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Mahler tire à la ligne

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/18/2018 -  
Gustav Mahler : Symphonie n° 3 en ré mineur
Anna Larsson (contralto)
Chœur de femmes et Maîtrise de Radio-France, Sofi Jeannin (chef de chœur), Orchestre national de France, Robert Spano (direction)


(© Angela Morris)


Très gros morceau que la Troisième Symphonie de Mahler a fortiori quand les programmateurs de l’Orchestre national de France ont l’audace de confier un projet aussi lourd au benjamin Robin Ticciati. Comment s’y serait comporté ce jeune trentenaire britannique ébouriffé ? On n’en saura rien, puisqu’après la défection de Ticciati pour raisons de santé le projet s’est trouvé nettement décalé côté seniors, avec l’arrivée sur l’affiche d’Edo de Waart, vétéran dont on attendait les propositions mahlériennes avec curiosité. Et puis, au dernier moment, c’est finalement l’Américain Robert Spano qui est monté sur le podium du Théâtre des Champs Elysées : pianiste, compositeur, pédagogue, chef de longue date de l’Orchestre symphonique d’Atlanta... un musicien qui appartient à un tout autre univers, assez nettement déconnecté de notre star-system européen.


Au premier abord, rien de bien exaltant. Le monumental Kräftig initial pose ses jalons sans laisser apparaître de projet bien affirmé. La battue de Robert Spano, tranquille, régulière, paraît surtout fonctionnelle, et les tentatives de dramatiser l’exposé sont bien timides. On peut même s’interroger sur les raisons de cette absence systématique d’anticipation des transitions, qui deviennent de simples changements de climat abrupts. Sur la partition les indications de Mahler peuvent certes paraître contradictoires. Certaines plaident pour la régularité (« ne pas accélérer », « ne pas traîner »), mais beaucoup d’autres pour davantage d’expressionnisme (« Bewegt », « Rubato », « Gedehnt », « Drängend »...). Ici pas grand-chose de toute cette richesse d’intentions ne ressort, et les silences ne sont guère que des interruptions momentanées du son. Notons la bonne tenue de l’Orchestre national de France au cours de tous ces épisodes placidement collés bout à bout, en sachant toutefois qu’il ne faut pas compter sur l’acoustique du Théâtre des Champs-Elysées pour ajouter la moindre rondeur ou poésie flatteuse aux sonorités.


Passée cette première et fort longue épreuve, on attend des mouvements suivants davantage d’humour, voire un peu de facilité champêtre... Malheureusement ni le Tempo di minuetto (au début assez criard et gâché de surcroît par de nets problèmes d’ensemble) ni même le Scherzo, ne tiennent ces promesses. On apprécie les couleurs variées cultivées par l’orchestre, mais là encore la narration perd beaucoup de son sens en route, réduite à une succession de détails sans logique. Répit momentané avec les appels du cor de postillon depuis la coulisse, mais l’ambiance reste bien factuelle, davantage distante que poétique, avant une rentrée de tout l’orchestre qui devrait se montrer roborative et n’est que brutale et clinquante.


Heureusement, entre à ce moment-là en scène la contralto suédoise Anna Larsson. Difficile de prétendre que cela transfigure une soirée jusqu’ici assez morose, mais quand même, on apprécie qu’il se passe enfin quelque chose de plus intéressant. Beaucoup de prestance, une stature impressionnante, une splendide robe de soie orange brodée d’or et puis surtout une voix qui remplit tout le volume du théâtre avec une tranquille assurance. Les mots du poème de Nietzsche se posent naturellement, absence de sophistication dans l’émission qui nous touche d’emblée. L’écrin orchestral pourrait être nettement plus passionnant mais qu’importe, on commence quand même à ressentir une fibre mahlérienne, qui providentiellement ne nous quittera plus. L’impact du chœur féminin et de la Maîtrise de Radio-France est amoindri par un positionnement acoustique peu favorable, mais le dialogue avec ce timbre de contralto très humain, quasi maternel, s’effectue tout en détente et en fluidité. Un passage où on commence enfin à apprécier la sereine bonhomie de Robert Spano.


Et puis le long moment d’immersion hors du temps, tant attendu, du Langsam final, ne déçoit pas. A ce moment-clé l’absence d’emphase de la direction fonctionne bien, face à un texte qu’il faut se garder de charger de trop d’expression, sous peine d’en surcharger la suavité mélodique. Le dosage est parfait et nous vaut même quelques beaux frissons dans l’échine. A l’issue de cette symphonie particulièrement longue (et que Robert Spano n’a vraiment rien fait pour raccourcir) l’orchestre accuse quelques signe de fatigue mais les cuivres gardent globalement une très belle tenue et les cordes une sonorité avenante, même dans des aigus qu’il faut soutenir énergiquement. De quoi déclencher en définitive une très chaleureuse ovation.



Laurent Barthel

 

 

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