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Un chef pour Wozzeck

Paris
Opéra Bastille
04/26/2017 -  et 29* avril, 2, 5, 9, 12, 15 mai 2017
Alban Berg : Wozzeck, opus 7
Johannes Martin Kränzle (Wozzeck), Stefan Margita (Tambourmajor), Nicky Spence (Andres), Stephan Rugamer (Hauptmann), Kurt Rydl (Doktor), Gun-Brit Barkmin (Marie), Eve-Maud Hubeaux (Margret Mikhail Timoshenko, Tomasz Kumięga (Handwerksburschen), Rodolphe Briand (Der Narr), Fernando Velasquez (Ein Soldat)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Michael Schønwandt (direction musicale)
Christoph Marthaler (mise en scène), Anna Viebrock (décors et costumes), Olaf Winter (lumières), Joachim Rathke (co-metteur en scène), Thomas Stache (collaborateur aux mouvements), Malte Ubenauf (dramaturgie)


J. M. Kränzle, G.-B. Barkmin (© Emilie Brouchon/Opéra national de Paris)


Ce fut une des meilleures productions de Christoph Marthaler, dont un certain penchant pour le misérabilisme se trouvait justifié par l’opéra de Berg. Le décor unique de la cantine, un peu RDA comme il se doit, avec des enfants qui jouent à l’extérieur, annule le fondu-enchaîné cinématographique de la succession des scènes et évacue, à la fin, toute référence à la nature et aux éléments. Le va-et-vient des figurants créée une illusion de mouvement : rien ne se passe, en réalité, dans cet univers de la répétition, où des tics révèlent l’aliénation de Wozzeck, où chacun semble enfermé en lui-même, où la communication n’existe pas, où les enfants n’ont pas d’avenir – alors que le lieu est censé représenter leur « paradis ». Marthaler peint un univers autant que des individus, qui subissent la vie – ou la mort, comme Marie, alors que la fin de Wozzeck est presque escamotée. On peut évidemment contester l’éloignement de l’œuvre, mais le metteur en scène, s’il bouscule la lettre, reste fidèle à l’esprit et, grâce à une direction d’acteurs d’une précision remarquable, parvient à créer une tension permanente, avec notamment des moments très forts, telle la scène d’ivresse à la fin du deuxième acte.


Mais c’est surtout la direction de Michael Schønwandt qui fait le prix de cette deuxième reprise de la production de Marthaler. Loin de tout postromantisme mahlérien, notamment dans le célèbre Interlude du troisième acte, le chef danois éclaire la complexe partition de Berg, dont il préserve l’unité sans jamais – au contraire – en émousser les contrastes ou la violence. Lecture classique par l’esprit, d’une grande souplesse de geste, nous renvoyant finalement à ces formes anciennes que Berg renouvelle, cursive et théâtrale. On devrait davantage entendre ce chef à l’Opéra, où il fut jadis plus présent. Excellente distribution, dominée par le Wozzeck ténébreux mais chantant, de Johannes Martin Kränzle, moins convulsivement agité que Simon Keenlyside, et la Marie sensuelle, à l’aigu magnifique, de Gun-Brit Barkmin. Stephan Rügamer a les notes de chapon du Capitaine, Stefan Margita reste le Tambour-Major détestable, plus dur aujourd’hui néanmoins dans le haut de la tessiture, qu’il était lors de la reprise de 2009, où Kurt Rydl imposait un Docteur impressionnant, qu’il est resté malgré l’usure. Les autres sont impeccables, avec une mention pour la Margret d’Eve-Maud Hubeaux – qui sait, peut-être demain une Marie.


Neuf ans après, ce Wozzeck tient la route. Dommage qu’il ne remplisse pas davantage les rangs de Bastille.



Didier van Moere

 

 

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