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Xanadu sur Lot

Toulouse
Cahors
08/01/2001 -  
L'été musical dans la vallée du Lot Du 4 au 15 août 2001
Régis et Bruno Pasquier, Bayerische Kammerphilharmonie…

Dans un superbe château en plein Causses, un milliardaire allemand, possesseur d’une collection d’instruments rares -Stradivarius et autres Gofriller- qu’il prête à de jeunes artistes de renom, organise un festival pour faire connaître ses protégés lors de concerts accompagnés par un orchestre dont il est le mécène, concerts immortalisés en enregistrements hors-commerce, devant un parterre d’invités aussi prestigieux que le Prince et la Reine du Danemark… Non, vous n’êtes pas en train de lire le résumé d’un remake lotois de Citizen Kane co-produit par Gala et Diapason !
Si l’on rajoute à la liste des musiciens aussi réputés que les frères Pasquier, Hüseyin Sermet ou András Adorjan, on se dit que, somme toute, le tourisme teuton à parfois du bon dans notre Sud-Ouest et que la race des Médicis n’est peut-être pas entièrement éteinte!

À travers 8 concerts, d’un prix correct (115 francs) quant ils ne sont pas gratuits, “L’été musical dans la vallée du Lot” s’est donné pour tâche de faire entendre des solistes encores peu connus -Xavier Philips y a été révélé- ainsi que la jeune et excellente philharmonie de chambre bavaroise (Bayerische Kammerphilharmonie dans le texte original) au milieu d’artistes plus confirmés, comme Régis Pasquier qui est l’un des trois co-programmateurs du festival.

N’ayant pu assister à tous les concerts, le critique doit faire son mea culpa car il semble bien que l’artiste la plus marquante de cette édition du festival, la jeune soprano Susanne Bernhard, ait échappé à sa sagacité -pourtant proverbiale-. Pas une conversation d’après-concert qui n’ait célébré l’émotion et la musicalité qui se dégageaient de son chant, la beauté de son timbre, le charme de son sourire… on vous épargnera les détails. Aussi, tout en se fouettant avec des orties fraîches d’une main et en s’arrachant les cheveux de l’autre, il ne lui restait plus qu’à vous écrire ce que d’autres ont vu -ce qui n’est pas facile quand on n’a pas joué dans le dernier Tim Burton-.

Le concert qui s’annonçait comme le plus prestigieux réunissait András Adorjan, les Pasquier, Xavier Phillips et Hüseyin Sermet dans un programme Beethoven-Mendelssohn. Malheureusement, l’acoustique de plein air des jardins du château de Charry ne permettait pas vraiment de porter un jugement sur ses qualités musicales. En effet, le piano d’Hüseyin Sermet, que l’on sentait pourtant être le meneur de jeu, se perdait totalement dans les étoiles, alors que la flûte d’András Adorjan dominait au contraire insolemment. Le trio op. 49 de Mendelssohn, dans un arrangement inédit -mais pas indispensable- où la flûte remplace le violon, en paraissait par moment assez méconnaissable, la moindre figure d’accompagnement de la flûte prenant un relief de partie soliste.
Malgré ces conditions défavorables, on pouvait remarquer une interprétation pleine de mystère du trio “À l’Archiduc”, les transitions étant amenées avec un grand sens du clair-obscur.

Le concert de clôture mettait en vedette la Bayerische Kammerphilharmonie, orchestre-résidant du festival, dans l’Ouverture de la Clémence de Titus de Mozart, la Symphonie “Londres” de Haydn et le Concerto N°4 de Beethoven.
Cohésion sans faille, intonation parfaite, homogénéité totale de tous les pupitres -dont se détachent des bois remarquables- et, surtout, une complicité et un bonheur de jouer évidents, autant de qualités impressionnantes, surtout pour un ensemble de très jeunes musiciens, qui permettent de comprendre ce qui sépare les orchestres français des allemands.
L’ouverture de Mozart et la symphonie “Londres” ont rarement sonné de façon aussi heureuse, avec une sorte d’aplomb juvénile aussi insolent qu'irrésistible. L’équilibre général de l’orchestre, une sonorité plutôt claire où les bois dominent, assise sur des basses présentes et très nettes, accentuait cette jeunesse de lignes par un “fruité” assez savoureux. La direction de Philip Greenberg, directeur de l’orchestre de Savannah (USA), était pour beaucoup dans cette réussite par sa clarté et son grand sens dynamique. Le bis permettait d’ailleurs d’entendre une Ouverture des Noces de Figaro dans un tempo que seul jusqu’ici Mravinsky avait osé, mais dans des phrasés plus nets et précis encore qu’à Leningrad!
Malheureusement, ces qualités n’ont pas trouvé dans la prestation scolaire de la pianiste Yuliya Gorenman, pourtant lauréate du Concours Reine Elisabeth, la partenaire idéale. Le concerto de Beethoven était même un exemple assez rare de mésentente entre soliste et chef, celle-ci écrasant sans nuances des phrases au rubato chaloupé façon Rachmaninov hollywoodien, alors que celui-ci affichait une rectitude entraînante mais à la limite du métronomique.
Un CD, réalisé antérieurement au concert et dans de meilleures conditions acoustiques, permet de retrouver les œuvres de Mozart et Haydn couplées à un troisième concerto de Beethoven, avec la même soliste, largement supérieur au 4°.
En effet, la fougue du chef, dans une conception plus tonique que mystérieuse ou romantique, assez proche de celle de Gardiner, est ici correctement relayée par une soliste guère subtile mais tout au moins a tempo même si la prise de son met un peu trop le piano au premier plan. On peut se procurer cet enregistrement, hors-commerce, par e-mail : atlantis@datazug.ch, ou sur le site du festival“L’été musical dans la vallée du Lot”.

L’idée d’un festival consacré aux jeunes artistes est en elle-même suffisamment rare et intéressante pour qu’on ne puisse que l’encourager, d’autant que le Lot est une région musicalement peu favorisée. Pourtant, on nous permettra deux bémols.
L’intérêt touristique des lieux choisis ne garantit pas toujours une écoute de qualité, le plein air restant absolument contre-indiqué, surtout pour le piano, -tant pis pour le charme du parc du château et tant mieux pour le vol régulier des avions qui couvrent la musique- et le petit théâtre de Cahors, fort joli il est vrai, étant un véritable éteignoir, aussi sonore qu’une boîte à chaussures bourrée de coton.
Plus dommageable, la programmation du festival, gérée en collaboration par les trois directeurs artistiques sous la haute surveillance, on le suppose, du mécène principal, est d’un classicisme inébranlable et très germanique assez étouffant à la longue.
Il est en effet plutôt bizarre de vouloir faire découvrir de jeunes artistes, certes de très haute qualité, en ne leur faisant jouer que les classiques les plus inoxydables du répertoire le plus rabâché et sans qu’aucune originalité majeure ne permette de distinguer cette manifestation des centaines d’autres qui se déroulent à la même époque.
Avec un choix plus ouvert -pour tout dire plus intéressant et “accrocheur”- ce festival, qui permet de découvrir des artistes prometteurs dans le cadre d’une des plus belles régions de France, aurait des chances sérieuses de faire partie de ceux “qui comptent” dans la région.



Laurent Marty

 

 

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