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Thriller domestique

Bruxelles
La Monnaie
10/29/2017 -  et 31 octobre, 2, 4, 7, 9, 12*, 15 novembre 2017
Wolfgang Amadeus Mozart: Lucio Silla, K. 135
Jeremy Ovenden (Lucio Silla), Lenneke Ruiten (Giunia), Anna Bonitatibus (Cecilio), Simona Saturová (Lucio Cinna), Ilse Eerens (Celia), Carlo Allemano (Aufidio)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Antonello Manacorda (direction)
Tobias Kratzer (mise en scène), Rainer Sellmaier (décors, costumes), Reinhard Traub (lumières), Manuel Braun (vidéo)


(© Bernd Uhlig)


La précédente production de Lucio Silla (1772) remonte à 1985 : le regretté Patrice Chéreau en signait la mise en scène. La Monnaie en confie la nouvelle à Tobias Kratzer qui développe une conception moderne de cet opéra de jeunesse. Lucio Silla se profile moins en homme d’Etat qu’en dirigeant d’entreprise abuseur, paranoïaque et voyeur. La dimension politique se révèle donc pratiquement absente, le sextuor évoluant plutôt dans un lugubre thriller domestique, exclusivement dans et autour d’un habitat contemporain sous vidéosurveillance, dans une oppressante atmosphère nocturne – le chien qui traverse régulièrement le plateau paraît néanmoins inoffensif.


Rainer Sellmaier conçoit un admirable décor, une villa pivotante entourée de conifères, la vidéo de Manuel Braun renforçant le sens de cette habile mise en scène, fruit d’un travail dramaturgique poussé. Cet ouvrage non exempt de longueurs profite d’une direction d’acteurs soutenue et conforme aux standards de cette maison par sa précision et sa crédibilité. Les interprètes caractérisent ainsi finement leur personnage, ce qui rend les récitatifs vivants. Tobias Kratzer signe un spectacle certes froid mais tendu, et il maintient le cap. Que Lucio Silla se prenne pour Dracula à la fin du deuxième acte ou que les choristes soient déguisés en gothique importe donc peu: la Monnaie peut réitérer sa confiance au metteur en scène allemand.


La distribution ne comporte que de solides rouages. Jeremy Ovenden ne possède pas l’aura et l’éclat de Michael Spyres, qui aurait accompli des miracles en Lucio Silla, un an après son phénoménal Mithridate, mais le ténor britannique chante en authentique mozartien : pureté de l’émission, perfection du phrasé, clarté de l’intonation, de nombreuses qualités compensent sa puissance limitée. D’un engagement sans faille, Lenneke Ruiten affiche beaucoup d’assurance en Giunia, en dépit d’une voix peu veloutée et trop serrée dans l’aigu. Anna Bonitatibus s’épanouit en Cecilio et livre une performance accomplie, rendue possible par une palette variée et une virtuosité vouée à l’expression des affects.


Saisissante dans le rôle travesti de Lucio Cinna, sorte de grand frère de Drago Malefoy, Simona Saturová ne fait pas valoir un timbre aussi gracieux que ses partenaires. Cette soprano se produisant fréquemment sur cette scène partage en revanche les mêmes affinités stylistiques que ses partenaires, bien qu’elle évolue trop souvent dans les demi-teintes, le personnage révélant une nature introvertie. Ilse Eerens nous gratifie dans le rôle de Celia d’un chant d’une pureté et d’une agilité quasiment parfaites, tandis que Carlo Allemano promène avec probité, mais sans grande conviction, une voix de ténor proche de la tessiture de baryton, sans préjudice pour le personnage secondaire d’Aufidio.


Applaudi la saison dernière dans La Petite renarde rusée, Antonello Manacorda dirige un orchestre nerveux et rodé, aux cordes profuses et aux bois savoureux. Cette exécution franche et précise répond à l’enjeu dramatique de cet opéra de jeunesse qui porte les prémices des futurs chefs-d’œuvre.



Sébastien Foucart

 

 

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