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Ambronay
Abbatiale d'Ambronay, Opéra de Lyon, Théâtre de Villefranche
10/07/2001 -  


Abbatiale d’Ambronay
Samedi 29 septembre
Emilio de Cavalieri :Rappresentatione di Anima e di Corpo
Anne Cambier (Anima), Hervé Lamy (Corpo), Stephan Van Dyck (Intelletto), Carlos Mena (Angelo Custode), Stephan MacLeod (Mondo / Consiglio / Tempo)
Choeur de Namur, La Fenice, Jean Tubéry (dir.)


Abbatiale d’Ambronay
Dimanche 30 septembre
Miserere de Leonardo Léo, Gregorio Allegri et Tommaso Bai, Giovanni Moro da Viadana, Francesco Scarlatti
Ensemble William Byrd, Graham O’Reilly (dir.)


Bonaventura Aliotti : Il Sansone
François-Nicolas Geslot (Sansone), Adriana Fernandez (Dalila), Yvan Garcia (Morfeo), Lavinia Bertotti (Inganno), Claudio Cavina (Capitano dei Filestei)
Elyma - Coro Madrigalia, Gabriel Garrido (dir.)


Opéra de Lyon
Mercredi 3 octobre
Claudio Monteverdi : Orfeo
Furio Zanasi (Orfeo), Gloria Banditelli (Messagiera), Betsabée Haas (Euridice), Adriana Fernandez (Musica Speranza), Ivan Garcia (Caron), Mario Ceccheti (Pastore I), Bertrand Chuberre (Pluton, Pastore IV), Alicia Borges (Proserpina), Francesc Garrigosa (Apollo, Pastore III), Fabian Schofrin (Pastore II), Bandine Staskiewicz (Ninfa), Maurizio Rossano (Spirito I), Paul-Henry Vila (Spirito II)
Elyma - Coro Madrigalia, Gabriel Garrido (dir.)


Théâtre de Villefranche sur Saône
Vendredi 5 octobre
Jean-Baptiste Lully et Philippe Quinault : Cadmus et Hermione
Boris Grappe (Cadmus / le Soleil), Ingrid Perruche (Hermione), Vincent Billier (Arbas)
Ludovic Lagarde (mise en scène), Odile Duboc (chorégraphie), Pierre Alféri (création vidéo), Jean-Jacques et Virginie Weil (costumes), Monique Zanetti (professeur de chant), Yvon Repérant (professeur de continuo et de chant), Enrico Gatti (encadrement des cordes), Iacovos Pappas (réalisation de la partition d’orchestre)
Orchestre et Chœur de l’Académie Baroque Européenne d’Ambronay, Christophe Rousset (dir.)


Abbatiale d’Ambronay
Dimanche 7 octobre
Michel Richard De Lalande : Exaltabo te, deus meus rex ; De profundis
André Campra : Requiem
Nicola Wemyss, Hjördis Thébault (dessus), François Nicolas Geslot (haute-contre), Laurent Slaars (taille), Arnaud Marzorati (basse)
Les Arts Florissants, William Christie (dir.)



