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Ouverture à la française

Paris
Cathédrale Saint-Louis-des-Invalides
10/06/2017 -  
Georges Bizet : Te Deum
Charles Gounod : Messe solennelle de sainte Cécile

Raquel Camarinha (soprano), Philippe Do (ténor), Nicolas Cavallier (basse)
Chœur Nicolas de Grigny, Jean-Marie Puissant (chef de chœur), Orchestre national de Lorraine, Jacques Mercier (direction)


J. Mercier (© Michele Crosera)


Une ouverture de saison doit toujours revêtir de l’éclat. Celle du Musée de l’Armée vient de le prouver, grâce à Jacques Mercier. Même si sa beauté ne fait pas oublier les faiblesses de l’acoustique, la cathédrale Saint-Louis constituait un cadre idéal pour le programme de musique française sacrée choisi, qui a opportunément ressuscité des partitions peu fréquentées.


Certes on ne criera pas au chef-d’œuvre à l’écoute du Te Deum de Bizet, composé pour le concours organisé par l’Institut à l’initiative du banquier mélomane Edouard Rodrigues. Il s’agissait à la fois de récompenser un pensionnaire de l’Académie de France et de susciter un regain d’intérêt pour la musique religieuse. Lauréat du Grand Prix de Rome en 1857, Bizet se met au travail dès février 1858, mais n’empochera pas les quinze cents francs désirés. Est-ce parce que ce Te Deum n’apportait rien de nouveau, avec sa pompe un peu factice, son fugato obligé, son manque d’originalité ? Il révéla au moins au jeune compositeur qu’il « n’était pas taillé pour la musique religieuse ». L’œuvre, en tout cas, fait son effet, Jacques Mercier la dirige avec panache ou retenue, mais sans pompiérisme ni mièvrerie, prouvant que, malgré tout, elle tient le coup, alors que le Chœur Nicolas de Grigny, un rien contraint dans le « Fiat misericordia tua » fugué, montre d’emblée une belle homogénéité et une capacité à nuancer qui feront de la Messe solennelle de sainte Cécile un grand moment de musique chorale, malgré quelques tensions du côté des voix aiguës.


L’œuvre fut créée en 1855 à Saint-Eustache, sept mois après le Te Deum de Berlioz, mais fut commencée dès 1849 – à l’inverse de Bizet, Gounod est alors un compositeur établi, sur lequel Sapho, en 1851, a attiré l’attention. La Messe atteint un degré d’élaboration auquel ne pouvait prétendre le Te Deum, grande fresque entre la pompe et la ferveur, écrite par un musicien profondément croyant, mystique même, qui hésita à entrer dans les ordres. Et comme il a assimilé toute une tradition de musique religieuse, il exprime presque naturellement les doutes, les espoirs et les joies du chrétien. La direction de Jacques Mercier ne les exprime pas moins, à la faveur d’une direction à la fois enflammée et recueillie, au souffle impeccablement maîtrisé. Le Kyrie est tout en courbes délicates, le début du Gloria suspend le temps, le triptyque « Et incarnatus », extasié – « Crucifixus », très dramatique – « Et resurrexit », jubilatoire » est remarquable. Le chef n’élude pas la sensualité sulpicienne de certaines pages, l’« Agnus Dei » surtout, suivi d’un triomphant « Dominum salvum », qui sera bissé. Après avoir chanté trop droit le Te Deum, Raquel Camarinha s’assouplit, notamment dans un Gloria en apesanteur, Philippe Do, déjà impeccable chez Bizet, projette avec facilité une voix timbrée à l’aigu aisé et au médium nourri, Nicolas Cavallier fait regretter que Gounod n’ait pas davantage flatté la partie de basse.


Jacques Mercier va bientôt tirer sa révérence, après avoir fait de l’orchestre lorrain un des meilleurs de l’Hexagone. Pendant quinze ans, il aura infatigablement œuvré pour défendre la musique française oubliée ou négligée, comme aux Invalides. Espérons que son successeur reprenne ce flambeau.



Didier van Moere

 

 

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