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Le Pirate aborde de nouveau la Scala

Milano
Teatro alla Scala
06/29/2018 -  et 3, 6*, 9, 12, 14, 17, 19 juillet 2018
Vincenzo Bellini : Il pirata
Nicola Alaimo (Ernesto), Sonya Yoncheva*/Roberta Mantegna (Imogene), Piero Pretti (Gualtiero), Francesco Pittari (Itulbo), Riccardo Fassi (Goffredo), Marina de Liso (Adele)
Coro del Teatro alla Scala, Bruno Casoni (préparation), Orchestra del Teatro alla Scala, Riccardo Frizza (direction musicale)
Emilio Sagi (mise en scène), Daniel Bianco (décors), Pepa Ojanguren (costumes), Albert Faura (lumières)


S. Yoncheva (© Brescia-Amisano/Teatro alla Scala)


La Scala vient d’étrenner une nouvelle production du Pirate de Vincenzo Bellini. L’entracte de la troisième représentation s’est inopinément prolongé d’une bonne quinzaine de minutes. Le public a alors commencé à manifester son impatience en applaudissant bruyamment. Le directeur du théâtre, Alexander Pereira, est apparu sur scène. Avant qu’il ait eu le temps d’ouvrir la bouche, un sonore « C’est une honte » a fusé de la dernière galerie. D’abord décontenancé, le directeur s’est vite ressaisi pour pointer un doigt contre le malotru en lançant un « la honte c’est vous », qui lui a valu l’approbation des spectateurs. Il a ensuite expliqué la raison du retard : le ténor Piero Pretti a vu sa pression chuter mais a décidé de continuer la soirée, en demandant à pouvoir chanter assis. Le directeur a requis l’indulgence du public. Pour banal et anecdotique qu’il soit, cet incident illustre bien la tension et la violence qui peuvent régner certains soirs à la Scala, surtout lorsqu’est programmé un titre chanté autrefois par Maria Callas, l’ombre de l’illustre soprano planant encore et toujours dans le théâtre.


Il pirata, troisième opéra de Bellini, a été créé à la Scala en 1827. La dernière fois que l’ouvrage a été présenté à Milan, c’était en 1958, avec justement Maria Callas dans le rôle d’Imogène, entourée de Franco Corelli et d’Ettore Bastianini. Puis plus rien jusqu’à aujourd’hui. Depuis son arrivée dans la capitale lombarde, Alexander Pereira se fait un devoir de programmer des titres étroitement liés au théâtre. Mais on le sait, à Milan rien n’est simple, les « orphelins de Maria Callas » étant encore bien présents et avides d’en découdre avec tous ceux qui oseraient se mesurer à leur idole. On ne peut donc que remercier le directeur d’avoir opté pour un titre si longtemps absent de l’affiche milanaise.


Et surtout, il faut savoir gré à Sonya Yoncheva d’avoir accepté d’interpréter le rôle d’Imogène. Un défi d’autant plus grand que, parmi les titulaires du rôle après Callas, ni Montserrat Caballé ni Leyla Gencer - cette dernière étant pourtant très liée à la Scala - n’avaient osé le faire. Et disons-le d’emblée, le défi a été relevé avec panache. Certes, la prestation d’ensemble de la soprano bulgare n’est pas exempte d’imperfections, la voix est parfois instable, le timbre métallique dans l’extrême aigu et les vocalises quelque fois imprécises. Mais qu’importe, Sonya Yoncheva parvient à séduire et à rendre son personnage convaincant grâce à son intelligence et à sa sensibilité ; la voix est ample mais suffisamment souple pour faire fi des difficultés du rôle, les aigus sont rayonnants et les graves sonores, le chant est paré de belles nuances. Et pour meurtrière qu’elle soit, la scène finale est parfaitement maîtrisée, déclenchant des applaudissements entièrement mérités. Dans le rôle tout aussi difficile de Gualtiero, le ténor Piero Pretti convainc, lui aussi, par sa technique et son chant raffiné, malgré des extrêmes aigus forcés et serrés. Seul l’Ernesto de Nicola Alaimo déçoit, le chanteur devant constamment lutter avec des problèmes d’intonation et un timbre sourd et engorgé. En revanche, les rôles secondaires et le chœur méritent des éloges.


Dans la fosse, Riccardo Frizza se montre très attentif à l’action dramatique et offre une lecture dynamique et contrastée, équilibrée et homogène. Au départ, il était prévu que Christof Loy reprenne la production qu’il avait réglée à Zurich à l’époque où Alexander Pereira était directeur de l’Opernhaus. Mais c’est finalement Emilio Sagi qui a assuré la mise en scène du spectacle, sans que l’on sache pourquoi. L’Espagnol s’est contenté du service minimum, dans un décor composé de parois métalliques et transparentes qui se lèvent et s’abaissent pour offrir des effets saisissants de kaléidoscope. La scène finale est de toute beauté, avec l’apparition de Sonya Yoncheva dans une robe noire déroulant une longue traîne accrochée aux cintres. Une image de diva pour un rôle de diva.



Claudio Poloni

 

 

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