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Surdimensionné

Paris
Opéra Bastille
09/28/2018 -  et 1er, 4, 7, 10, 13, 16, 20, 24 octobre 2018
Giacomo Meyerbeer : Les Huguenots
Lisette Oropesa (Marguerite de Valois), Yosep Kang (Raoul de Nangis), Ermonela Jaho (Valentine), Karine Deshayes (Urbain), Nicolas Testé (Marcel), Paul Gay (Le comte de Saint-Bris), Julie Robard-Gendre (Une dame d’honneur, Une jeune fille catholique, Une bohémienne, François Rougier (Cossé, Un étudiant catholique), Florian Sempey (Le comte de Nevers), Cyrille Dubois (Tavannes, Premier moine), Michał Partyka (Méru, Deuxième moine), Patrick Bolleire (Thoré, Maurevert), Tomislav Lavoie (Retz, Troisième moine), Elodie Hache (Une jeune fille catholique, Une bohémienne), Philippe Do (Bois-Rosé, Valet), Olivier Ayault (Un archer du guet), John Bernard, Cyrille Lovighi, Bernard Arrieta, Fabio Bellenghi (Quatre seigneurs)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Michele Mariotti*/Lukasz Borowicz
Andreas Kriegenburg (mise en scène), Harald B. Thor (décors), Tanja Hofmann (costumes), Andreas Grüter (lumières), Zenta Haerter (chorégraphie)


L. Oropesa (© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)


La nouvelle production de rentrée de l’Opéra de Paris des Huguenots, absent de cette scène depuis son centenaire en 1936, soulève un certain nombre de questions.


Cette forme de «grand opéra à la française» avec ses cinq actes, son ballet (ici non dansé), son caractère spectaculaire (ici totalement absent) est-elle toujours adaptée, sinon au goût, au moins aux habitudes de vie du public d’aujourd’hui? L’œuvre dure 5 heures, avec des entractes (ici mal répartis). Pas mal de sièges restaient vides le soir de la première; étaient–ils ceux de spectateurs n’ayant pu se libérer assez tôt ou une réalité de la billetterie? Qu’on ne nous oppose pas que Les Huguenots est aussi long que Tristan et Isolde. Il n’y a, que l’on sache, dans Tristan aucune panne de l’action dramatique qui dure tout un acte comme le III des Huguenots, qui pourrait sans dommage être supprimé, ou le V, qui pourrait se résumer à son final.


Une autre question est celle de la viabilité d’une telle production. Dix représentations, y compris l’avant-première réservée aux moins de 28 ans, sont programmées pour cette première série. Rempliront-elles la jauge bastillane? Sera-t-elle l’objet de reprises? Les cinémas UGC qui relayent l’opéra le 4 octobre annoncent déjà brader les places 10 euros moins cher que le prix initialement annoncé. L’Opéra de Paris sera-t-il obligé d’en faire autant? La pratique est courante depuis les terribles choix ennemis du box office du mandat de Gerard Mortier.


Autre question: puisque l’œuvre n’avait pas été représentée à Paris depuis 82 ans et paraissait si attendue (il semble qu’il y ait plus d’amateurs de Meyerbeer qu’on ne le pensait, mais leur réalité n’a jamais été récemment mise à l’épreuve de la billetterie), pourquoi le faire avec tant de coupures? Tant qu’à durer, autant tout avoir! La même question s’était posée l’an dernier pour le Don Carlos en français annoncé complet mais amputé çà et là.


Le bilan de cette première représentation, qui partait avec le handicap de deux défections dans les rôles principaux, n’est pas très positif. La production d’Andreas Kriegenburg, metteur en scène du Deutsches Theater Berlin, hésite entre plusieurs styles et ne va jamais au bout de ses partis pris. L’énorme dispositif scénique de Harald B. Thor occupe toute la scène mais n’est jamais le cadre d’effets spectaculaires. Les costumes de Tanja Hofmann sont chics et colorés mais hésitent entre plusieurs époques, le Japon des samouraïs et la France de Charles IX.


La question principale posée par cette résurrection des Huguenots est de savoir si elle s’impose quand on ne peut réunir la distribution que réclame l’œuvre, à savoir sept rôles principaux dont au moins trois sont des formats et des typologies vocales exceptionnels. On a dit que l’Opéra de Paris a joué de malchance avec deux défections dans ces rôles majeurs, dont le départ de Bryan Hymel, Raoul de Nangis, à quelques jours de la générale. Malchance partagée car le rôle de Marguerite de Valois était de loin celui le mieux tenu, par Lisette Oropesa, qui remplaçait Diana Damrau initialement prévue: une grande voix claire, phrasant superbement les longues séquences de ses airs surdimensionnés, à la virtuosité se jouant de toutes les difficultés techniques. Cette chanteuse au physique très avantageux et majestueux avait tendance à parader un peu trop à la manière d’une chanteuse de music-hall, un des partis pris très contestables de la direction d’acteur en général. Le ténor Yosep Kang, attaché au Deutsche Oper de Berlin, remplaçait Hymel en Raoul. Dès son air du I, «Plus blanche que la blanche hermine», un des plus attendus de l’œuvre, les aigus étaient incertains, le souffle court et l’élocution quasiment incompréhensible. Cette impression ne s’est pas améliorée tout au long des cinq actes. De même pour le Page de Karine Deshayes, dont les aigus étaient négociés à l’arraché. Quoique n’ayant pas la typologie Falcon requise pour le rôle de Valentine, Ermonela Jaho a cependant chanté vaillamment à défaut d’être toujours crédible dans son rôle, autre parti pris douteux du metteur en scène. Pour les rôles secondaires, on allait du pire, avec Paul Gay en Comte de Saint-Bris et Florian Sempey, vraiment insuffisant en Nevers, au meilleur, avec Nicolas Testé, Marcel très crédible, et Cyrille Dubois, remarquable dans les rôles minuscules de Tavannes et du Premier moine.


Michele Mariotti a tenu avec beaucoup de souplesse et d’élégance un Orchestre de l’Opéra national de Paris parfois un peu hésitant et un Chœur souvent en décalage et que la configuration du décor ne flattait pas. Au rideau final, l’entreprise remportait un bon succès auprès du public de la première représentation.



Olivier Brunel

 

 

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