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Les récupérations sonores de luxe d’Aurélien Dumont

Paris
Conservatoire à rayonnement régional
03/20/2018 -  
Aurélien Dumont : Flaques de miettes (Création) – Sérieux gravats (Nara II)
Carlos Grätzer : Albâtre (Création)
Oriol Saladrigues : Fou (Création)

Pascal Contet (accordéon), La Muse en circuit (réalisation)
2e2m, Pierre Roullier (direction)
Jacques Perconte (vidéo)


A. Dumont (© Manfredi Gioacchini)


Compositeur en résidence auprès de l’ensemble 2e2m, Aurélien Dumont partage l’affiche avec Oriol Saladrigues et Carlos Grätzer pour ce deuxième concert de la saison placé sous la bannière de la nature.


Petite entorse à la programmation, Fou, pour accordéon solo, six instruments et électronique, entend sonder «trois manifestations possibles de la folie». Oriol Saladrigues (né en 1975) se rapproche plus de l’art spectral d’un Gérard Grisey que de celui, mettant à profit l’héritage culturel de l’instrument, d’un Bernard Cavanna. L’environnement instrumental révèle différentes facettes de l’accordéon qui agissent comme autant de tournures de la folie; exercice auquel l’excellent Pascal Contet se livre avec brio.


«Impulsion créative à quatre mains» (Grätzer), Albâtre du tandem Carlos Grätzer (compositeur né en 1956)/Jacques Perconte («artiste visuel» né en 1974) sollicite les yeux à l’égal des oreilles, même si la musique est venue se greffer dans un second temps aux images. Aussi s’en éloigne-t-elle au gré de son propre développement pour s’en mieux rapprocher aux détours d’effets purement illustratifs (glissandos de cordes mimant le cri des mouettes). Le travail plastique de Jacques Perconte joue à plaisir avec la matière, élabore des pigmentations et des textures dans lesquelles un Nicolas de Staël ou un Claude Monet se seraient reconnus. En dépit de quelques belles séquences et du geste précis de Pierre Roullier, le manque réel d’interaction joint à une orchestration lourde n’a pas convaincu sur la (longue) durée.


Aurélien Dumont (né en 1980) a repris à Salvatore Sciarrino l’idée d’une écologie du son. «Sa musique interroge la notion d’altérité telle que la définit le philosophe François Jullien, comme une manière possible d’appréhender la complexité de notre monde contemporain» (notes de programme). A «l’altérité» se sédimente «l’altération», la réitération de ces sons recyclés en affectant la fragilité. Seconde pièce du cycle Nara, Sérieux gravats (2010), pour six instruments, empile les séquences velléitaires au bord de l’engourdissement non sans jouer sur la forme (sonate?) en ménageant une fausse réexposition. On retrouvera l’intervention bruyante et disruptive du trombone dans Flaques de miettes (2008-2018), dont le titre énigmatique met en évidence l’ambivalence «liquide/solide». Pas plus d’une minute: c’est la règle que s’est assigné le compositeur pour ces dix miniatures dont le parcours reste immuable (le cycle des pièces se déroule dans l’ordre) mais la trajectoire soumise aux volontés du hasard (on tire au sort la première pièce). Tour à tour convulsive, étale ou flirtant avec le blues (sourdine «wa-wa» du trombone), elles ne sont pas sans provoquer une certaine frustration chez l’auditeur qui, partant, met à profit les silences interstitiels pour finir de dérouler le fil de la musique dans sa tête.


Signalons les parutions d’un second disque monographique consacré au compositeur (chez Odradek), l’Ensemble Linea se substituant à l’ensemble 2e2m pour donner vie à ces récupérations sonores de luxe, ainsi que d’une étude biographique, Aurélien Dumont: La Fécondité de l’écart, publiée dans la collection «A la ligne» des Editions 2e2m.



Jérémie Bigorie

 

 

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