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Un ange embrase Zurich

Zurich
Opernhaus
05/07/2017 -  et 11, 14, 25, 28, 31 mai, 2, 5 juin 2017
Serge Prokofiev : L’Ange de feu, opus 37
Leigh Melrose (Ruprecht), Ausrinė Stundytė (Renata), Liliana Nikiteanu (Hôtesse), Agnieszka Rehlis (Voyante, Mère supérieure), Iain Milne (Jakob Glock, Médecin), Dmitry Golovnin (Agrippa von Nettesheim, Méphistophélès), Stanislav Vorobyov (Faust), Dimitri Pkhaladze (Serviteur), Pavel Daniluk (Inquisiteur), Andrzej Filonczyk (Mathias Wissman, Aubergiste), Deniz Uzun, Andrzej Filonczyk, Stanislav Vorobyov (Trois squelettes), Soyoung Lee, Deniz Uzun (Deux novices), Ernst Alisch (Comte Heinrich, Père), Pavel Daniluk, Dimitri Pkhaladze, Stanislav Vorobyov (Trois voisins), Julie Bartholomew, Caroline Fuss, Verena Hasselmann, Rosa Maria Hernandez, Laura Missuray, Hao Zhang (Six nonnes)
Chor der Oper Zürich, Jürg Hämmerli (préparation), Philharmonia Zürich, Gianandrea Noseda (direction musicale)
Calixto Bieito (mise en scène), Rebecca Ringst (décors), Ingo Krügler (costumes), Franck Evin (lumières), Sarah Derendinger (vidéo), Beate Breidenbach (dramaturgie)


A. Stundyte, L. Melrose (© Monika Rittershaus)


L’Opernhaus vient de marquer un grand coup avec une nouvelle production de L’Ange de feu qui fera date. Le chef-d’œuvre de Prokofiev n’avait encore jamais été représenté à Zurich. Terminé à la fin des années 1920, l’ouvrage ne sera créé qu’en 1955, après la mort du compositeur. Le livret, écrit par Prokofiev lui-même d’après le roman éponyme de Valery Brioussov, raconte l’histoire de Renata et de sa quête inlassable de l’ange qui lui est apparu alors qu’elle n’était qu’une enfant. Comme possédée, elle se croit poursuivie par des démons. Le Met de New York, où vivait Prokofiev, avait refusé l’œuvre à l’époque, prétextant que le personnage féminin principal était impossible à chanter. Il est vrai que le rôle relève de l’exploit, tant vocalement, avec ses écarts meurtriers, que scéniquement (Renata est constamment sur scène et chante pratiquement une heure et demie durant les deux heures que dure la représentation) et émotionnellement, l’interprète devant passer par toute la gamme des émotions. A Zurich, la soprano lituanienne Ausrinė Stundytė offre, après Lyon en octobre de l’année dernière, un portrait intense et bouleversant de la jeune fille possédée. Hallucinée, hagarde, en proie à des spasmes, elle est parfaitement crédible et totalement investie dans son personnage de bout en bout, avec une voix qui se joue des difficultés, jamais contrainte de forcer. Une performance que le public salue par des ovations au rideau final. Leigh Melrose est tout aussi convaincant en Ruprecht : le baryton incarne un personnage au timbre autoritaire et bien projeté, au début vaguement condescendant et intéressé, mais qui finit par tomber fou amoureux de Renata, au point d’être prêt à tout pour elle, bouleversant d'intensité. Le reste de la distribution est sans faille, comme d’ailleurs le chœur, exemplaire de précision et de cohérence.


Dans la fosse, Gianandrea Noseda prouve ses affinités avec le répertoire russe. Le chef italien a passé plusieurs années à Saint-Pétersbourg, où il a été l’assistant de Valery Gergiev. Au Théâtre Mariinsky, il a eu l’occasion de diriger Les Fiançailles au Couvent ainsi que Guerre et Paix, mais pas L’Ange de feu, qu’il aborde pour la première fois à Zurich. Le maestro est cependant familier de la Troisième Symphonie de Prokofiev, qui reprend de nombreux thèmes de l’opéra. L’effectif orchestral a beau être aussi dense que pour Salomé ou Elektra, Gianandrea Noseda réussit le tour de force de ne jamais couvrir les chanteurs et de faire entendre les détails et les couleurs de la partition, sans relâcher la tension et tout en exaltant la violence, la noirceur et les aspérités de l’ouvrage.


L’Ange de feu a été composé au moment de la naissance de la psychanalyse. C’est sans doute ce qui a incité le metteur en scène Calixto Bieito à considérer l’héroïne comme une jeune femme particulièrement sensible et fragile, souffrant de troubles psychiques. Elle a été abusée lorsqu’elle était enfant et entretient une relation ambivalente avec son agresseur, dont elle ne peut se détacher. Un agresseur qu’elle voit ici constamment. Rebecca Ringst a conçu un énorme cube de trois étages pivotant sur lui-même, dans lequel se tiennent les personnages secondaires, habitants d’une communauté qui regardent Renata d’un mauvais œil, l’accusant froidement au lieu de chercher à la comprendre. L’atmosphère sombre et oppressante qui se dégage de cette production fait froid dans le dos. Une réussite sur toute la ligne.



Claudio Poloni

 

 

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