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Ebauches brucknériennes

Paris
Philharmonie
10/19/2018 -  
Anton Bruckner : Symphonie n° 8 en ut mineur (édition Haas)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction)


P. Jordan (© Philippe Gontier/Opéra national de Paris)


L’Opéra national de Paris concentre actuellement ses forces sur Les Huguenots, mais s’en est échappé pour un soir afin de retrouver le public parisien de la Philharmonie pour un concert symphonique, dans son genre tout aussi démesuré que l’opéra de Meyerbeer, puisque consacré à la monumentale Huitième Symphonie d’Anton Bruckner (1824-1896).


Choisissant pour l’occasion l’édition de 1890 établie par Robert Haas, Philippe Jordan ne nous aura pas vraiment convaincu dans cette œuvre-phare du répertoire symphonique du XIXe siècle. L’orchestre est pourtant de très haut niveau. Bénéficiant notamment de superbes pupitres de cuivres (à commencer par Misha Cliquennois au cor solo) qui retentirent avec un éclat particulier dans le Scherzo et d’une petite harmonie dotée d’une assez grande finesse (en particulier les bassons et les clarinettes), il sut donner à la Huitième Symphonie toute la magnificence requise. Les cordes auraient pu être parfois plus amples ou révéler une cohésion plus forte, mais on aura tout de même bénéficié d’un pupitre de violoncelles absolument somptueux, qui aura révélé toute son excellence dans l’Adagio. Instrument pourtant central chez Bruckner, les timbales de Philippe Poncet nous auront paru souvent bien discrètes mais cette question, comme toutes celles relatives aux options interprétatives, renvoie bien entendu aux choix de Philippe Jordan et c’est là que le bât blesse.


Car, dès les premières attaques (les violons et les cors), où l’on attend un certain mystère, l’approche est franche et étrangement claire. Si «alléger» Bruckner peut être une bonne idée (encore que certaines symphonies s’y prêtent plus facilement que d’autres, ce qui n’est peut-être pas le cas de la Huitième), il faut néanmoins que cette option soit au service d’une vision: or, que souhaite faire Philippe Jordan? On ne sait pas. Le premier mouvement ne prend pas assez son temps, le chef ne laissant guère l’orchestre respirer et préférant le «cravacher» plutôt que le conduire sur de larges chemins qui auraient en principe dû aboutir à cette «conclusion accablée» (P.-G. Langevin) et qui auront totalement fait défaut ce soir. Le cataclysme de la fin n’a pas davantage été au rendez-vous, laissant une impression de «légèreté» qui pouvait sembler hors de propos. Le Scherzo s’avéra également assez précipité, le chef ayant préféré insister sur certains détails (les accents des trombones dans la réexposition du Scherzo juste avant le Trio) plutôt que sur la forme globale, les transitions ayant souvent manqué de fondu et de naturel. L’impression laissée par l’Adagio fut également contrastée: des phrases souvent très bien tenues mais des transitions qui laissaient à désirer (juste avant la première entrée des Wagner-Tuben) et un manque de contrastes dans les tutti ont fait de ce vaste mouvement plus une juxtaposition d’épisodes qu’une grande arche musicale et spirituelle. Finalement, c’est peut-être le dernier mouvement qui fut le plus réussi, en dépit d’une fin là encore très précipitée, dans laquelle tous les caractères attendus d’une des plus formidables codas brucknériennes auront été gommés.


Pourtant salué par un public et un orchestre conquis, Philippe Jordan nous aura fait penser à un sculpteur dont le marteau n’aura pas sublimé le bloc de marbre à sa disposition mais n’en aura fait qu’une ébauche, prometteuse certes mais fort éloigné du chef-d’œuvre attendu. Dommage.


Le site de Philippe Jordan
Le site de l’Orchestre national de l’Opéra de Paris



Sébastien Gauthier

 

 

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