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Entre déchirements de soie et courants d’air

Paris
Théâtre des Bouffes du Nord
10/09/2017 -  
Clara Iannotta : dead wasps in the jam-jar (iii) (création)
Wolfgang Rihm : Quatuor à cordes n° 13 (iv 13)
Mark Andre : Miniaturen für Streichquartett
György Ligeti : Quatuor à cordes n° 2

Quatuor Arditti: Irvine Arditti, Ashot Sarkissjan (violon), Ralf Ehlers (alto), Lucas Fels (violoncelle)


A. Sarkissjan, R. Ehlers, I. Arditti, L. Fels (© Astrid Karger)


Pour ce deuxième concert «Portrait Irvine Arditti et le Quatuor Arditti» donné dans le cadre du Festival d’Automne, le Théâtre des Bouffes du Nord accueille cet ensemble hors pair dans un programme éclectique que referme un classique du XXe siècle – quoique rarement joué en raison de sa difficulté: le Second Quatuor de György Ligeti.


Dans l’entretien donné à Martin Kaltenecker, Irvine Arditti regrette que George Benjamin (né en 1960) ait renoncé – du moins jusqu’à présent – à écrire pour ce genre «trop chargé de traditions, trop "intimidant"» qu’est le quatuor à cordes; le contraire de Wolfgang Rihm (né en 1952), chez qui le poids du passé ne semble pas avoir d’emprise en vertu d’une créativité qui ne laisse pas de surprendre! On est saisi d’emblée par son attitude décomplexée, par le geste conquérant qui préside à l’écriture. Cet artisanat virtuose rappelle celui de Paul Hindemith, dont Rihm partage la palette économe en modes de jeux (à la différence, respectivement, d’un Bartók ou d’un Lachenmann), même si tout un travail s’opère au niveau des textures. Nerveux, voire délibérément oppressant dans la répétition de certaines cellules (tel un fragment de bande magnétique collé en boucle), le Treizième Quatuor (2011) donne l’impression de commencer au cœur même de son développement, à la manière de la Première Symphonie ou d’un quatuor de Johannes Brahms. «Plusieurs sections de la pièce sont répétées, parfois avec ajout d’une nouvelle strate» (Rihm) avant une sorte de grand choral. Fin abrupte, consécutive à une déperdition soudaine d’énergie.


Changement total d’esthétique avec Mark Andre (né en 1964), dont les Miniatures pour quatuor à cordes (2017) – de la soie qui se déchire – s’accommodent difficilement des tuberculeux qui sévissent ce soir-là... Mais les Arditti sont parvenus à maintenir l’attention dans cette série d’aphorismes fondée sur des successions de gestes: piétinements homorythmiques, musique d’ombres étouffées par la sourdine, étude sur le pizzicato qui transforme le quatuor en une guitare à seize cordes... Quand surviennent les nuances mezzo forte, on croirait un cataclysme. Le compositeur fait «ressortir les contours des phénomènes sonores comme un graveur sur cuivre travaillant au burin» (Max Nyffeler) ou comme Helmut Lachenmann – dont Andre se réclame ouvertement – écrivant sur la peau du son dans sa pièce pour orchestre Schreiben (2003). Une similarité de conception lie aussi l’œuvre au Webern des Bagatelles opus 9 (1913) et au Kurtág des Six Moments musicaux (2005).


A l’intériorisation aiguë de Mark Andre répondent les bourdonnements de Clara Iannotta (née en 1983) dans sa pièce guêpes mortes dans le pot de confiture (2017) donnée en création mondiale: trois hélices se mettent à tournicoter dans les airs cependant que les interprètes soufflent dans quelques sifflets de bois ou font chanter le rebord d’un verre avec un doigt humide. Avouons n’avoir pas été totalement convaincus par cette pléiade d’effets un peu vaine, au diapason des applaudissements récompensant davantage le professionnalisme (pour ne pas dire la mansuétude) du Quatuor Arditti que la pièce elle-même, vite oubliée.


Célèbre par la place que lui réservent nos histoires de la musique, le Second Quatuor (1968) de György Ligeti (1923-2006) n’encombre pas pour autant les salles de concert; on lui préfère le Concerto de chambre, exactement contemporain, avec lequel le quatuor partage l’oscillation entre «clocks» et «clouds» (horloges et nuages), c’est-à-dire une perception de l’écoulement du temps fondée tour à tour sur la périodicité et sur la fluidité. Le Quatuor Arditti en livre une interprétation extrêmement concentrée et disciplinée, où affleure tout ce que la pièce doit à la tradition – notamment à Haydn dans ce cocktail explosif de séduction, d’humour et de subversion.


Troisième et dernier volet le 16 octobre, avec au programme Olga Neuwirth, Salvatore Sciarrino, Hilda Paredes et Iannis Xenakis.



Jérémie Bigorie

 

 

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