En 1600, le monde musical bascule. Continuo, tonalité, secunda prattica : stile recitativo, ou recitar cantando, lieu entre la déclamation théâtrale, la parole mise en musique, et la musique cherchant sa langue. C’est aussi le moment de cette Représentation qui appartient au style de la Nouvelle Musique. Représentation de cette recréation de la musique antique qui est prétexte à création. L’âme pourrait être celle des mots, et le corps, celui de la résonance. Ou le corps éloquent, et l’âme de la musique. Le centre de gravité est constitué par la représentation des affetti. C’est le mot qui donne son sens à la note, autant que celle-ci aide le premier de ses résonances profondes et parfois inconnues, dans ses nouveaux tons. Dans cette diction musicale, la ductilité du son doit participer à la compréhension du texte. Le concetto est bien celui de l’âme. Les grands noms du moments sont entre autres Marca Da Gagliano, Giovanni Bardi, Giulio Caccini, Claudio Monteverdi, et Jacopo Peri, pour qui Cavalieri est un des tous premiers, ou même le premier, à avoir pratiqué ce style moderne.
Heureusement soutenu pour des productions de plus en plus importantes, Jean Tubéry aborde un répertoire plus large et plus imposant avec tout autant de maestria et de soin qu’à ses débuts. C’est en fin connaisseur de la période qu’il aborde cette partition mythique, tout autant représentation de l’âme et du corps, qu’invention d’une nouvelle langue, représentation de la Grèce et de l’Italie, fille humaniste de l’Antiquité. Représentation du pouvoir du récitatif, de la « seconde pratique ». En coproduction avec le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, le festival d’Ambronay se poursuivait donc par la représentation prudencienne dudit Cavalieri. On y retrouve dans les sinfonias le Tubéry virtuose du cornet, de manière générale des vents excellents, l’émouvant lirone d’Imke David, et un choeur bien préparé. Dans les solistes, on retiendra l’impressionnant falsettiste Carlos Mena, ainsi que Stephan MacLeod. Toutes les troupes se sont particulièrement illustrées dans le passage des âmes damnées.
Après l’Italie archéologue, c’est l’Italie rituelle qui nous menait vers Allegri. Il y a quelques années, on avait pu entendre une version originale ornementée de son Miserere, à la Primatiale St Jean de Lyon, version préparée par Paul Mc Creesh, avec ses Gabrieli Consort & Players. Graham O’Reilly et Hugh Keyte proposent une autre version de ce psaume extra-liturgique, plus proche de ce qu’on a pu entendre au début du XIXe siècle, mélange d’Allegri (1638) et celui de Bai (1714) pour les faux-bourdons, plus travaillés que chez le premier. La présente restitution s’appuie sur un manuscrit de 1892, conservé au Vatican et réalisé par Domenico Mustafà, dernier maître de musique de la Chapelle. Pour augmenter le pouvoir du fameux morceau et rester fidèle au contexte religieux du services des Ténèbres, Graham O’Reilly a la bonne idée de placer ses chanteurs hors du regard du public, au fond de l’église. Les voix sont parfois petites, mais suffisantes pour l’acoustique. En regard, on pouvait entendre d’autres Miserere de Leonardo Leo, Giovanni Moro da Viadana, et Francesco Scarlatti. On peut retrouver ses partitions bien servies dans une collection discographique du festival d’Ambronay distribuée par Astrée Naïve.
L’ouvrage inconnu du palermitain Aliotti représente efficacement et en peu de temps l’histoire biblique de Samson. Représenté à Palerme en 1687 et à Modène en 1688, il déploie une musique d’une extrême qualité qui mériterait un enregistrement dans des meilleures conditions que celles affrontées par l’enthousiasme de Gabriel Garrido : l’orchestre, parfois peu discipliné, ne le suit pas toujours, le continuo arrivant même à disparaître par moments. Si le choeur est bon, le choix des voix solistes pourrait être plus judicieux. A part la Dalila d’Adriana Fernandez et le Morfeo d’Yvan Garcia, pas de tempérament, pas de véritable voix. On notera par contre l’excellence des deux cornettistes.
Gabriel Garrido donnait quelques jours plus tard un honorable Orfeo. Si la mise en espace et la première partie, malgré de belles sinfonias, laissaient à désirer, l’enthousiasme du chef a emporté la fin vers les beautés légendaires que recèle la partition de Monteverdi. Furio Zanasi est un grand Orfeo, son dialogue avec Caron, des troisième et quatrième actes, de même que sa longue complainte finale ( Questi i campi di Tracia …), sont saisissants.
Une fois de plus, on doit féliciter et remercier Ambronay de nous donner du Lully, si génial et finalement si rare sur les scènes. L’effet « Atys » n’a pas débouché sur une réelle attention, de la part des grands théâtres, à ce répertoire. Dommage. Vraiment dommage, d’autant que la France dispose désormais, avec le Centre de musique baroque de Versailles et des personnalités comme Jean Duron et Edmond Lemaître, de structures scientifiques de très haut niveau, relatives à la musique de cette époque.
