans n’avoir quasiment rien de consistant à chanter. La longue liste des chanteurs à l’affiche de cette coproduction avec Covent Garden et l’Opéra de Lyon, qui montera à son tour le spectacle en janvier, prouve que la Monnaie ne lésine pas sur les moyens jusque, dans les plus petits rôles – excellents Pascal Charbonneau et Alexander Vassiliev dans ceux, plus exposés, d’Aljeja et du Commandant.


Le plus grand motif de satisfaction réside finalement dans la fosse. Sous la direction compétente et inspirée de Michael Boder, l’orchestre livre une prestation tendue, détaillée, aux inflexions variées et à l’impulsion irrépressible. Le chef et les musiciens, qui dévoilent la richesse de l’orchestration âpre et originale de Janácek, ne furent pas autant applaudis qu’ils le méritaient. Après une Flûte enchantée très contestable, la Monnaie poursuit sa saison avec une production à nouveau susceptible de diviser le public par sa conception esthétique et théâtrale. Peut-être que le Don Pasquale selon Laurent Pelly mettra enfin tout le monde d’accord en décembre.



Sébastien Foucart

 

 

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