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Gluck à dimension trop humaine

Lyon
Opéra
05/02/2017 -  et 6, 8, 10, 12, 14, 16*, 17 mai 2017
Christoph Willibald Gluck : Alceste
Karine Deshayes (Alceste), Julien Behr (Admète), Alexandre Duhamel (Le Grand Prêtre), Tomislav Lavoie (Apollon, un Héraut), Florian Cafiero (Evandre), Thibault de Damas (Hercule), Maki Nakanishi (Coryphée), Paolo Stupenengo (L’Oracle), Paul-Henry Vila (Un Dieu infernal), Marie Cognard, Pei Min Yu, Alexandra Guerinot, Didier Roussel, Jean-François Gay (solistes)
Chœurs de l’Opéra de Lyon, Philip White (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Lyon (I Bollenti Spiriti), Stefano Montanari (direction musicale)
Alex Ollé, La Fura dels Baus (mise en scène), Alfons Flores (décors), Josep Abril (costumes), Marco Filibeck (lumières), Franc Aleu (vidéo)


K. Deshayes (© Jean-Louis Fernandez)


Si l’Alceste de Gluck est empreint d’un certain hiératisme antique, le metteur en scène peut être aisément tenté de réduire la distance entre le drame et le spectateur pour offrir du sacrifice de l’épouse une lecture que l’on qualifierait volontiers de plus réaliste. Alex Ollé, l’un des plus célèbres trublions de La Fura dels Baus régulièrement invité par Serge Dorny à Lyon, ne manque pas de céder à cette tentation de la vraisemblance ordinaire.


Ainsi l’Ouverture offre-t-elle la genèse de la situation dramaturgique initiale: Admète se retrouve dans le coma à la suite d’une stupide querelle conjugale au cours d’un trajet en voiture – que l’on devine par les muettes colères sur le visage des protagonistes dans l’habitacle. L’artifice vidéo, conçu par Franc Aleu, présente l’avantage d’une élucidation accrue des motifs psychologiques des remords de l’épouse rescapée. La chambre d’hôpital occupe ensuite logiquement l’arrière du plateau, fond dont reviendra le souverain grâce à ce que l’on devine comme les miracles de la médecine, avec pour séquelles une démarche claudicante. Le sacrifice exigé par les dieux deviendra une défenestration d’Alceste – que d’aucuns confondraient alors avec quelque Tosca. Rehaussés par l’indéniable qualité plastique des lumières réglées par Marco Filibeck, les décors d’Alfons Flores versent au troisième acte dans l’hallucination entre la vie et la mort – on appréciera les défilements de perspectives vidéographiques comme un travelling vers un au-delà dont le caractère onirique se révélera déductivement au tomber de rideau sur le cercueil d’Alceste tandis que l’orchestre reprend le début de l’Ouverture. Pour cohérente qu’elle puisse être, l’horizontalité narrative d’une telle conception cherche à échapper à l’abstraction de l’argument et achoppe sur sa profondeur parabolique, privilégiant la crédibilité du livret à la puissance évocatrice de la musique.


Dans le rôle-titre, qu’elle endosse pour la première fois, Karine Deshayes fait converger l’émotion et l’attention du public. Si la Française ne possède pas l’ampleur des graves que certains veulent entendre dans l’ouvrage, elle ne se montre aucunement prise en défaut par une tessiture qui ne lui est aucunement rétive ou étrangère, décrivant une Alceste complémentaire d’incarnations plus dramatiques, tandis que la vaillance n’est presque jamais menacée. Face à elle, l’Admète de Julien Behr semble plus fragile que le personnage ne l’exige. Si la clarté ne fait point défaut à l’élocution, sa stabilité résonne souvent en sursis, contrainte par une émission plus resserrée que le souvenir que l’on avait conservé du ténor français. Alexandre Duhamel ne souffre aucune réserve en Grand Prêtre d’une solidité sans faille. Florian Cafiero séduit par son Evandre au timbre teinté d’une luminosité solaire qui gagnera sans doute prochainement en charpente. Les interventions de Tomislav Lavoie en Apollon et héraut ne déparent point, tandis que l’on ne s’attardera pas sur l’Hercule presque contrefait par Thibaut de Damas.


Préparés par Philip White, les chœurs fournissent les effectifs complémentaires du drame, du Coryphée au dieu infernal, en passant par l’Oracle. Quant à la direction de Stefano Montanari, fidèle de la fosse lyonnaise, elle offre avec cette production le premier jalon de la constitution d’un ensemble familiarisé avec les techniques et instruments baroques et préclassiques au sein de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon – ici avec des archets baroques et des cuivres et timbales naturels. Si l’on peut regretter certains menus aménagements dans la partition de Gluck, péché auquel le chef italien ne peut se refuser, audible ici essentiellement dans la coupure de quelques mesures de ballet et la subversion du finale en accord avec la dramaturgie, la vitalité qu’exhale la présente interprétation évite les maniérismes parfois recensés dans des précédents spectacles sous sa baguette.



Gilles Charlassier

 

 

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