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Le sacre d’un empereur romain

Paris
Philharmonie
01/26/2018 -  et 27 (Luxembourg), 29 (Wien) janvier, 21 mars (Luzern) 2018
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 2 en do mineur «Petite Russie», opus 17
Dimitri Chostakovitch : Lady Macbeth du district de Mtsensk, opus 29: Suite
Igor Stravinski : Petrouchka (version 1947)

Filarmonica della Scala, Riccardo Chailly (direction)


R. Chailly (© Gerd Mothes)


Fondé en 1982 par Claudio Abbado, l’Orchestre philharmonique de la Scala de Milan a depuis longtemps acquis ses lettres de noblesse sous des baguettes aussi prestigieuses que celles d’Abbado, de Riccardo Muti ou de Riccardo Chailly, qui en est le chef principal depuis le mois de novembre 2015.


Il aura pourtant fallu attendre le bis pour que cette italianité se fasse jour à la suite d’un programme tout entier consacré à des compositeurs russes au premier rang desquels figurait Tchaïkovski. Force est de constater que, par rapport aux trois dernières, ses trois premières symphonies ne sont guère données en concert: occasion peut-être pour une partie du public de (re)découvrir la magnifique Deuxième Symphonie (1879-1881). Bizarrement, cette première partie de concert laisse une impression quelque peu mitigée. Certes, l’orchestre déploie d’indéniables qualités (Danilo Stagni au cor solo dans le premier mouvement), des pupitres de basses (neuf contrebasses et dix violoncelles!) d’une ampleur plus qu’appréciable, des bois brillants mais on n’est jamais véritablement pris. Peut-être marqué par son dernier mandat à la tête de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, Riccardo Chailly nous fait entendre plus du Brahms que du Tchaïkovski. Des mouvements assez contemplatifs (notamment le premier), l’adoption continue d’un puissant legato (le début du Finale dont les sonorités hésitent entre le dernier mouvement de la Première Symphonie de Brahms et «La Grande Porte de Kiev»...), un manque de mordant et de nervosité (surtout dans les troisième et quatrième mouvements, où les coups de cymbales et de grosse caisse s’avèrent bien timides) donnent à entendre une interprétation large mais bien peu russe. La formidable énergie déployée par Chailly n’empêche certes pas de légers décalages (au début de l’Andante sostenuto initial) mais témoigne surtout d’une baguette des plus solides et d’un chef des plus volontaires.


Changement de décor après l’entracte avec la Suite tirée de Lady Macbeth du district de Mtsensk de Chostakovitch, créée seulement en 2005 sous la direction d’Andreï Boreyko, plus de soixante-dix ans après la création de l’opéra. A la faveur peut-être de certains changements de chefs de pupitres (chez la plupart des bois, chez les cors et les trompettes), l’Orchestre de la Scala se métamorphose véritablement et offre une suite haute en couleurs. Le premier mouvement possède tout le côté sarcastique souhaité, le deuxième permettant à certains instrumentistes d’offrir au public une véritable démonstration (la clarinette en mi bémol, la trompette solo ou les cordes à la suavité extraordinaire), le troisième offrant de façon assez idéale à la fois grincements et burlesque. Chailly dirige l’ensemble avec un effet entraînant des plus remarquables, les tutti orchestraux ronflant sans la moindre vulgarité alors qu’il serait si facile de tomber ici dans le banal.


Fort de cette belle entrée en matière, Chailly atteint des sommets de coloriste dans une interprétation superlative de Petrouchka, préférant à la version de 1911 celle, quelque peu différente (notamment sur la fin) de 1947. Le public eut de nouveau droit à une superbe diversité de caractères, d’ambiances, de rythmes, servie par un orchestre chauffé à blanc où se distinguent de nouveau le trompettiste solo Marco Toro (tout bonnement extraordinaire!), le pianiste, la flûte enjôleuse d’Andrea Manco et un pupitre de percussions au meilleur de sa forme. Chailly connaît «son» Stravinski; dirigeant quasiment par cœur (sans qu’il ait bien besoin de se référer aux pages de son conducteur tournées plus machinalement qu’autre chose), le chef italien dose savamment les moindres équilibres pour faire ressortir toute la finesse de cette partition que Stravinski avait composée paraît-il «pour se distraire», alors qu’il était en pleine composition du Sacre. «La Baraque du charlatan» n’a jamais été si rêveuse, l’épisode «Chez le Maure» fut inquiétant à souhait, offrant un parfait contraste avec la grinçante valse entre «La Ballerine et le Maure», l’orchestre dévoilant ensuite toute son opulence dans une «Fête populaire de la semaine grasse» irrésistible!


Ovation méritée à la fois pour l’orchestre et pour le chef qui, comme ce fut le cas lors du concert berlinois donné lors de la dernière Musikfest de 2017, offrirent en bis une ouverture d’opéra italien. Point de Verdi ce soir mais, cent cinquantième anniversaire de sa disparition oblige, une formidable Ouverture de La Pie voleuse de Rossini. Loin de toute complaisance, Chailly la dirigea avec une finesse d’exécution (les nuances!) en tous points remarquables conduisant bien évidemment à un triomphe amplement mérité.


Le site du Philharmonique de la Scala



Sébastien Gauthier

 

 

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