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Un authentique brucknérien à la baguette

Berlin
Philharmonie
12/08/2017 -  et 9*, 10 décembre 2017
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano n° 23 en la majeur, K. 488
Anton Bruckner : Symphonie n° 3 en ré mineur (version 1872-1873)

Maria João Pires (piano)
Berliner Philharmoniker, Herbert Blomstedt (direction)


H. Blomstedt (© Martin U. K. Lengemann)


Les grandes baguettes se succèdent à la tête du Philharmonique de Berlin: après Bernard Haitink il y a une semaine, c’est au tour de Herbert Blomstedt de diriger le prestigieux orchestre, orchestre, dont il a fait la connaissance en décembre 1976 en accompagnant là aussi un petit nouveau pour les Berliner en la personne du pianiste Krystian Zimerman...


Ce soir, c’est au tour d’une autre pianiste de jouer le rôle de soliste: Maria João Pires, invitée en dernier lieu avec le Philharmonique de Berlin en octobre 2008 sous la direction du chef anglais Trevor Pinnock, interprétait ce soir le fameux Vingt-troisième Concerto (1786) de Mozart, accompagnée par une phalange à l’effectif relativement réduit. On s’étonnera de n’avoir pas été pleinement convaincu alors qu’elle est, elle l’a tellement prouvé à ce jour, une mozartienne accomplie. Dès l’Allegro, on perçoit une mise en place avec l’orchestre parfois fragile – la petite harmonie n’étant pas des plus sûres (les clarinettes...) – que ne parvient pas à masquer un superbe grain orchestral. Cette impression se retrouve dans l’Allegro assai conclusif où Maria João Pires use d’un jeu de pédale plutôt nerveux, voulant imposer un rythme vigoureux alors que Blomstedt semble vouloir prendre davantage son temps, quitte à adopter au contraire un tempo quelque peu alangui. La soliste témoigne néanmoins d’une musicalité évidente, qui trouve son sommet dans un deuxième mouvement magique: mais, avouons-le, comment rater un tel miracle de composition? Les échanges entre les bois et la pianiste sont d’une douceur mélancolique exemplaire et rachètent à eux seuls une interprétation qui nous aura laissé quelque peu sur notre faim, les applaudissements chaleureux d’une Philharmonie comble n’ayant par ailleurs suscité aucun bis.


Changement de décor pour la seconde partie, consacrée à la Troisième Symphonie de Bruckner: on passe de trois à sept contrebasses, les pupitres de bois s’étoffent tandis que ceux des cuivres et des autres cordes se démultiplient… Contrairement à de nombreux chefs, Herbert Blomstedt privilégie, et c’est encore le cas ce soir, l’édition de 1873 et non celles, plus connues, de 1877 ou 1889. Sempiternels débats que ceux suscités par l’édition devant être privilégiée lorsqu’on joue une symphonie de Bruckner… Blomstedt opte donc pour la symphonie «originelle» avant les coupes opérées dans la deuxième version et surtout en 1888-1889, qui mutilèrent notamment le deuxième mouvement assez grandement. Après avoir dirigé la Sixième Symphonie en 2010, la Messe en fa mineur en 2011 et la Huitième Symphonie en 2015, Blomstedt s’est de nouveau affirmé ce soir comme un brucknérien de tout premier plan, peut-être même le plus grand en activité à l’heure actuelle. Car, en dépit des longueurs de cette version «primitive» de la Troisième, on ne ressent à aucun moment une éventuelle lassitude tant l’interprétation parvient à allier de façon exemplaire les détails de l’orchestre et les grandes lignes de l’orchestration.


Dirigeant assis (ce fut le cas tout au long du concert), sans baguette mais avec d’amples gestes des bras, Blomstedt aura véritablement galvanisé un Orchestre philharmonique de Berlin des grands jours. Dès le premier mouvement, les échanges entre cor solo et violoncelles sont splendides, l’élan et la solennité de la reprise du fameux thème initial lancé par les trompettes (vers le milieu du mouvement) sont fulgurants. Etablissant un parfait équilibre entre les pupitres des premiers et seconds violons (ces derniers conduits ce soir par les excellents Christian Stadelmann et Christophe Horak) disposés de part et d’autre de son estrade, Blomstedt impose là une hauteur de vue exceptionnelle. Quel contraste ensuite avec l’Adagio. Feierlich où la plénitude sonore (ces pulsations données par les contrebasses...) rappelle les plus beaux adagios brucknériens composés les années suivantes! Après un Scherzo: ziemlich schnell des plus conquérants (n’oublions pas un Trio central, figure habituelle dans les scherzos brucknériens, des plus champêtres, joué et dirigé avec une délicatesse confondante), Blomstedt mena tambour battant le dernier mouvement, où la précision et la dextérité des cordes berlinoises firent une très forte impression, le mouvement se concluant comme souvent chez Bruckner par des pupitres de cuivres rougeoyants.


Ovationné tant par l’orchestre, dont il est évident qu’il aime être dirigé par ce chef, que par le public, Herbert Blomstedt revint seul sur scène pour le plus grand plaisir des spectateurs; à n’en pas douter, après par exemple une mémorable Quatrième Symphonie dirigée il y a quelques mois à Berlin à la tête du Philharmonique de Vienne et, paraît-il, une non moins somptueuse Septième donnée à la tête de ce même orchestre au festival de Salzbourg en août dernier, Blomstedt s’affirme sans aucun doute comme un des brucknériens majeurs de notre temps.



Sébastien Gauthier

 

 

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