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Bach transloqué

Paris
Eglise Saint-Jacques-Saint-Christophe de la Villette
05/14/2018 -  
Johann Sebastian Bach : Der Gerechte kömmt um – Cantate «Ich habe genug», BWV 82 – Cantate «Ich hatte viel Bekümmernis», BWV 21
Johann Christoph Bach : Mit weinen hebt sich’s an – Es ist nun aus
Sven-David Sandström : Es ist genug

Robin Johannsen (soprano), Lucile Richardot (alto), Robin Tritschler (ténor), Stéphane Degout (baryton), Tomás Král (basse), Anne Alvaro (lecture)
Pygmalion, Raphaël Pichon (direction)


R. Pichon (© François Sechet)


Dur mois de mai pour les édifices culturels de la capitale! Après les incidents techniques ayant entraîné la fermeture de la scène bastillane pendant trois semaines, c’est au tour du bâtiment de la Cité de la musique de nécessiter des travaux de maintenance assez sérieux et soudains pour entrainer une translocation du dernier concert, «Consolation», du cycle «Bach en sept paroles» de l’ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon. Et pas un simple changement de salle mais un repli total dans l’église Saint-Jacques-Saint-Christophe de la Villette voisine, bel édifice néoclassique du XIXe siècle situé le long du canal de l’Ourcq, une de ces églises catholiques méconnues dont rien que le plafond à caissons de bois peint mérite le déplacement. On reste admiratif de l’efficacité de ce repli qui a dû mobiliser toutes les équipes de la Philharmonie de Paris pendant 48 heures, comme l’a expliqué en préambule de cet admirable dernier concert Emmanuel Hondré, directeur des concerts et spectacles de la Philharmonie. Toute la structure lumineuse, vidéo, sonore, les sous-titres, la sécurité, l’accueil étaient en place comme si le lieu était une salle de concert équipée et les spectateurs prévenus l’après-midi ont pu s’entasser dans l’église dans des conditions de fortune pour ne rien manquer de ce dernier concert du cycle qu’il aurait été dommage, voire irréalisable, en cette fin de saison, de reporter. Chapeau!


Le corps du programme comportait deux cantates opposées par leur longueur, l’une des plus courtes, Ich habe genug, à l’effectif réduit, et une très longue Ich hatte viel Bekümmernis en deux parties, qui fait intervenir quatre solistes et un renfort de trompettes. Comme pour la Passion selon saint Jean, Raphaël Pichon n’a pas résisté à son péché mignon d’interpoler dans la première des arias de Johann Christoph Bach (cousin du père du jeune Johann Sebastian, qui put l’entendre à Eisenach dans son enfance) et de la conclure par un chœur mixte à huit voix du compositeur suédois Sven-David Sandström (né en 1942), Es ist genug, restant donc dans la thématique de la cantate. On admire là l’érudition musicologique de Raphaël Pichon, qui sait trouver des correspondances, préambules, prolongements. On reste plus circonspect sur ses goûts littéraires et théâtraux car l’intervenant extérieur de la soirée, selon le rite établi pour ce cycle, était la comédienne Anne Alvaro (célèbre au cinéma pour Le Goût des autres, référence bien en situation) qui ponctuait, entrelardait pourrait-on écrire, le concert, donné sans aucune interruption, de lectures d’un texte du poète vaudois Philippe Jaccottet, dont on aurait peut être pu saisir la correspondance avec la thématique de la soirée si cette lectrice, la seule à être sonorisée, avait été compréhensible. Du troisième rang, l’absence totale d’articulation du texte le rendait incompréhensible...


Pour interpréter les airs de basse de Ich habe genug, le baryton Stéphane Degout n’atteignait pas à la grande sérénité que confère une vraie voix de basse mais la gravité de son interprétation y suppléait partiellement. Pour la seconde cantate, pas d’interruption et une équipe de solistes très homogène, avec Tomás Král et l’alto Lucile Richardot que l’on avait admirée dans la Passion selon saint Jean.


Ainsi s’achève un cycle passionnant qui restera un des projets musicaux les plus cohérents de la saison parisienne (il s’est produit dans d’autres villes), dont on a pu contester certains choix de solistes, parfois le parti pris de Raphaël Pichon d’inclure à son projet Bach, qui se suffisait amplement à lui-même, des intervenants extérieurs – pas toujours, car la juxtaposition de la danse et surtout le recours à un excellent éclairagiste étaient des ajouts précieux. On retiendra surtout l’extraordinaire fluidité que Raphaël Pichon a toujours su imprimer à son ensemble Pygmalion, dont tous les instrumentistes sont superlatifs et le chœur admirable, et l’amour de cette musique qu’il sait transmettre à un public conquis et qui en redemande.



Olivier Brunel

 

 

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