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Austère Escurial

Lyon
Opéra
03/17/2018 -  et 20, 24, 28, 30 mars, 2 avril 2018
Giuseppe Verdi : Don Carlos
Michele Pertusi (Philippe II), Sergey Romanovsky (Don Carlos), Sally Matthews (Elisabeth de Valois), Eve-Maud Hubeaux (La Princesse Eboli), Stéphane Degout (Rodrigue), Roberto Scandiuzzi (Le Grand Inquisiteur), Jeanne Mendoche (Thibault), Dominique Beneforti, Charles Saillofest, Antoine Saint-Espes, Paolo Stupenengo, Denis Boirayon, Thibault Gerentet (Députés flamands), Caroline Jestaedt (Une voix d’en-haut), Yannick Berne (Le comte de Lerme), Didier Roussel (Un héraut royal), Kwang Soun Kim (Moine, Coryphée), Jean-François Gay, Alain Sobieski, Paul-Henry Vila, Christophe De Biase, Florent Karrer (Moines)
Chœurs de l’Opéra de Lyon, Denis Comtet (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Daniele Rustioni (direction musicale)
Christophe Honoré (mise en scène), Alban Ho Van (décors), Pascaline Chavanne (costumes), Dominique Bruguière (lumières), Ashley Wright (chorégraphie)


(© Jean-Louis Fernandez)


Le festival d’opéra de Lyon entièrement consacré cette année à Giuseppe Verdi a cumulé avec un Don Carlos donné dans sa version originale en français quasiment complète un grand soin de mise en scène et une distribution d’une homogénéité parfaite.


Deux Don Carlos auront cette saison fait autorité sur les scènes françaises. A celui mis en scène par Warlikowski à l’Opéra de Paris (voir ici), on a reproché la paresse de sa mise en scène et l’hétérogénéité de sa distribution. Celui proposé par l’Opéra de Lyon, pièce de résistance de son festival annuel, se caractérise par trois atouts indiscutables. Une qualité de diction devenue rare, tous les personnages du drame étant totalement intelligibles dans notre langue. Une distribution d’une grande homogénéité, du rôle principal à celui du Page ou de la Voix céleste, ces second rôles étant tenus par des artistes du Studio de l’Opéra de Lyon, parfois même de son admirable Chœur. Une mise en scène signée par le cinéaste Christophe Honoré, régulièrement invité par ce théâtre, parfaitement respectueuse de l’œuvre et de son esprit historique.


Honoré, son décorateur Alban Ho Van et sa costumière Pascaline Chavanne ont joué le jeu de la fresque historique schillérienne, à qui la version originale parisienne en cinq actes de 1867 donne toute sa dimension politique, beaucoup mieux que les différentes versions en italien successives qui, la gommant, offrent une condensation pas toujours cohérente de l’original. Fontainebleau est montré dans les brumes de son hiver. Le travail minimaliste au début des éclairages de Dominique Bruguière force la concentration du spectateur, qui s’habitue peu à peu à la noirceur du drame. Saint-Just et l’Escurial sont de vastes espaces noirs, vides, austères, délimités par des rideaux et des attributs de la religion, dans lesquels se déroulent avec un protocole rigide les intrigues qui font avancer le drame. Valladolid surprend d’emblée par son dispositif en coupe qui permet une clarté de lecture de ce tableau passablement embrouillé qui s’achève par un autodafé spectaculaire.


Pour Aranjuez et les jardins de la Reine le ton s’éclaircit, plus de fantaisie s’installe dans les costumes et accessoires. Eboli est présentée comme estropiée dans une chaise roulante. Le Ballet de la Reine, dont la musique est jouée quasi intégralement, donne lieu à la seule distraction de ces presque cinq heures de sévérité: une espèce de carnaval des pauvres avec des combats d’hommes dans une fontaine boueuse, assez homoérotiques, parfois franchement ridicules et fortboyardesques. Mais si cette rupture de rythme surprend d’abord, elle s’avère salutaire dans ce long et magnifique spectacle entrecoupé d’un seul entracte.


Contrairement à la veille où il donnait à Macbeth des accents un peu triviaux et clinquants plutôt en accord avec la mise en scène excessive d’Ivo van Hove, le chef permanent de l’Opéra de Lyon, Daniele Rustoni, et son orchestre ont joué tout au long de l’œuvre la carte du drame, sans excès, maîtres des climats et des couleurs qui caractérisent les personnages et le Chœur a été comme souvent au sommet de ce que l’on peut en attendre.


La distribution de premier ordre, tout à fait homogène, faisait briller le somptueux soprano britannique Sally Matthews, qui faisait résonner sa triste condition mélancolique de reine malheureuse sans y surexposer des effets vocaux inutiles. De même le mezzo suisse Eve-Maud Hubeaux ne tirait jamais la couverture à elle, campant une Eboli aussi légère dans l’air du Voile que profondément blessée dans «O don fatale». S’il montre souvent la trame du timbre d’une voix un peu fatiguée, Michele Pertusi reste un roi de grande classe, magnifique dans le cantabile de son monologue solitaire de l’aube, et poignant dans les deux grands affrontements avec Posa et le Grand Inquisiteur, ce dernier magnifiquement interprété par Roberto Scandiuzzi, qui avait été en Banco le meilleur élément de Macbeth la veille et qui donnait des noirceurs et une violence contrôlée à son personnage autoritaire.


On a rarement vu réussir un meilleur équilibre entre les rôles de l’Infant et de Rodrigue, interprétés respectivement par le Russe Sergey Romanovsky, Carlos au timbre clair et aux aigus sûrs, et Stéphane Degout, maître de la cantilène et de l’élégance du phrasé, alliant poésie et noblesse, toujours dignement en situation dans ses interventions idéalistes. La diction, on le répète, était superlative chez tous les interprètes, conférant à cette soirée un indéniable niveau d’excellence.



Olivier Brunel

 

 

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