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Le cas Ekman Paris Palais Garnier 12/06/2017 - et 7, 9, 10, 12, 13, 15, 16, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 27, 28, 29, 30, 31 décembre 2017 Play (création) Alexander Ekman (chorégraphie), Mikael Karlsson (musique)
Alexander Ekman (décors, costumes), Xavier Ronze (costumes), Tom Visser (lumières)
Calesta «Callie» Day (chanteuse gospel), Christian Wirth (saxophone soprano), Géraud Etrillard (saxophone alto), Adrien Lajoumard (saxophone ténor), Pascal Bonnet (saxophone baryton), Adelaïde Ferrière (marimba et percussions), Amanda Favier, Pauline Fritsch (violon), Benoît Marin (alto), Eric Villeminey (violoncelle), François Gavelle (contrebasse), Frédéric Vaysse-Knitter (piano), Ballet de l’Opéra national de Paris
(© Ann Ray/Opéra national de Paris)
Le Ballet de l’Opéra national de Paris (BOP) crée Play, le nouvel opus du chorégraphe suédois très en vogue Alexander Ekman. Grand succès public pour ce divertissement plus que ballet qui interroge sur la mission de cette institution.
La carrière d’Alexander Ekman, 33 ans, ancien danseur du Ballet royal de Suède, du Nederlands Dans Theater II et du Ballet Cullberg, connaît une ascension vertigineuse depuis la création de sa première pièce il y a dix ans pour le Ballet Cullberg. Films et chorégraphies se sont succédés jusqu’au succès internationaux de Cacti (2010) puis de A Swan Lake, créé à Oslo en 2014 et que l’on a pu voir la saison dernière au Théâtre des Champs-Elysées. Enorme succès auprès d’un public jeune, la pièce n’a pas reçu l’accueil attendu de la critique en partie car elle était amputée de son premier acte comme on a pu le constater ensuite en visionnant la vidéo de la création norvégienne. Autre spectacle emblématique, son Midsummer Night’s Dream, qui se réclame plus de la tradition suédoise de fêter la saint Jean que de Shakespeare, a été filmé en 2016 à Stockholm par Bel Air Média et est disponible sur Blu-ray-disc Bel Air Classics.
Devant un tel succès, la direction actuelle du BOP lui a commandé cette nouvelle pièce, qu’il a conçue comme il le fait toujours avec l’aide du musicien suédois installé à New York Mikael Karlsson. La réalisation du projet est irréprochable. Le dispositif scénique est grandiose, la partition jazzy magnifique, les musiciens invités à la réaliser sont parfaits. Le propos en est plutôt futile – «Que faisons-nous des jeux de notre enfance? Pourquoi cessons-nous de jouer?» – mais on a connu des arguments plus légers.
On est frappé, après avoir vu son Swan Lake aquatique et son Midsummer Night’s Dream, qu’Ekman utilise pour chaque spectacle un moule bien rodé. Spectacles en deux actes bien contrastés qui tiennent plus du divertissement/entertainment que de la danse proprement dite. S’il se revendique de Mats Ek, ce que l’on peut admettre dans de rares moments du spectacle, on est plutôt dans une forme de show assez différent du théâtre dansé à la flamande qui fait plus appel aux capacités de comédiens ou d’acrobates des danseurs, avec des fragments musicaux épars. Chez Ekman, on a recours un peu aux mêmes procédés: présentation des personnages, un élément sert à créer le désordre – l’eau dans Swan Lake, le foin dans Midsummer Night’s Dream et dans Play, ce sont des balles vertes (environ 60000, dit-on) qui se déversent sur la scène et servent de d’élément de jeu.
Play montre effectivement des jeux assez bien réglés dans sa première partie. La seconde est plus noire et se réfère au travail mais se termine par un lâcher de ballons très festif. Cà et là, un brin de chorégraphie très bien réglée pointe son nez mais on est plus globalement dans un divertissement potache, fort bien agencé et enrobé par des éclairages savants, une musique très séduisante avec ici la participation de la chanteuse Callie Day. Bref deux heures d’un bon divertissement fort acclamé à la première par la jeune génération des étages supérieurs du Palais Garnier.
Une question cependant. Est-il de la vocation de notre première compagnie nationale de danse de mobiliser ses troupes (ici on n’a pas ménagé les forces avec entre autres Stéphane Bullion, danseur étoile, François Alu, Vincent Chailley, Muriel Zusperreguy, Marion Barbeau...) pour un spectacle qui, à supposer qu’il soit repris, ne devrait pas faire d’usage au répertoire? Comme pour la récente Bohème à Bastille, on s’interroge sur l’avenir de telles productions gadgets tout en rappelant qu’il s’agit d’argent public, et dans le contexte actuel où les dépenses inutiles sont scrutées à la loupe, on ne peut s’empêcher de penser qu’il faudra bien qu’un jour quelqu’un se porte comptable d’un tel gaspillage.
Olivier Brunel
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