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La Cappella se cherche

Baden-Baden
Festspielhaus
02/03/2018 -  et 23 (Luxembourg), 25 (Bruxelles), 27, 28 (Salzburg), 29 (Düsseldorf), 31 (Bratislava) janvier, 1er février (Wien), 22 mars (Luzern) 2018
Johann Sebastian Bach : Concertos pour deux claviers en do mineur, BWV 1060, et en do mineur, BWV 1062 – Musikalisches Opfer, BWV 1079: Ricercare à 3 et 6 voix
Wolfgang Amadeus Mozart : Sérénade n° 12 pour instruments à vent, K. 384a [388] – Concerto pour piano n° 24 en do mineur, K. 491

Schaghajegh Nosrati (piano)
Cappella Andrea Barca, András Schiff (piano et direction)


(© Michael Gregonowits)


András Schiff a ses habitudes au Festspielhaus de Baden-Baden, soit seul en récital soit escorté de sa fidèle Cappella Andrea Barca, orchestre international de circonstance qui s’agglomère et se désagrège au gré des tournées du pianiste hongrois. Dans ce cas, András Schiff joue mais aussi dirige, encore que ce dernier terme paraisse un peu trop « directif », pour ce qui ressemble davantage à une complicité musicale à grande échelle qu’à un rapport hiérarchique. Quand Schiff ne joue pas du tout, ce qui arrive pour plusieurs des pièces de ce programme, il dirige encore moins que d’habitude, voire se contente d’écouter, ce qui devrait quand même lui permettre de constater certains déficits.


Par exemple dans la délicieuse Sérénade pour vents K. 388 de Mozart, où l’appariement des timbres n’est guère agréable. En particulier tous les passages associant cors et hautbois, ou cors et bassons, sont bizarrement astringents. Et il ne s’agit pas ici de problèmes d’instruments (modernes, a priori performants) mais bien de techniques disparates d’émission du son qu’il faudrait essayer de mieux marier en vue de parfaire le confort sonore global. Problème similaire avec les deux Ricercare, à 3 et 6 voix, de L’Offrande musicale de Bach. Les cordes seules commencent très bien, créent d’emblée une atmosphère qui incite l’auditeur à une concentration immédiate, et puis en cours de route les interprètes semblent se perdre dans les lacis du contrepoint et il ne se dégage plus grand chose de prégnant de cette superposition de lignes, si ce n’est qu’heureusement tout le monde garde suffisamment son sang froid pour terminer ensemble.


En première partie, Mozart est encadré par deux Concertos pour deux claviers de Bach (BWV 1060 et le BWV 1062, plus couramment joué dans sa version pour deux violons). András Schiff y fait équipe avec la jeune Schaghajegh Nosrati, qui a déjà un beau parcours à son actif, mais ne fait pas vraiment preuve d’une personnalité marquante. Assise à gauche lors du premier concerto, la pianiste allemande d’origine iranienne paraît assez sage, se contentant de dévider une assise rythmique régulière. L’intérêt musical se concentre bien davantage en face, côté András Schiff. Pour le second concerto, les deux solistes échangent leur place, et immédiatement la partie prépondérante... semble changer de côté aussi. Manifestement l’ascendant pris par Schiff est trop grand pour que ces deux concertos puissent se dérouler à armes égales. Reste à discuter de l’équilibre entre claviers et orchestre, de toute façon complètement différent de ce que l’on peut obtenir avec deux clavecins et un effectif de cordes plus réduit. On n’écoute plus du tout les œuvres originales mais plutôt une adaptation pour un effectif bizarre, davantage d’esprit néo-classique que baroque. Qu’importe dans l’absolu si le résultat peut intéresser, et c’est souvent le cas ici, mais malheureusement à chaque fois avec une attractivité asymétrique.


Pièce de résistance en seconde partie avec le Concerto pour piano K. 491 de Mozart. On retrouve ici l’András Schiff impérial, indiscutable, de ses enregistrements discographiques mozartiens, avec une noblesse de phrasés et une douceur de toucher qu’une implacabilité technique étonnante ne vient jamais rigidifier. De bout en bout de l’Allegro initial le discours ne se relâche jamais. Dommage que les mouvements suivants, peut être à la faveur de toute façon d’un léger fléchissement d’inspiration de l’œuvre elle-même, paraissent plus hasardeux. Là il faudrait trouver davantage d’allant et surtout d’animation à l’intérieur des pupitres pour convaincre, alors que la Cappella Andrea Barca semble surtout préoccupée d’arriver à bon port ensemble, avec même de vilains traits des bois absolument pas « raccord » et ceci plusieurs fois de suite. Ici l’unicité de conception qu’apporte un pianiste dirigeant du clavier un concerto de Mozart révèle ses revers d’une façon trop voyante. Méforme d’un soir peut-être, mais toute cette soirée de tournée surexpose quand même trop de fléchissements pour qu’il n’y ait pas là quelques questions à se poser.


Au registre des questions ? Devrait-on, les mois d’hiver, prier fermement le public par une annonce préalable, non seulement d’éteindre complètement tous ses gadgets portables mais aussi de bloquer son larynx en position « off » ? Après un sublime bis, le Premier Intermezzo de l’Opus 117 de Brahms, impitoyablement pilonné de toux sonores en salves jusqu’au dernier accord, András Schiff tient à signifier son mécontentement aux racleurs indélicats dispersés dans la salle, en agitant dans leur direction un mouchoir blanc déplié. Une indignation à laquelle on ne peut que s’associer à 100 %.



Laurent Barthel

 

 

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