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Le théâtre au concert

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/16/2018 -  
Gioachino Rossini : La Cenerentola
Karine Deshayes (Angelina), Peter Kálmán (Don Magnifico), Cyrille Dubois (Don Ramiro), Vito Priante (Dandini), Luigi de Donato (Alidoro), Hasmik Torosyan (Clorinda), Alix Le Saux (Tisbe)
Ensemble Aedes, Mathieu Romano (chef de chœur), Orchestre national d’Ile-de-France, Enrique Mazzola (direction)


K. Deshayes


A Garnier, Guillaume Gallienne avait échoué. Aux Champs-Elysées, des chanteurs livrés à eux-mêmes, sans partition, font devant l’orchestre une Cenerentola pleine de rythme et de verve, transformant une version de concert un vrai moment de théâtre, avec seulement quelques accessoires. Certes certains sont familiers de leurs rôles, tels Karine Deshayes, Angelina depuis longtemps, ou Cyrille Dubois, que Lyon vient d’afficher en Ramiro. Quoi qu’il en soit, la sauce prend, le champagne pétille, avec la complicité du chef, de l’orchestre ou du chœur, que tous entraînent dans le jeu.


Sans doute sont-ils stimulés par la direction pétillante et jouissive d’Enrique Mazzola à la tête d’un ensemble réduit à une trentaine de musiciens. Voici un Rossini vif, contrasté, à la fois énergique et subtil, un buffa qui n’est pas mécanique froide ou grossière, mais comédie de caractères – comme si le chef était aussi metteur en scène. Et si tout le monde s’amuse, il tient ses troupes, notamment dans les ensembles, qui ne débordent jamais – superbe finale du premier acte, magnifique sextuor au second, avec ses irrésistibles onomatopées. Parfait chœur Aedes également.


On ne reviendra pas sur la tessiture de Karine Deshayes, mezzo doté d’un aigu superbe, au bas médium et au grave trop modestes pour s’identifier vraiment au contralto rossinien. Mais l’avenue Montaigne lui est plus favorable que Bastille et l’on rend volontiers les armes devant le raffinement des couleurs, l’agilité de la vocalise, la beauté du phrasé et la finesse de la composition : toutes ne comprennent pas ainsi la part d’ombre, de mélancolie d’Angelina. Quel beau couple elle forme avec le Prince de Cyrille Dubois, qui n’a guère à envier aux ténors rossiniens du moment ! La rondeur du timbre, la longueur de la voix à l’aigu insolent – ici jusqu’au contre-, la qualité de la colorature, qui permet de varier la reprise de son air, mais aussi le legato dans le canto spianato, tout le destine à ce Ramiro qu’il sait rendre aussi sensible qu’ardent, sachant, comme sa bien-aimée, aller au-delà de la pure virtuosité.


Autour d’eux, chacun tient son rang, des deux sœurs chipies – mais l’air de Clorinda, même bien chanté par Hasmik Torosyan, ne s’impose décidément pas avant la scène finale – aux basses bouffes, bien différenciées comme le veut la partition : le Don Magnifico de Peter Kálmán, voix courte et assez grise, brûle les planches en père bouffon et cynique, alors que Vito Priante, vocalement plus flatté par la nature, assume les vocalises d’un valet comique mais impeccablement chantant – irrésistible duo du deuxième acte, où Magnifico découvre sa véritable identité.


C’était l’avant-dernier opéra en concert des Champs-Elysées, avant qu’un autre buffa rossinien ne clôture la saison : gageons que L’Italienne à Alger fera durer notre plaisir.



Didier van Moere

 

 

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