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La consécration de Zimmermann

Berlin
Philharmonie
09/02/2018 -  
Bernd Alois Zimmermann: Sinfonie in einem Satz (version avec orgue, 1951)
Anton Bruckner: Symphonie n° 4 «Romantique» en mi bémol majeur, WAB 104 (version 1878-1880)

Rotterdams Philharmonisch Orkest, Yannick Nézet-Séguin (direction)


Y. Nézet-Séguin (© Bob Bruyn)


A quoi faut-il attribuer cette standing ovation qui suivit un silence d’une dizaine de secondes après que le dernier accord de la Quatrième Symphonie de Bruckner eût retenti dans la Philharmonie de Berlin? A la performance d’un jeune chef dont l’énergie communicative et le charisme ne font aucun doute? A un orchestre dont l’excellence n’est plus à démontrer? Ou au fait que le public souhaitait saluer le travail du premier à la tête du second (qui fête d’ailleurs en 2018 le centenaire de sa création) alors qu’il en quitte la direction musicale pour prendre en 2020 les rênes du Metropolitan Opera de New York, étant remplacé à Rotterdam par le jeune Lahav Shani?


Toujours est-il que les spectateurs ovationnèrent donc Yannick Nézet-Séguin et son orchestre (invité pour la première fois dans le cadre de la Musikfest) au terme d’une très belle interprétation de la plus populaire des symphonies d’Anton Bruckner (1824-1896), qui avait d’ailleurs déjà été donnée l’année dernière dans le cadre de la Musikfest 2017 par l’Orchestre philharmonique de Berlin, alors dirigé par Marek Janowski. «Très belle» écrivons-nous car, avouons-le, en dépit de superbes moments, nous n’avons pas été véritablement convaincu par cette interprétation. L’Orchestre philharmonique de Rotterdam n’a pas à rougir: bien au contraire! Excellente phalange, jouissant notamment d’un très beau pupitre de contrebasses disposées pour l’occasion à la viennoise (en ligne derrière l’orchestre, les timbales étant de fait placées derrière le pupitre d’altos) et de cuivres rutilants (à commencer, bien évidemment, par le cor solo tenu ce soir par David Fernández Alonso, à qui le chef donna son bouquet de fleurs à la fin du concert), il nous offrit plusieurs moments d’une grandeur à se pâmer, comme ces chorals de cuivres justement dans le premier mouvement, sans oublier le deuxième grand tutti dans le quatrième. Pour autant, les trompettes nous auront souvent paru bien sèches et le pupitre de premiers violons manqua de cette cohésion qui fait la force des pupitres de cordes chez Bruckner.


Mais c’est surtout l’approche de Yannick Nézet-Séguin qui est, à notre sens, sujette à discussion. Car, trop souvent, une tendance au rubato aura éclipsé la régularité métronomique que l’on aime dans cette musique et qui, à elle seule, en traduit à la fois la beauté et la puissance. Ainsi, l’approche fut-elle un rien précipitée dans la coda concluant le premier mouvement Bewegt, nicht zu schnell; il en alla de même dans l’intervention des trombones dans le célèbre Scherzo (juste avant le Trio) alors qu’au contraire, le dernier mouvement a, de temps à autre, souffert de ralentis excessifs qui, sous une autre baguette (bien que Nézet-Séguin dirigeât à mains nues), auraient facilement pu tourner au sirupeux.


Finalement, c’est sans doute la première partie du concert qui fut la plus prenante avec la rarement donnée Symphonie en un mouvement de Bernd Alois Zimmermann (1918-1970). Composée en 1951 puis remaniée deux ans plus tard par le compositeur face aux critiques et aux remarques de Hans Rosbaud qui avait dirigé la première, c’est ce soir la version initiale avec orgue qu’il nous a été donné d’entendre. Yannick Nézet-Séguin en a offert une version superlative devant une Philharmonie malheureusement peu remplie (le deuxième balcon était à moitié vide), les spectateurs étant peut-être toujours réfractaires à ce que l’on appelle communément de la musique «contemporaine», que venait pourtant contrebalancer une grande symphonie du répertoire postromantique... Après le fracas initial, le Philharmonique de Rotterdam mit en avant d’excellents pupitres de basses (dix violoncelles et huit contrebasses, placés à gauche du chef) qui, interrompus par quelques traits de la harpe ou du piano, livrèrent de superbes couleurs. Qu’il s’agisse de la section centrale (la symphonie, comporte en vérité cinq phases réunies en un seul mouvement de vingt minutes à peine) où les percussions furent toutes mises à contribution ou des passages requérant l’intervention de l’orgue, les auditeurs furent transportés dans une diversité de climats qui ne peuvent être réduits à de simples épisodes de «musique de film» et qui furent, à n’en pas douter, puissamment évocateurs. Nézet-Séguin usa de toute sa fougue pour nous conduire vers le cataclysme conclusif qui fut justement salué par un public conquis: un beau et grand moment!


Signalons, pour ceux qui souhaiteraient écouter cette symphonie, qu’une récente version a été enregistrée sous la baguette de Peter Hirsch (voir ici): de quoi aller au-delà de l’opéra de Zimmermann, Les Soldats, qui n’en continue pas moins d’être son œuvre-phare.


Le site de Yannick Nézet-Séguin
Le site de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam



Sébastien Gauthier

 

 

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