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Une production très attendue

Bruxelles
La Monnaie
04/19/2018 -  et 20, 22*, 24, 26, 27, 29 avril, 2, 4, 6 mai 2018
Richard Wagner: Lohengrin
Gábor Bretz (Heinrich der Vogler), Eric Cutler*/Bryan Register (Lohengrin), Ingela Brimberg*/Meagan Miller (Elsa von Brabant), Andrew Foster-Williams*/Thomas Jesatko (Friedrich von Telramund), Elena Pankratova*/Sabine Hogrefe (Ortrud), Werner van Mechelen (Heerrufer), Zeno Popescu, Willem Van der Heyden, Kurt Gysen, Bertrand Duby (Vier Brabantische Edle), Raphaële Green, Isabelle Jacques, Virginie Léonard, Lisa Willems (Edelknaben)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu (direction)
Olivier Py (mise en scène), Pierre-André Weitz (décors, costumes), Bertrand Killy (lumières)


(© Baus-La Monnaie/De Munt)


Cette production très attendue ne déçoit pas. En raison de la rénovation, qui a duré plus longtemps que prévu, la Monnaie a dû reporter son nouveau Lohengrin (1850), qui n’avait plus été monté dans ce théâtre depuis vingt-huit ans. Le chapiteau à Tour et Taxis n’aurait sans doute pas pu contenir la scénographie conçue par Olivier Py et, pour les décors et les costumes, Pierre-André Weitz, qui collaborent ensemble de longue date. L’incontournable metteur en scène français se demande dans quelle mesure le romantisme allemand contient les germes du national-socialisme, considérant que dans cette œuvre, Wagner mène une réflexion sur l’unification de l’Allemagne. Lohengrin, un opéra sur le nationalisme ? A chacun de choisir de le suivre ou pas dans ce cheminement intellectuel, mais Olivier Py se montre convaincu de la pertinence de cette question, dans sa note d’intention comme dans sa brève allocution au public.


Cet épisode médiéval se tient donc dans une Allemagne en ruines, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La démonstration ne pèse heureusement pas trop dans le déroulement du récit, les références à Hitler et à sa doctrine demeurant ténues, avec une symbolique le plus souvent évidente. Le spectacle établit même au troisième acte des références explicites à la culture germanique – Goethe, Friedrich, Novalis, Weber, entre autres. Le spectacle contient des images et des éléments de décor vus ailleurs – un cheval, des valises, un théâtre détruit. Et bien sûr, les murs portent des inscriptions, comme souvent avec Olivier Py, qui ne signe donc pas ici sa mise en scène la plus originale et captivante, bien qu’elle soit pensée dans les détails et même assez subtile par moments – l’apparition du cygne. Le décor, comme d’habitude, en noir et gris de Pierre-André Weitz pivote régulièrement pour changer d’aspect et laisse une forte impression par sa massivité, ce qui ne surprend guère, après Les Huguenots, Hamlet et les Dialogues des carmélites. Il faut s’attendre à ce que La Gioconda, en janvier et en février, obéisse également à cette esthétique.


Ce spectacle demeure gravé dans les mémoires pour d’autres motifs, à commencer par la distribution, de haut vol et équilibrée. Eric Cutler réussit son premier Lohengrin. Sans posséder l’aura des plus grands, le ténor, qui dresse un portrait sensible et en retenue du chevalier, séduit par l’engagement et la finition de son chant, valorisé par un timbre lumineux et juvénile. L’Elsa d’Ingela Brimberg – une première également pour elle – exerce un pouvoir d’attraction moindre, mais la chanteuse se hisse vocalement à la hauteur, en se souciant de souplesse et de nuance, en dépit d’une voix dépourvue de toute la rondeur souhaitable. Gábor Bretz se démarque en Roi, malgré des graves limités : cette basse à la forte présence affiche une admirable tenue stylistique et une impressionnante longueur de souffle. Andrew Foster-Williams se situe davantage dans la projection que dans la profondeur, à cause d’une envergure vocale un peu trop étroite pour le rôle de Telramund. Le baryton convainc toutefois par son tempérament dramatique et son phrasé mordant.


La palme de la prestation la plus extraordinaire revient sans conteste à Elena Pankratova, qui livre une incarnation majeure d’Ortrud. Bâtie comme une Brünnhilde, cette soprano russe aux capacités exceptionnelles accorde une attention constante au mot et à la phrase. Parfaitement conduite, la ligne vocale, ample et puissante, se déploie avec beaucoup de naturel et d’infinies nuances. Sa réapparition en troisième acte, d’un effet saisissant, provoque une vive émotion artistique, tant la soprano concilie à la perfection les exigences vocales et dramatiques de son rôle ; cette artiste de grande classe nous laisse éperdus d’admiration. Quant à Werner van Mechelen, il rend le personnage du Héraut essentiel par son charisme et son solide métier. Une telle distribution rend superflu le voyage à Bayreuth pour entendre du chant wagnérien digne de ce nom.


Alain Altinoglu, qui a justement déjà dirigé cet opéra sur la Colline verte, confirme les espoirs placés en lui. Sous sa direction inspirante, l’orchestre se montre capable d’éclat et de souplesse, et développe une sonorité raffinée et enveloppante, et ce dès le Prélude, superbe, comme la conclusion du premier acte, sensationnelle, et le début du deuxième, admirablement amené. Grâce à la clarté de l’exécution, les bois, d’une parfaite justesse expressive, et les cuivres, majestueux, s’imposent avec netteté, tandis que les cordes jouent avec chaleur et plénitude. Enfin, Martino Faggiani motive bien ses troupes : quand les choristes interviennent, nous ne voulons plus entendre qu’eux.



Sébastien Foucart

 

 

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