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Etonnante confrontation

Paris
Centre Pompidou
11/15/2017 -  et 16, 17, 18 novembre 2017
Pichet Klunchun and myself
Jérôme Bel (concept)
Jérôme Bel, Pichet Klunchun (danseurs)


P. Klunchun, J. Bel (© association R.B.)


Les spectacles de Jérôme Bel réunis dans le «Portrait» que lui consacre le Festival d’Automne à Paris (voir par ailleurs ici et ici) se suivent et ne se ressemblent pas. Pichet Klunchun and myself (2005) est un autre type d’esthétique de laquelle la danse n’est pas exclue, une étonnante confrontation entre deux hommes, deux cultures, deux univers mais surtout entre deux cerveaux programmés de façon si différentes! Créé à Bangkok «à l’arrachée» selon Bel avec un nombre ridicule de répétitions, il contient, «véritable match de ping-pong», une grande part d’improvisation née dans l’urgence qui s’est perpétuée lors des représentations. Le miracle est qu’après un nombre que nous ignorons de représentations et douze ans d’âge, ce spectacle ait l’air frais comme au premier jour.


La rencontre est entre Jérôme Bel, qui a une certaine notoriété à Bangkok, sans que le danseur thaïlandais Pichet Klunchum, le second protagoniste, ne sache vraiment pourquoi. Et le jeu va consister en un échange verbal et chorégraphique entre un des acteurs les plus controversés de la culture contemporaine occidentale et ce professionnel réputé de la danse Khôn, danse royale traditionnelle dont les codes sont aussi multiséculaires qu’immuables et dont Jérôme Bel ignorait tout en arrivant à Bangkok en 2005.


Jérôme Bel ouvre le feu à sa façon, commençant avec les présentations formelles et des questions dont la fausse naïveté pourrait déstabiliser un esprit moins structuré que cet Asiatique au mental d’acier. Petit à petit, il mène très habilement Pichet Klunchun a exposer en quoi consiste le Khôn, exemples à l’appui, lui faisant détailler ce que cet art dans le quel tout est codifié, la position des mains, pieds, membres, tête, l’ouverture de l’angle de l’œil, comporte de sens, de signifiant. Il obtient même du danseur qu’il fasse une chose tout à fait «anormale» qui est de déclamer en dansant ce que le narrateur qui est sur scène raconte au public pour lui permettre de comprendre une tradition aujourd’hui totalement perdue. Tour à tour homme, femme, dragon, singe, Klunchun crée personnages et situations fascinantes que Bel observe, admire et commente à sa façon toujours ironique.


Puis le jeu repart en boomerang et c’est Klunchun qui interroge Bel, lequel ne se laisse pas déstabiliser non plus par des questions au contenu plus cartésien, mathématique et matériel. Il explique qu’au contraire, ex-danseur classique, il n’a pas supporté longtemps le jeu des codes académiques et s’en est retiré pour se consacrer par des lectures aussi surprenantes que variées à une recherche sur le sens de la représentation théâtrale. Et de repartir à zéro pour rechercher à surprendre un public par une représentation sur scène de ce à quoi il ne s’attendait pas: tout ce que l’on sait de Bel et que l’on admire ou rejette. La partie la plus comique du spectacle est quand Bel explique à Klunchun, incrédule devant une démonstration de ce que Bel offre à son public (une quasi-immobilité suive de quelques contorsions sur une chanson «pop»), le système de la création contemporaine subventionnée dans nos pays occidentaux et à quoi s’expose son public (en cela le choix du lieu de la reprise de ce spectacle est parfaitement approprié). «Et le public ne demande jamais qu’on lui rende son argent?» questionne Klunchun interloqué. «Si parfois, mais je ne les rembourse jamais!» répond malicieusement Bel «car ils ont payé pour assister à une création d’art contemporain et ce public ne vient pas pour voir ce qu’il connaît déjà».


Le miracle, on l’a dit, est que l’on croit vraiment à la spontanéité de ce qui est un spectacle qui se répète et c’est l’art des protagonistes et la magie de la scène qui opèrent pour faire de ces quasi deux heures une des plus passionnantes réflexions sur la danse et l’art en général.



Olivier Brunel

 

 

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