About us / Contact

The Classical Music Network

Saint-Etienne

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un Lohengrin dans la cour des grands

Saint-Etienne
Opéra
06/09/2017 -  et 11, 13* juin 2017
Richard Wagner : Lohengrin
Nikolai Schukoff (Lohengrin), Cécile Perrin (Elsa de Brabant), Catherine Hunold (Ortrud), Laurent Alvaro (Frédéric de Telramund), Nicolas Cavallier (Henri l’Oiseleur), Philippe-Nicolas Martin (Le héraut du roi), Massimo Riggi (Gottfried), Calliste Reynaud-Boisson, Armand Giraux (enfants)
Chœur lyrique Saint-Etienne Loire, Laurent Touche (chef de chœur), Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire, Daniel Kawka (direction musicale)
Louis Désiré (mise en scène), Diego Méndez Casariego (décors et costumes), Patrick Méeüs (lumières)


Les wagnériens ne placent sans doute pas d’instinct Saint-Etienne sur leur mappemonde. Et pourtant, la maison que dirige Eric Blanc de la Naulte fait mentir les pronostics renvoyant les budgets modestes à l’ombre des institutions plus prestigieuses, d’autant que le bâtiment hérité de la politique culturelle de Malraux peut s’enorgueillir d’abriter des ateliers à même d’assumer l’intégralité d’une production lyrique, un pragmatisme artisanal, au sens le plus noble du terme, qu’il convient de souligner à l’heure de la tentation des coquilles vides ne servant qu’à accueillir des tournées.


Mais revenons au corpus du grand Richard, dont la cité stéphanoise propose un Lohengrin coproduit avec Marseille. Si le métier de décoration et de costumier, dont il est issu, se lit dans les admirables qualités plastiques du travail de Louis Désiré, son propos est loin de se limiter à une illustration sur laquelle ironiseraient quelques thuriféraires d’avant-gardes autoproclamées. Avec la complicité des décors et costumes dessinés par Diego Méndez Casariego, chacun des actes s’inscrit dans un dispositif symbolique qui n’ignore pas la réalité spatiale du théâtre. La bibliothèque d’airain du premier tableau résume la puissance immémoriale de la féodalité, quand les armes du deuxième acte représentent sans doute la menace des armes de Telramund, parmi lesquelles le poison du doute instillé par Ortrud constitue l’avatar le plus redoutable, avant, dans l’intimité conjugale, un lit vertical à la modernité peut-être un peu trop éprouvée. Au-delà de ces images sculpturales, la mise en scène explicite également les ressorts narratifs du drame, à l’image du Prélude, où l’on découvre la disparition du jeune Gottfried orchestrée par une sorcellerie d’Ortrud condensée dans les aveuglants projecteurs sis au creux de la paume de ses mains. Une telle efficacité scénographique, qui n’a pas besoin de céder au minimalisme pour se concentrer sur l’essence du drame, se trouve par ailleurs mise en valeur par les lumières de Patrick Méeüs.


Dans le rôle-titre, Nikolai Schukoff affirme une vaillance sans faiblesse. La clarté du métal ne néglige jamais l’humanité rayonnante du héros, et évite toute raideur inutile. Si d’aucuns ont pu émettre parfois des réserves quant à certaines performances du ténor autrichien, ce dernier livre là une incarnation accomplie. En Elsa, Cécile Perrin fait montre d’une générosité de moyens qui contraste avec certains usages de distribuer le rôle à des sopranos blonds. Plus que l’innocence archétypale, la soprano française explore les ressacs de l’inquiétude et du doute, enrichissant singulièrement sa composition. Celle de Catherine Hunold en Ortrud irradie littéralement les planches, et ne se limite pas à l’évidence idiomatique de sa voix: assurément l’une des meilleures interprètes du moment de la maléfique épouse de Telramund, lequel revient ici à un Laurent Alvaro honnête, et une soliste que l’on aimerait entendre davantage sur nos scènes. Avec le métier confirmé qu’on lui connaît, Nicolas Cavallier résume avec l’autorité fédératrice, sinon paternelle, du roi Henri. Philippe-Nicolas Martin ne néglige aucunement les interventions du héraut. Préparés par Laurent Touche, les chœurs participent pleinement de l’éclat héroïque d’une partition au service de laquelle se met la direction attentive de Daniel Kawka, tirant parti des ressources de l’Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire, dans une lecture qui serait loin de pâlir aux côtés de phalanges renommées. Ce Lohengrin offre un démenti bienvenu au tropisme qui voudrait faire rimer l’excellence avec les millions et priverait les maisons plus modestes des moyens indispensables à leur mission.



Gilles Charlassier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com