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Révolution(s)

Montpellier
Opéra Berlioz
07/22/2017 -  
Umberto Giordano: Siberia
Sonya Yoncheva (Stephana), Murat Karahan (Vassili), Gabriele Viviani (Gleby), Catherine Carby (Nikona), Anaïs Constant (La Fanciulla), Marin Yonchev (Il Cosacco), Alvaro Zambrano (Alexis, Il Sergente), Riccardo Fassi (Il Capitano Walinoff, Il Governatore), Jean-Gabriel Saint-Martin (Il Banchiere Miskinsky, L’Invalido), Laurent Sérou (L’Ispettore)
Chœur de l’Opéra national de Montpellier Occitanie, Noëlle Gény (chef de chœur), Latvijas Radio Koris, Sigvards Klava (chef de chœur), Orchestre national de Montpellier Occitanie, Domingo Hindoyan (direction)




Du 10 au 28 juillet, la trente-deuxième édition du Festival de Radio France Occitanie Montpellier prend comme thème les révolution(s). La mise entre parenthèses du s peut au premier abord laisser sceptique, comme naguère pour France Musique(s). En réalité, sans omettre les autres, la programmation met surtout l’accent sur la Révolution russe de 1917, d’où la tonalité soviétique du graphisme choisi cette année pour l’affiche, la brochure et les programmes. Dans son éditorial, le directeur du festival a raison de rappeler les grands bouleversements, sociaux, politiques et artistiques, observés durant cette année charnière.


En revanche, ce qui ne change pas, ce sont les principes: une offre variée, profuse et gratuite pour 90% des cent soixante manifestations, selon le chiffre des organisateurs, lesquelles se répartissent entre Montpellier, sa métropole et la nouvelle région, qui s’appelle désormais Occitanie. Comme ses prédécesseurs, Jean-Pierre Rousseau met l’accent sur les nouveaux talents, qui rejoignent les illustres musiciens régulièrement invités, tout en restant fidèle à l’aspect festif du festival qui ne se cantonne pas au répertoire classique – jazz, musique du monde, flamenco, électro.


Pour entendre de jeunes musiciens, il faut absolument se rendre aux concerts gratuits de 12 heures 30 à la Salle Pasteur, pour lesquels le public patiente longuement devant les portes, afin profiter d’une bonne place. Ce rendez-vous quotidien constitue une formidable tribune pour la nouvelle génération. Pour le récital de clavecin de l’excellent Justin Taylor (né en 1992), vainqueur du concours de Bruges, les spectateurs occupent, le lundi 24 juillet, la plupart des places, une affluence relativement importante pour ce genre de concert (œuvres de Bach, Couperin, Rameau, Forqueray, Scarlatti).


L’axiome se vérifie encore cette année: qui dit Montpellier, en juillet, dit chaleur et soleil mais aussi raretés. Pour sa deuxième soirée lyrique, après la version Malibran des Puritains le 15 juillet, le festival propose un titre moins connu. Créé à la Scala en 1903, Siberia de Giordano peine à s’imposer au répertoire, alors que cet ouvrage de seulement une heure et demie possède de nombreux atouts. Le livret de Luigi Illica, tout d’abord, prend sa source dans un roman de Tolstoï, Résurrection, mis également en musique par Franco Alfano, et semble s’inspirer aussi de Souvenirs de la maison des morts de Dostoïevski. Cette histoire d’exil dans un bagne sibérien d’une femme et de son amant rappelle le chef-d’œuvre de Janácek et Lady Macbeth du district de Mtsensk de Chostakovitch, compositeur programmé, par ailleurs, à plusieurs reprises lors cette édition.



S. Yoncheva (© Gregor Hohenberg)


Cette version de concert dévoile une œuvre inspirée et originale par certains aspects, comme l’intervention fréquente des choristes a cappella, et ce dès le début, ou les emprunts à la musique traditionnelle russe, jouée sur des instruments traditionnels. Siberia illustre ainsi le lien intellectuel fécond entre la péninsule et la Russie, ce que témoigne l’histoire des échanges artistiques entre ces deux parties du monde. Que cet opéra assez captivant reste absent des scènes lyriques s’explique dès lors difficilement, et, au contraire d’André Chénier et Fedora, il n’existe pas de grande référence discographique, hormis des prises sur le vif peu engageantes.


Trouver l’interprète idéale pour le rôle de Stephana ne devrait désormais plus poser de problème, car elle apparaît, ce samedi, sur la scène de l’Opéra Berlioz: Sonya Yoncheva. Cette chanteuse d’exception met en valeur une voix longue et charnue, le timbre demeurant somptueux, même dans le haut du registre. Cette authentique soprano lyrique déploie un chant ample et puissant, au phrasé peaufiné et au vibrato contrôlé, et affiche du tempérament pour conférer du relief à Stephana, bien qu’une mise en scène eût permis de mieux marquer la psychologie de ce personnage. L’artiste demeure toutefois attachée à la perfection, au détriment de l’émotion.


Cette chanteuse au charme capiteux, et qui, par coquetterie, change de robe durant la soirée, ne déséquilibre heureusement pas la distribution. Ses principaux partenaires se montrent fatalement moins somptueux, mais leur prestation affiche un magnétisme et une tenue suffisants. La voix lumineuse et consistante de Murat Karahan ne manque pas de séduire, le ténor délivrant un chant stylé, mais non châtié, et moulé avec métier, en dépit d’une émission pas toujours nette. Gabriele Viviani campe avec assurance un Gleby fortement caractérisé, par la noirceur du timbre et le mordant de l’intonation. Les autres rôles livrent un beau travail interprétatif et forment un bel ensemble, dans lequel se distinguent la Nikona de Catherine Carby et la délicate Fiancée d’Anaïs Constant. Il manque tout de même à cette version de concert figée une bonne dose d’animation théâtrale, ce qui aurait rendu la prestation plus palpitante et moins stéréotypée.


Domingo Hindoyan, époux de Sonya Yoncheva, dirige avec netteté et un remarquable souci de détail un orchestre coloré et rigoureux. Le chef évite tout épanchement, même si la musique baigne souvent dans une confortable volupté. Instaurant les atmosphères contrastées de ce bel ouvrage, les musiciens livrent des soli précis et expressifs, tandis que les choristes parent de couleurs caractéristiques leurs fréquentes interventions à découvert. Preuve, à ce propos, de la fidélité de beaucoup de musiciens au festival: le Chœur de la Radio lettone se produit à Montpellier, en juillet, depuis pas moins de vingt-cinq ans.


Le site du Festival de Radio de Montpellier France Occitanie



Sébastien Foucart

 

 

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