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Le chaud et le tiède

Bruxelles
Palais de la Monnaie
05/16/2017 -  et 17, 19, 20, 23, 25, 26, 28*, 30, 31 mai, 2, 4 juin 2017
Giuseppe Verdi: Aida
Adina Aaron*/Monica Zanettin (Aida), Andrea Carè*/Gaston Rivero (Radames), Nora Gubisch*/Ksenia Dudnikova (Amneris), Dimitris Tiliakos*/Giovanni Meoni (Amonasro), Giacomo Prestia*/Mika Kares (Ramfis), Enrico Iori (Il Re)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu*/Samuel Jean (direction)
Stathis Livathinos (mise en scène), Alexander Polzin (décors), Andrea Schmidt-Futterer (costumes), Alekos Anastasiou (lumières), Otto Pichler (chorégraphie)


(© Forster)


La Monnaie confie régulièrement ses productions à des professionnels d’autres disciplines, comme le théâtre. Stathis Livathinos, l’actuel directeur du Théâtre national de Grèce, y débute dans Aïda (1871). Sa mise en scène s’inscrit dans la politique de la maison, qui tourne le dos à la tradition : pas de décor grandiose et ostentatoire, mais un dispositif épuré, d’une grande cohérence esthétique, formé pour l’essentiel d’un rocher au milieu du plateau, avec, suspendue, une plate-forme percée d’un orifice, qui ne trouvera son utilité qu’à la fin, lors de l’enfermement des amants.


Bénéficiant d’éclairages étudiés, cette scénographie se situe dans un lieu et un temps indéterminés, mais elle conserve quelques références à l’Egypte antique, en particulier les masques d’animaux. Le metteur en scène s’intéresse aux personnages, évite les poncifs, règle avec précision les mouvements d’ensemble, tourne en dérision la marche triomphale ; le déplacement à petits pas des esclaves rend même le ballet malsain. Sans radicaliser ou actualiser cet ouvrage, ce spectacle en respecte l’esprit, à condition de s’accommoder de ce genre d’approche et d’esthétique. Mais le visuel tend légèrement à supplanter le théâtre, comme dans Madame Butterfly en février, alors que le metteur en scène excelle dans cette discipline : le sort des amants ne touche guère. Et si ce bruit artificiel de vent entre les actes et les scènes agace un peu, les costumes, de véritables créations, valent le détour.


Trop modeste pour un opéra de cette envergure, la distribution suscite peu d’enthousiasme, en tout cas celle réunie pour cette représentation. On se demande si la température élevée dans la salle, ce dimanche, n’a pas amoindri les capacités des chanteurs. Affrontant sans difficulté le rôle-titre, Adina Aaron affiche une certaine présence, ce que facilite son apparence physique, d’une adéquation parfaite, mais le chant accuse, par moments, quelques instabilités d’émission. Andrea Carè se montre stylistiquement plus rigoureux. Le ténor, fort d’un timbre lumineux, compose avec justesse le personnage de Radamès, qu’il impose de belle façon, bien qu’avec prudence, dès son air fameux du premier acte.


Nora Gubisch horripile en Amneris, tant par ses manières de harpie malfaisante à tendance bisexuelle que par son chant, d’une pertinence stylistique pour le moins relative, alors que la voix, au timbre assez peu séduisant, et sans grande carrure, épouse, dans une certaine mesure, la tessiture du rôle. Les voix masculines plus graves importent peu, à l’exception, à la rigueur, de l’Amonasro de Dimitris Tiliakos, affublé d’un étrange costume qui lui donne l’aspect d’une créature fantastique à la texture ligneuse. N’offrant rien de plus qu’un chant uniforme et gris, Giacomo Prestia n’accorde pas au personnage de Ramfis son juste poids psychologique, tandis qu’Enrico Iori manque de marquer la figure du Roi de son empreinte, moins par le physique que par la voix.


L’orchestre procure en revanche un bonheur rare. Sous la direction d’Alain Altinoglu, il se montre à son meilleur niveau, précis et bien sonnant, capable de puissance comme de finesse. L’exécution, détaillée et réactive, d’une belle plénitude et d’un équilibre constant, n’appelle que des éloges. Les choristes, enfin, unis et impliqués, ne laissent quasiment rien à désirer.


Cette production met ainsi un terme à l’exil hors des murs de la Monnaie. Si la parenthèse du Palais se referme avec soulagement, il faut saluer l’implication du personnel, qui a vraiment de la suite dans les idées. Pour la représentation de ce dimanche après-midi, sous une chaleur accablante, des bouteilles d’eau ont été déposées sous les sièges, une intention appréciée. La prochaine saison reprend, au théâtre, le 5 septembre, avec Pinocchio, le nouvel opéra de Philippe Boesmans, créé cet été au festival d’Aix-en-Provence.



Sébastien Foucart

 

 

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