About us / Contact

The Classical Music Network

Normandie

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un Quartett en demi-teinte à l’Opéra de Rouen

Normandie
Rouen (Théâtre des Arts)
04/25/2017 -  et 27* avril 2017
Luca Francesconi : Quartett
Adrian Angelico (Marquise de Merteuil), Robin Adams (Vicomte de Valmont)
Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, Patrick Davin (direction musicale)
James Fulljames (mise en scène), Soutra Gilmour (décors, costumes), Bruno Poet (lumières)


Alors que la récente création de Trompe-la-Mort au Palais Garnier a divisé la critique, Quartett, à l’affiche de l’Opéra de Rouen pour deux représentations, s’est imposé depuis sa création à la Scala de Milan en 2011 comme l’opus lyrique majeur de Luca Francesconi (né en 1956)... en dépit de la langue choisie: on en voudra toujours au compositeur italien d’avoir privilégié l’anglais (pourquoi?) plutôt que l’allemand original, nous privant d’un des «poèmes» les plus bouleversants du théâtre du XXe siècle (avec surtitres français perfectibles, d’après l’anglais, tandis que la traduction accomplie d’après l’allemand par Jean Jourdheuil et Béatrice Perregaux pour les Editions de Minuit est magistrale).


Exit le «salon avant la Révolution française» censé alterner avec «un bunker après la troisième guerre mondiale»: Quartett selon John Fulljames fait l’économie de la bonbonnière XVIIIe, exalte du même coup la relecture postmoderne (des Liaisons dangereuses de Laclos) opérée par Heiner Müller en plaçant les personnages dans un no man’s land qui tient autant du bunker que de la décharge d’ordures. Plutôt qu’une direction d’acteurs un peu paresseuse, on retiendra la «poésie» des interludes – grâce notamment aux lumières de Bruno Poet – et quelques trouvailles parfaitement appareillées au livret et à la musique: ainsi du miroir tendu par Valmont réfléchissant la lumière sur le visage de Merteuil au moment où le chœur enregistré (remarquablement sonorisé) prend le relais des deux protagonistes. On attendait du jeu de rôle, inauguré à la scène 6, une mise en abyme à plusieurs niveaux, mais John Fulljames opte pour la lisibilité, se contentant de vêtir la Merteuil de la queue-de-pie de Valmont et d’affubler ce dernier d’une paire de gants (de vaisselle).


Clochard lové dans ses sacs plastiques, le Vicomte campé par Robin Adams possède ce qu’il faut d’arrogance dans l’émission pour suggérer son passé doré, mêlé à une certaine lassitude de timbre. Adrian Angelico, plus empruntée sur scène et rythmiquement en péril, a pour elle une grande ductilité dans l’émission et des registres soudés. Sans mettre en cause le professionnalisme et l’intégrité de notre binôme de «débauchés», manquait à la vision réductrice de John Fulljames le charisme d’un Bo Skovhus et d’une Barbara Hannigan pour parvenir à son ultime degré d’accomplissement; aussi la comparaison avec le génial «peep show claustrophobique» d’Alex Ollé reste-t-elle cruelle (Opéra de Lille, 2013). Et si le meilleur se passait en fosse? Tour à tour violent et impalpable, incantatoire et tout en chuchotement de soie, les instrumentistes (une vingtaine) issus des rangs de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie dirigés par le fiable Patrick Davin ont donné le meilleur d’eux-mêmes, en dialogue avec une partie électronique particulièrement suggestive.



Jérémie Bigorie

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com