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Une Veuve guindée

Paris
Opéra Bastille
09/09/2017 -  et 12, 14, 16, 20, 22*, 24, 28, 30 septembre et 5, 9, 11, 15, 18, 21 octobre 2017
Franz Lehár : Die lustige Witwe
Franck Leguérinel (Baron Mirko Zeta), Valentina Nafornita (Valencienne), Thomas Hampson (Comte Danilo), Véronique Gens (Hanna Glawari), Stephen Costello (Camille de Rossillon), Alexandre Duhamel (Vicomte Cascada), Karl-Michael Ebner (Raoul de Saint-Brioche), Peter Bording (Bogdanovitch), Anja Schlosser (Sylviane), Michael Kranebitter (Kromow), Edna Prochnik (Olga), Julian Arsenault (Pritschistch), Yvonne Wiedstruck (Praskowia), Siegfried Jerusalem (Njegus), Esthel Durand (Lolo), Isabelle Escalier (Dodo), Sylvie Delaunay (Jou-Jou), Virginia Leva-Poncet (Frou-Frou), Ghislaine Roux (Clo-Clo), Marie-Cécile Chevassus (Margot)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Jakub Hrůsa*/Marius Stieghorst (direction)
Jorge Lavelli (mise en scène), António Lagarto (décors), Francesco Zito (costumes), Dominique Bruguière (lumières), Laurence Fanon (chorégraphie)


V. Gens, T. Hampson (© Guergana Damianova/Opéra national de Paris)


Pour la quatrième reprise de la production de La Veuve joyeuse de Franz Lehár dans la réalisation de Jorge Lavelli qui devait en 1997 en marquer l’entrée au répertoire de l’Opéra de Paris, c’est le choix la salle bastillane et une nouvelle distribution qui plombent le retour à Paris de ce chef-d’œuvre de l’âge d’argent de l’opérette viennoise.


En resituant La Veuve joyeuse dans l’atmosphère délétère de la Vienne d’avant la Première Guerre mondiale, danse vertigineuse et vénéneuse sur le volcan et sentant déjà les cendres de l’Empire austro-hongrois et du Saint-Empire romain germanique, Jorge Lavelli et António Lagarto, responsable de la très étonnante scénographie, avaient signé une réussite fortement chahutée car sentant le soufre. Ils n’avaient cependant pas altéré le charme musical profond de l’œuvre et cela grâce à un couple d’interprètes inoubliables, un plateau formidable et un chef de génie, le Suisse Armin Jordan, père de l’actuel directeur musical de l’Opéra national de Paris. Et surtout la scène et le cadre or et rouge du Palais Garnier, ses proportions, son histoire même ajoutaient au décalage du travail du metteur en scène argentin, qui y avait déjà créé quelques productions mémorables, un indéniable facteur de réussite. On a déjà pu constater lors des reprises de 1998 que le passage à la salle bastillane édulcorait ce beau travail. La scène immense oblige les personnages à courir en tous sens, à surjouer la partie de vaudeville (la sonorisation des dialogues parlés ajoute à cette impression) et surtout, dans le cas du choix de la présente reprise, dilue beaucoup les voix des interprètes.


A la création, un couple de chanteurs scandinaves, Karita Mattila et Bo Skovhus, n’avait cependant pas froid aux yeux et donnait de l’histoire de Hanna Glawari, la veuve aux millions, et du conte Danilowitsch, aristocrate fauché mais chic et amateur de grisettes, une version torride par la conjonction craquante de la plastique de leurs silhouettes et du charme vocal qu’ils y mettaient. C’est loin d’être le cas du couple actuel, plutôt guindé, formé par Véronique Gens et Thomas Hampson. Elle a l’élégance d’une voix formée à Mozart, ce qui est un atout suprême dans cette œuvre qui, à l’époque de sa création, était distribuée à de grandes mozartiennes, voire wagnériennes; lui manquent la chaleur et même le volume vocal adéquats et surtout le charme un peu déluré et Mitteleuropa du personnage, qu’elle remplace par une certaine raideur. Lui a un peu perdu de sa superbe vocale et, s’il se dépense beaucoup pour animer son personnage, lui manquent la distinction, ce mélange de morgue et de dandysme qu’y mettait Bo Skovhus, devenu entre temps un immense interprète de rôles lyriques dramatiques. Le reste de la distribution est aussi un peu en deçà de l’original même si Franck Leguérinel (qui remplace José Van Dam, annoncé dans le rôle de l’Ambassadeur du Pontevedro) et la Moldave Valentina Nafornita (Valencienne) sont excellents et s’il est émouvant de retrouver Siegfried Jerusalem, chanteur retraité qui a été un interprète de Danilo, dans le rôle parlé du chancelier Njegus. Les chœurs semblaient mal préparés à cette reprise tout comme les danseurs, au point que l’acte de la fête folklorique chez Hanna était la caricature de l’orignal. Car, même si elles n’ont hélas pas été commercialisées, on a pu revoir les images de la soirée de 1997 qu’Arte avait retransmise pour le réveillon...


Mais le responsable principal de la déception liée à cette reprise est le chef tchèque Jakub Hrůsa et sa direction très militaire, laissant l’orchestre en routine complète. Les trois quarts du charme de cette musique reposent sur la fosse et à l’origine, Armin Jordan avait achevé de faire de cette Veuve joyeuse une soirée vertigineuse et inoubliable comme l’y invitait la musique. On comprend que l’actuel directeur musical Philippe Jordan n’ait pas assuré lui-même ce qui, quasiment vingt ans après, aurait pu paraître comme une reprise glorieuse mais on ne peut s’empêcher de penser que cela aurait eu une autre allure.



Olivier Brunel

 

 

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