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Des claviers et des cordes

Normandie
Deauville (Salle Elie de Brignac)
04/22/2017 -  
Jean-Philippe Rameau : Nouvelles suites de pièces de clavecin: «Gavotte & ses doubles» – Pièces de clavecin en concerts: Cinquième concert (* &)
Johann Sebastian Bach : Concerto pour clavecin et cordes n° 1 en ré mineur, BWV 1052 (* #)
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonate pour pianoforte n° 6 en ré majeur, K. 205b [284]: 3. «Thème et variations» – Quatuor pour violon, alto, violoncelle et pianoforte n° 2, K. 493 (#)

Taylor Consort: Justin Taylor (clavecin, pianoforte), Théotime Langlois de Swarte (*), Azay Ranganathan (#) (violon), Sophie de Bardonnèche (# &) (violon, alto), Louise Pierrard (*) (viole de gambe), Hanna Salzenstein (violoncelle)


(© Stéphane Guy)


Chaque année, d’habitude, le festival de musique de Pâques de Deauville joue habilement avec les vacances scolaires parisiennes, les ponts et les week-ends du printemps. Ce n’est pas tout à fait le cas cette année, des concerts ayant lieu en dehors de ces périodes et l’élection présidentielle gênant évidemment de surcroît la transhumance des mélomanes parisiens. Quoi qu’il en soit, l’assistance est encore importante pour ce concert du samedi soir, veille du premier tour de scrutin, prouvant ainsi l’existence d’un fidèle public local.


Le programme du concert consacré à la musique baroque et classique peut, il est vrai, attirer un public nombreux à défaut d’être bien jeune. La jeunesse était une nouvelle fois du côté des interprètes.


Justin Taylor, musicien franco-américain (25 ans cette année) et premier prix du concours international de clavecin de Bruges, en résidence à la Fondation Singer-Polignac depuis seulement 2016, présenta ainsi un programme voulant illustrer la continuité entre les mondes baroque et classique. La démonstration était évidemment plus aisée que celle tentée, de façon incompréhensible, par les artistes du premier concert du festival de cette année, au cours duquel un des Rückert-Lieder de Gustav Mahler suivit sans pause une page de comédie musicale américaine et auparavant un air d’un opéra de Händel...


Le jeune intrépide Justin Taylor interprète tout d’abord au clavecin une «Gavotte et ses doubles» extraits des Nouvelles suites (1728) de Jean-Philippe Rameau (1683-1764). L’instrument paraît être un joujou au milieu de la salle Elie de Brignac, pourtant de taille modeste. Son charme est renforcé par le jeu de Justin Taylor, dont l’aisance et la finesse sont d’emblée évidentes. Le sens de l’urgence dans les variations s’impose autant que les phrasés ciselés de l’interprète. Mais c’est une sorte de brouillard sonore qui malheureusement sort de la boîte à musique. Il en est un peu de même avec le Cinquième concert des pièces de clavecin (1741) de Rameau également. Mais le plus gênant est alors qu’on n’entend pas ou peu la viole de gambe, les imprécisions du violoniste ayant remplacé l’artiste initialement annoncé renforçant l’impression d’une domination écrasante du clavecin, dont on retient heureusement l’infinie délicatesse dans «La Cupis».


Le célèbre Concerto BWV 1052 de Johann-Sebastian Bach (1685-1750) fournit une nouvelle preuve des talents du jeune Justin Taylor. Les cordes font ce qu’elles peuvent pour suivre, la mise en place faisant parfois défaut. Le clavecin avance, imperturbable, dans les mains d’un artiste plein d’enthousiasme. Ça chante, ça respire.


On se rend encore mieux compte de l’incroyable potentiel de l’interprète lorsqu’il joue, en seconde partie, le «Thème et variations» de la Sonate en ré majeur (1775) de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). On regrette évidemment d’avoir encore affaire à un extrait. Mais quel jeu! Quel toucher! Les couleurs du très beau pianoforte sont magnifiées par Justin Taylor. L’artiste se joue des difficultés techniques et tout est net, fluide et naturel.


Il en est de même dans la pièce suivante embrayée sans pause, le Second Quatuor avec clavier du même Mozart, en vérité un petit concerto, les cordes jouant souvent le rôle de l’orchestre. Le pianoforte de Justin Taylor est souverain, léger comme la brise, et l’artiste, comme insouciant, paraît emporté par son plaisir de jouer. Les cordes demeurent encore un cran en-dessous, le violon accumulant les imprécisions, mais Mozart et son inventivité sans fin est bien là, l’ensemble des artistes faisant preuve d’un sens musical aigu et d’un enthousiasme communicatif. Le public obtient d’ailleurs sans peine une reprise des dernières mesures de l’Allegretto final.


Justin Taylor s’avère un musicien d’exception, à suivre absolument. Il sait où il va et entraîner ses camarades comme le public, en évitant toute esbroufe ou dérapage. Il y a une classe dans son jeu auquel on ne peut être insensible. On espère le revoir bientôt.



Stéphane Guy

 

 

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