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Une exhumation flamboyante

Geneva
Opéra des Nations
11/24/2017 -  et 26 novembre 2017
Camille Saint-Saëns : Ascanio
Jean-François Lapointe (Benvenuto Cellini), Joé Bertili (Pagolo), Bernard Richter (Ascanio), Eve-Maud Hubeaux (Scozzone), Jean Teitgen (François Ier), Karina Gauvin (La duchesse d’Etampes), Clémence Tilquin (Colombe d’Estourville), Mohammed Haidar (Un mendiant), Bastien Combe (D’Estourville), Maxence Billiemaz (D’Orbec), Raphaël Hardmeyer (Charles-Quint), Olivia Doutney (Une ursuline)
Chœur du Grand Théâtre, Chœur de la HEM (Haute Ecole de Musique), Alan Woodbridge (préparation), Orchestre symphonique de la HEM, Guillaume Tourniaire (direction musicale)


G. Tourniaire (© Laurent Pasche)


Après le très rare Fantasio présenté au début du mois, le Grand Théâtre de Genève a fait encore plus fort en exhumant une œuvre jamais entendue jusqu’ici, du moins dans sa version intégrale. Si tous les mélomanes, ou presque, connaissent Samson et Dalila, très peu d’entre eux savent, en revanche, que Camille Saint-Saëns a écrit onze autres opéras, tous tombés dans l’oubli aujourd’hui. Parmi ceux-ci, Ascanio, écrit en 1888 et dont Genève a offert la première mondiale, avec deux représentations concertantes à la clé. A sa création à Paris en 1890, la partition a été écourtée de près d’une heure et jouée seulement trente-sept fois jusqu’en 1921, mais jamais sous sa forme originale.


Le livret raconte le séjour du sculpteur Benvenuto Cellini et de son apprenti Ascanio à la cour de François Ier. L’artiste, jalousé pour son génie, son prestige et le pouvoir qu’il exerce sur le Roi, triomphe des intrigues en sauvant son disciple Ascanio au péril de sa vie. Si Benvenuto Cellini est le personnage principal de l’opéra, c’est l’élève qui donne son titre à l’ouvrage, parce qu’à l’époque il existait déjà un Benvenuto Cellini, composé par Berlioz en 1837.


L’idée de monter Ascanio revient au chef Guillaume Tourniaire. En 2007, une maison de disques lui propose d’enregistrer Hélène, un poème symphonique de Saint-Saëns. Le maestro se plonge alors dans l’œuvre du compositeur, se passionne pour ses opéras méconnus et s’emballe pour Ascanio. Il réussit à convaincre les directeurs respectifs de la Haute Ecole de Musique et du Grand Théâtre de Genève pour donner une chance à l’ouvrage. Loin de Samson, hiératique et monumental, Ascanio est un véritable drame lyrique, avec de nombreux rebondissements. Si l’œuvre impressionne par ses dimensions (cinq actes, plus de 3 heures de musique), elle n’en est pas moins d’une grande finesse de construction, avec une écriture orchestrale délicate et puissante à la fois, puisant à de nombreuses sources (on peut citer les pastiches de la musique de la Renaissance, le belcanto, le répertoire français mais aussi Wagner). L’œuvre compte six personnages vocaux principaux, dont celui de Benvenuto Cellini, constamment sollicité, ce qui en fait un des rôles les plus longs du répertoire français. A la tête de l’Orchestre symphonique de la HEM, du Chœur de la HEM et du Chœur du Grand Théâtre, Guillaume Tourniaire a montré son passion, son énergie et son enthousiasme pour la musique de Saint-Saëns. Il faut lui savoir gré d’avoir permis cette résurrection flamboyante. Les quelques décalages entre les choristes et les solistes et l’absence de précision çà et là n’ont en rien entamé la réussite de la soirée.


Contrairement à Fantasio, qui péchait par l’absence d’une interprète francophone dans le rôle-titre, la distribution réunie pour Ascanio est entièrement de langue française. Et de qualité de surcroît, ce qui permet de rendre pleinement justice à cette exhumation. Jean-François Lapointe incarne un Benvenuto Cellini de belle prestance et particulièrement expressif, avec un timbre autoritaire et bien projeté. Bernard Richter campe un Ascanio fougueux, aux aigus sûrs et rayonnants, même si parfois un peu forcés. Duchesse d’Etampes rusée, au tempérament de feu, Karina Gauvin séduit par son expressivité et son art des vocalises, malgré un léger vibrato et quelques aigus escamotés. Eve-Maud Hubeaux prête sa voix veloutée à une Scozzone sensuelle, alors que Clémence Tilquin confère luminosité et fraîcheur à son personnage de Colombe d’Estourville. Les autres interprètes sont tous à l’avenant. Ces deux représentations genevoises ont fait l’objet d’une captation et devraient déboucher sur la publication d’un enregistrement. Il ne reste plus maintenant qu’à espérer que ce succès incite un autre théâtre à afficher Ascanio en version scénique cette fois.



Claudio Poloni

 

 

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