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Objets trouvés recomposés

Paris
Cité de la musique
10/26/2018 -  
Clara Iannotta : Clangs
Pierre-Yves Macé : Rumorarium (création)
Helmut Lachenmann : Concertini

Eric-Maria Couturier (violoncelle)
Ensemble intercontemporain, Matthias Pintscher (direction)


P.-Y. Macé (© Vincent Pontet)


«Il peut rester là comme une discordance ou au contraire être intégré» nous disent les notes du programme. Il s’agit de l’objet trouvé, auquel les trois compositeurs de ce soir ont eu recours par des moyens différents.


Dans Clangs (2012) pour violoncelle et ensemble amplifié, deuxième volet d’une trilogie inspirée par le carillon de la Cathédrale de Fribourg, Clara Iannotta (né en 1983) se livre à un processus de «remémoration». Douze minutes d’un rituel contemplatif, qui lâche la bride aux sons et aux résonances, dans laquelle l’auditeur se fond voluptueusement, à l’instar du violoncelle d’Eric-Maria Couturier. La compositrice a fait depuis sa signature de ces harmonicas enveloppés de papier de soie, appeaux et autres boîtes à musique. Aussi l’œuvre agit-elle comme une sorte de chaudron bouillonnant de ses procédés stylistiques à venir. Y règne toutefois une fraîcheur d’invention absente de certaines œuvres futures où les modes de jeu, toujours aux limites de la perception, semblent plus décrétés que sentis.


Commande de l’Ensemble intercontemporain (EIC), Rumorarium pour vingt-trois musiciens et sons fixes se veut «une pièce mixte (instrumentale et électroacoustique) à partir d’enregistrements de musique de rue». «Mais», précise Pierre-Yves Macé (né en 1980), «je tenais à ce que ce soit des instruments solos acoustiques». On n’y trouvera donc ni groupe ni bande préenregistrées non plus que cet environnement urbain (appels aux voyageurs du métro etc.) dont Steve Reich fit un usage magistral dans City Life (1995). Le fait d’avoir élaboré le travail de «récupération» à partir d’instruments solistes occasionne un matériau de base essentiellement ethnique, voire folklorique. D’où le sentiment d’une invitation au voyage dont les différentes stations épousent les polarités autour desquelles s’articulent la trajectoire de Rumorarium. Parmi les instruments les plus sollicités, citons les trois timbales et la clarinette aux mélopées lascives de Jérôme Comte. Particulièrement mémorable cette séquence où cor et clarinette, tels des animaux à la période des amours, se répondent sur les grondements sourds de la grosse caisse. Avec cette partition élégante et somme toute très chorégraphique, Pierre-Yves Macé a su déjouer brillamment les pièges que lui tendait sa périlleuse entreprise.


Le rapport à l’objet trouvé est évidemment beaucoup plus stylisé (comme les suites de danses chez Bach) dans Concertini (2005) de Helmut Lachenmann (né en 1935). L’œuvre appartient à la dernière manière du maître, qui intègre gestes et éléments mélodiques issus de la tradition, ceux-là mêmes qui étaient proscrits dans la première phase de la «musique concrète instrumentale». Loin de se désavouer, Lachenmann a ainsi «survécu à sa propre révolution» – pour reprendre la formule de l’historien d’art Jean Leymarie au sujet de Picasso. Au «ton serein, léger, par moments presque enjoué» sur lequel insiste Max Nyffeler, on ajoutera l’artisanat souverain auquel est parvenu le compositeur dans cette partition de quelque quarante minutes. Difficile de la définir sans la trahir. Moins convulsive que celle de Mouvement (-vor der Erstarrung) (1984), la musique «offre une richesse inouïe d’actions concertantes, enchevêtrées» dans laquelle les objets trouvés sont davantage intégrés que dans la pièce pour orchestre Tableau (1988), laquelle les épinglait à dessein tels des papillons sur une plaque de liège. Sous la direction d’une insolente souplesse de Matthias Pintscher, les membres de l’EIC allient rigueur et liberté, jeu solo (mention spéciale au tromboniste Jérôme Naulais) et collectif, avec un bonheur communicatif que la salle, conquise, a récompensé par un tonnerre d’applaudissements.



Jérémie Bigorie

 

 

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