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Das Wunder Blomstedt

Berlin
Konzerthaus
05/04/2017 -  
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 3 en ut mineur, opus 37
Anton Bruckner : Symphonie n° 4 en mi bémol majeur «Romantique»

Kit Armstrong (piano)
Wiener Philharmoniker, Herbert Blomstedt (direction)


(© Sébastien Gauthier)


Pour cette étape berlinoise d’une brève tournée européenne qui l’aura emmené de la capitale autrichienne pour trois représentations à Baden-Baden, le Philharmonique de Vienne avait quelque peu modifié le programme de la première partie de ses concerts. Cette soirée, qui se voulait un hommage au pianiste Alfred Brendel, voyait donc le Troisième Concerto de Beethoven remplacer la Trente-neuvième Symphonie de Mozart.


Brendel aurait-il été convaincu par la prestation du jeune pianiste Kit Armstrong, dont l’âge (vingt-cinq ans) peut sans problème faire de lui le petit-fils d’Herbert Blomstedt, toujours bon pied bon œil à l’orée de ses quatre-vingt-dix printemps? On peut en douter tant le jeu du jeune Américain, musicien pourtant sans esbroufe, ni expression physique délurée pourtant appréciée de certains médias, aura semblé assez lisse, oscillant étrangement entre des moments de totale neutralité et des passages beaucoup trop affectés. Jouant beaucoup sur les silences (notamment lors des cadences), le premier mouvement révèle une belle entente entre le soliste et le chef, qui conduit un large orchestre, aux tempi amples et aux accords parfois massifs. C’est surtout le Largo qui nous aura laissé circonspect à cause de cette manie d’Armstrong de susurrer les notes, de prolonger les silences au point de devenir statique voire ennuyeux: l’orchestre lui-même semble parfois montrer quelques imperceptibles signes d’impatience (l’air parfois étonné du Konzertmeister Rainer Honeck, quelques échanges de regards au sein du pupitre des douze premiers violons...), Blomstedt dirigeant pourtant au diapason du climat imposé par le soliste, ce dernier parfaitement accompagné par une petite harmonie étincelante (Dieter Flury à la flûte, Martin Gabriel au hautbois, Ernst Ottensamer à la clarinette, Harald Müller au basson). Heureusement, le Rondo. Allegro vient vivifier tout cela, l’orchestre pouvant enfin pleinement s’exprimer lors des tutti, donnant même l’impression de se rattraper après avoir été bridé; bien que le tempo demeure des plus retenus, Kit Armstrong dynamise enfin son jeu, ne retrouvant son introspection (mais cette fois-ci de bon aloi) que pour le bis, l’Allemande en ut mineur de la Suite K. 399 de Mozart.


La seconde partie du concert n’a, en revanche, pas été modifiée lors de cette tournée: elle demeurait consacrée à la Quatrième Symphonie de Bruckner, dont le Philharmonique de Vienne a enregistré des versions de référence, notamment sous les baguettes de Claudio Abbado (Deutsche Grammophon) et surtout de Karl Böhm (Decca), à notre sens la version absolue. La multiplication des effectifs par rapport à la première partie (on passe par exemple de douze à seize premier violons, de six à dix violoncelles, de quatre à huit contrebasses, de deux à quatre trompettes, de deux à cinq cors...) et le jeu des préséances (certains premiers violons assis au troisième rang lors de la première partie se retrouvant au sixième pour la seconde) permettent au public de découvrir les Wiener Philharmoniker au grand complet, dans une nouvelle configuration propre à leur permettre d’aborder une des symphonies les plus connues du maître de Saint-Florian.


Le résultat fut tout bonnement miraculeux grâce, tout d’abord, à un chef en pleine possession de ses moyens. Les sourcils broussailleux, le sourire espiègle, Herbert Blomstedt dirige sans partition ni baguette, donnant les départs avec précision mais surtout sachant inspirer l’orchestre plus qu’il ne le dirige au sens strict du terme. La sûreté du geste impressionne: les arrêts sont nets, les tutti d’une puissance incroyable notamment chez les cuivres (Blomstedt devant même parfois doucement réfréner les trompettes), les crescendi sont conduits avec un sens de la progression idéal... Et comment ne pas insister sur la cohérence de la vision de Blomstedt qui, notamment dans le dernier mouvement, passe avec un naturel confondant des tutti vibrants de l’orchestre aux passages plus bucoliques, n’hésitant pas à doucement forcer le trait sur quelques mesures où le côté «paysan mal dégrossi» dont on a souvent affublé Bruckner ne demande qu’à ressortir? Face à lui, sans doute un des meilleurs orchestres du monde dans ce répertoire: ce soir, peut-être le meilleur... Car comment ne pas frissonner en entendant et en voyant ces vrombissements de contrebasses (toutes alignées en fond de scène), ces attaques incroyables du pupitre de cors (extraordinaire Manuel Huber au poste de cor solo mais n’oublions pas également ses quatre collègues, qui le relaient ou le doublent avec la même perfection), ces phrases jouées comme un seul homme par un pupitre de violoncelles d’une cohésion et d’une suavité hallucinantes, ces tutti de trompettes d’une netteté remarquable? Sans aucun doute, et les applaudissements du public du Konzerthaus ne laissaient guère de doute sur ce point, une immense interprétation. A titre personnel, certainement un des plus beaux concerts auxquels nous ayons jamais assisté.


Le site de Kit Armstrong
Le site de l’Orchestre philharmonique de Vienne



Sébastien Gauthier

 

 

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