Christophe Rousset, en grand progrès pour ce qui est de la direction d’orchestre dans le répertoire français, emmène d’une main de maître l’orchestre créé pour l’occasion, remarquable, ce soir là, de son, de cohérence et de couleurs dans cette pièce en un prologue et cinq actes, créée le 27 avril 1673 au Jeu de Paume du Béquet (rue de Vaugirard). Le contenu de cette première tragédie lyrique, mêlant tragédie, comédie, danses, choeurs, divertissements, est varié et riche. Entouré par une excellente équipe, Yvon Repérant, Monique Zanetti, Enrico Gatti, et muni d’une très bonne réalisation, à première vue, (par l’excellent Iacovos Pappas), Christophe Rousset magnifie le spectacle par la musique, à défaut de la vision. Une fois de plus, l’aspect « scène » est incohérent, ou même grotesque et fâcheux si l’on va jusqu’à considérer la pseudo « création vidéo » dudit Pierre Alféri. De ce point de vue, la ligne suivie par l’Académie d’Ambronay est catastrophique : pourquoi imposer systématiquement depuis plusieurs années une « vidéo » dans un lieu qui n’en a aucun besoin. Cette concession à quelque chose qui se prétend de l’art contemporain détruit totalement l’aspect visuel des productions. Si l’on a pas d’argent pour construire un décor baroque digne de ce nom avec effets et machines, pourquoi ne pas rester dans une sobriété efficace ? C’est un comble que la musique doive à elle seule (et elle fait, malgré tout), supporter le drame, l’action profonde de la tragédie lyrique. On pourrait imaginer une imitation ou tout du moins une inspiration des principes poétiques anciens. Dans ce cadre, pas de catharsis, pas de sentiment à nu, pas de cruel qui soit cruel. Au contraire, la vidéo ridiculise complètement le spectacle ; et pourtant, quelle musique fait plus sentir la force naissante du drame. On lit bien dans la « Note d’intention du directeur artistique », Christophe Rousset : « Apparition de dieux, combats de géants, statues qui s’animent : Cadmus remplit sa fonction de grand spectacle où le merveilleux côtoie les grands thèmes tragiques ». Et autres merveilles des Métamorphoses d’Ovide. Peu de rapport avec ce que l’on voit, ou avec ce que l’on veut bien nous laisser imaginer.
Dommage que les « exercices communs sur le mouvement » (Note d’intention du metteur en scène) ne correspondent pas au mouvement de la partition. Dommage que « le sampling d’images assemblées, retouchées, re-rythmées » (Ibid.) ne corresponde à rien du tout. D’autant qu’au rayon « mouvement », on peut lire, cette fois dans la note d’intention de Pierre Alféri : « L’image fonctionne, à l’égard de la scène qu’elle accompagne, comme contrepoint atmosphérique ou dramatique, comme toile de fond. Par son rythme de défilement, elle peut suivre le tempo de la musique et soutenir la chorégraphie. » Faux. Ou alors, drôle de conception du contrepoint et du rythme, ou « tempo », de la musique de Lully. Et aussi, drôle d’ « athmosphère ». Puis « Le travail vise à dépasser la simple illustration. Il rend hommage à la puissance imaginaire du cinéma, qui domina le siècle, en proposant de pénétrer dans le détail rythmique et plastique de quelques plans. » (Ibid.) Drôle d’hommage, qui découpe et tue tout détail rythmique et plastique d’une image sans rapport avec ce qui se passe réellement. Désormais, tout le monde est à la hauteur de faire des hommages. Pauvre cinéma. On croit rêver. Mais non, le pseudo « décor mouvant » de Pierre Alféri a frappé. C’est que tout cela « s’apparente […] au ‘sampling’ musical ». Tout a été dit. Images ineptes, en boucle, de mauvaises qualité, complètement décalées et parfois déformées par ordinateur, etc. On est donc obligé de se taper King Kong avec Lully. Soit Pierre Alféri est bête, ce qui semble exclu puisqu’il est normalien, agrégé de philosophie et auteur d’un livre remarquable sur Guillaume d’Ockham, soit il se prend au sérieux, ce qui est possible pour les mêmes raisons, soit il prend le public pour un imbécile.
Tout cela ne doit pas cacher, même si ça le gâche, l’important travail des musiciens, chanteurs et danseurs. A part une erreur d’étiquette (on ne fait pas courir le roi), de distribution (un contre-ténor au lieu d’un haute contre), quelques costumes ridicules, des chanteurs marchant à contretemps de la musique, l’ensemble est de bonne tenue. Le style déclamatoire des récitatifs est particulièrement mis à l’honneur par les solistes. Les rôles principaux sont incarnés avec une grande classe par de jeunes artistes très prometteurs. La quatrième scène des premier et deuxième actes sont mêmes extraordinaires. Par de magnifiques chaconnes, symphonies et un bon choeur, Christophe Rousset restitue la grandeur et l’honneur de Lully.
Le troisième week-end du festival se concluait avec deux grands motets français de De Lalande. William Christie dirige l’Exaltabo te avec un rien de raideur, d’académisme et de routine, avant d’émouvoir réellement dans l’incroyable De profundis. Après une magnifique introduction instrumentale, où l’on admire la beauté de la ligne de basse continue, un ensemble de très haute tenue précède l’immense choeur final qui constitue l’hapax : l’inénarrable douceur majestueuse du dernier verset, « Requiem aeternam dona eis Domine » et l’allegro de l’ « Et lux perpetua ». Par la suite, le Requiem de Campra ne déçoit nullement, même si dans l’ensemble les solistes ne sont pas du tout à la hauteur de leur partie, à l’exception d’Arnaud Marzorati. Une fois encore, le choeur final sur le « Requiem » est très impressionnant.



Frédéric Gabriel

 

 

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