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La consécration Gershwin

Montpellier
Le Corum
07/20/2018 -  
George Gershwin : Cuban Overture – Concerto pour piano en fa – Rhapsody in Blue – An American in Paris
Louis Schwizgebel (piano)
Orchestre national de France, Emmanuel Krivine (direction)


E. Krivine (© Luc Jennepin)


Il fallait certes tendre l’oreille pour entendre Emmanuel Krivine (71 ans), tourné vers le public à l’issue du concert, mais quel plaisir de se délecter de la malice du chef français, mi-sérieux, mi-goguenard, lorsqu’il remercie le public pour sa présence et son soutien au Festival de Radio France Occitanie Montpellier, y compris lorsque la programmation le conduit vers des «compositeurs aux noms aussi imprononçables que Schreker, Martucci ou Zemlinsky»! Est-ce là une allusion à la difficulté de consacrer un concert entier à George Gershwin (1898-1937), compositeur américain encore sous-estimé en France par les suiveurs de Pierre Boulez et bien au-delà? Quoi qu’il en soit, la notoriété de Gershwin suffit à faire de ce concert un événement donné à guichet fermé et retransmis en direct sur France Musique, débutant par le brio orchestral de l’Ouverture cubaine (1932).


Comme il est d’usage pour cette pièce, Krivine place à l’avant les quatre percussionnistes chargés de donner la couleur cubaine avec leurs instruments typiques (bongo, claves, gourdes et maracas), donnant ainsi une place prépondérante au coloris par rapport à la mélodie. Ce sera là une constante dans les autres pièces dévoilées tout au long de la soirée, avec une vision analytique dans les passages lents qui donne beaucoup de détails savoureux et inattendus, faisant ressortir les contrechants sur le même plan que la mélodie principale. Krivine a aussi tendance à accélérer les passages rapides, jouant ainsi sur le tempo en une lecture à rebours des interprétations traditionnelles. Un tel parti pris favorise les bons connaisseurs de Gershwin, tandis que le public profane sera un peu plus dérouté s’agissant des œuvres moins immédiatement accessibles, tel que le Concerto pour piano en fa (1925).


Pour autant, Krivine impressionne par sa capacité à relancer le discours après ses incursions dans le détail – suivi en cela par un Orchestre national de France d’une discipline remarquable. Le chef français se permet aussi quelques effets de spatialisation avec la répartition des timbales et de la grosse caisse à l’un et l’autre bout de la scène, ceci pour offrir des effets de réponse en écho. Dommage que le piano un peu trop tendre du Suisse Louis Schwizgebel (30 ans) paraisse bien lisse en comparaison. C’est surtout audible dans les mouvements rapides, alors que les passages lents lui conviennent mieux grâce à son toucher félin et gracieux. De son côté, Krivine tourne Gershwin vers le raffinement orchestral de Ravel, allégeant les textures et faisant notablement ressortir le rôle des bois. A ce jeu-là, la musique de Gershwin apparaît plus moderne, ce qui est encore plus visible dans l’étirement de la mélodie irrésistible du tout début d’Un Américain à Paris (1928). Un même ralentissement est opéré avec la Rhapsody in Blue (1924), dont on doit l’orchestration jazzy à Ferde Grofé. Les cuivres se montrent volontiers narquois ici, même si la sonorité des klaxons joue peu des effets possibles de verticalité, ceci pour garder l’élan narratif global.


Visiblement ravi de sa présence à Montpellier après le concert réussi de l’an passé, Krivine reprend la toute fin d’Un Américain à Paris en guise de bis. Maintenant que le verrou Gershwin a sauté, l’Orchestre national de France et son directeur musical oseront-ils ajouter à leur répertoire La Nuit des Mayas de Silvestre Revueltas (1899-1940) et son finale dantesque de percussions mexicaines?



Florent Coudeyrat

 

 

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