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Les chants d’amour selon Gérard Grisey

Paris
Centre Pompidou
06/17/2017 -  et 13 juin (Marseille), 24 juillet (La Grave) 2017
Alberto Posadas : Voces Nómadas (création)
Gérard Grisey : Les Chants de l’Amour

Ensemble Musicatreize, Roland Hayrabedian (direction), Thomas Goepfer (réalisation informatique musicale Ircam)


R. Hayrabedian (© Jean-Baptiste Millot)


L’excellent Ensemble Musicatreize et son chef Roland Hayrabedian prennent le relais des mains de l’Ensemble Exaudi (voir ici) pour une nouvelle page avec chœur d’Alberto Posadas (né en 1967), couplée avec Les Chants de l’Amour de Gérard Grisey (1946-1998).


Dans cette œuvre de 1982-1984, écrite pour douze voix mixtes et bande magnétique, le compositeur conçut «l’idée de grandes polyphonies vocales enveloppées et soutenues par un fondamental puissant». A la différence des pièces avec électroniques entendues depuis à l’Ircam, Les Chants de l’Amour recherchent moins l’interaction qu’à mettre en œuvre un arrière-fond – élaboré par le programme «Chant» – à partir duquel jaillit une écriture vocale pétrie de réminiscences (Dufay, Ockeghem et les Pygmées). Pour autant, les phénomènes de tuilage ne sont pas exclus: «...la mise en situation du matériau, le temps dont il dispose et sa mutation sont plus importants que le matériau lui-même. Le chemin est plus important que le véhicule», précise Grisey.


Le début, tout d’interjections, ménage des échappées individuelles vers les aigus cependant que la bande magnétique énonce ce son originel qui servira de matrice à l’édifice harmonique. L’écriture vocale intègre clameurs, chuchotements, éclats de rires et onomatopées (on songe au Berio d’A-ronne, 1975) et des noms d’amants et d’amantes célèbres, à commencer par Tristan et Isolde. Les dernières mesures font entendre comme une faune en ébullition à la saison des amours, avant l’ultime «I love you», aussitôt décuplé par la bande magnétique. Rappelant par la forme et la thématique amoureuse le Stockhausen des Momente (1969) quand ce n’est pas certaines pièces de François-Bernard Mâche, Les Chants de l’Amour pourront sembler moins «signés» que Les Espaces acoustiques (1985) ou les ultimes et bouleversants Quatre chants pour franchir le seuil (1998), mais leurs sortilèges, magnifiquement restitués par Musicatreize, portent l’émotion.


C’est plus l’écriture madrigalesque que l’écriture chorale qui est invoquée par Alberto Posadas dans Voces Nómadas. Le rôle de l’électronique consiste à modeler autour du chœur de chambre – voire pour chacune de ses voix – un espace acoustique qui serait celui d’un instrument de musique. Certaines techniques utilisées n’étant pas compatibles avec certains phonèmes, le compositeur a donc dû récrire le texte en parallèle à l’informatique musicale, la crise vécue par les migrants, de son côté, infléchissant sensiblement le sens à donner à ces «voix nomades»... A son point de tension et de décibels maximal – le seuil de tolérance auditif est franchi plus d’une fois –, le lacis polyphonique atteint une densité inextricable (chaque chanteur manie compulsivement son diapason), tandis que le début, centré sur les voix d’hommes bientôt rejointes par l’électronique, sonne à la manière d’une messe basse. Interprétation au cordeau de l’Ensemble Musicatreize.



Jérémie Bigorie

 

 

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