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Sibelius en lévitation

Baden-Baden
Festspielhaus
05/21/2018 -  et 17 (London), 22 (Amsterdam) mai 2018
Jean Sibelius : Concerto pour violon en ré mineur, opus 47 – Symphonies n° 6 en ré mineur, opus 104, et n° 7 en ut majeur, opus 105
Ray Chen (violon)
London Symphony Orchestra, Michael Tilson Thomas (direction)


(© Michael Gregonowits)


Festspielhaus de Baden-Baden très décemment garni pour un concert « tout Sibelius », l’exploit déjà mérite d’être noté. Il est vrai que l’affiche est par ailleurs attractive, avec un chef relativement rarement invité en Allemagne, un orchestre réputé d’une fiabilité à toute épreuve, voire une violoniste blonde dont les photos diaphanes ornent élégamment des pochettes de CD au tirage respectable...


Seul problème, ce n’est pas Janine Jansen que l’on a vu finalement paraître sur scène. En remplacement de dernière minute, c’est le tout jeune Ray Chen qui a pu se charger de ce Concerto, et peut-être sans avoir eu le temps de beaucoup répéter avec l’orchestre : certains décalages restent patents et assez généralement Michael Tilson Thomas semble diriger avec une certaine prudence, voire une circonspection qui agit malheureusement comme un curieux éteignoir. Ce n’est donc pas, et de loin, le Concerto pour violon de Sibelius du siècle, mais du côté du soliste, les motifs de satisfaction surabondent. En quelques années, le processus de maturation de l’interprète (que l’on peut juger à partir d’un Troisième Concerto de Mozart interprété à Strasbourg il y a quatre ans à peine) est même saisissant. La sonorité est devenue d’une générosité impressionnante, grâce à un archet particulièrement musclé mais qui pourtant n’écrase jamais les cordes. On pense déjà aujourd’hui, en écoutant la plénitude racée de ce violon, à un Perlman ou un Heifetz, rien moins. Et puis savoir que le Stradivarius joué par Ray Chen est celui de Joseph Joachim, sur lequel on été créés nombre des plus grands concertos du répertoire romantique, ajoute encore à ce jeu une évidente vibration psychologique supplémentaire. Deux bis : un Vingt et unième Caprice de Paganini techniquement ébouriffant mais qui sait rester en même temps d’une irréprochable tenue musicale, avant une plus attendue Gavotte en rondeau pour violon de Bach, impeccable mais sans encore d’histoire (à ce degré de progression accélérée de l’artiste, gageons que cela viendra vite).


Après l’entracte, le London Symphony Orchestra va pouvoir donner davantage toute sa mesure. Et de surcroît dans deux partitions splendides, parmi les plus belles de Sibelius même si ce ne sont pas, et de loin les plus abordables. L’auditoire, dont on craignait de prime abord les salves de toux révélatrices d’un ennui distingué, se révèle continuellement silencieux, apparemment capté sans réserve par un envoûtement sonore judicieusement dosé. Prestance intacte sous une chevelure à présent largement blanchie, Michael Tilson Thomas dirige Sibelius sans idiomatisme scandinave particulier. Il paraît plutôt retenir de cette écriture l’abstraction, les jeux instrumentaux, les alliages, dans un esprit finalement très américain post-moderne, qui siérait tout aussi bien à Charles Ives ou John Adams. Plus encore qu’une Sixième un peu trop segmentée, dont les enchaînements manquent çà et là d’évidence, on retiendra une Septième Symphonie d’une seule coulée magistrale, dont les nappes sonores se superposent avec une netteté et une fluidité où l’on reconnaît sans peine la pâte sonore particulière d’un orchestre magnifique.


En bis, avant que le maestro très chic prenne congé, un court clin d’œil pour les cordes seules, extrait de la Suite sur des airs populaires anglais de Britten : cela n’ajoute pas grand chose, mais globalement les promesses de la soirée ont été largement tenues.



Laurent Barthel

 

 

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