About us / Contact

The Classical Music Network

Normandie

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Hésitations et surprises

Normandie
Deauville (Centre international «Anne d’Ornano»)
04/15/2017 -  
Arthur Lavandier: Complainte pour la sirène (création)
Claude Debussy : Nuit d’étoiles (arrangement Arthur Lavandier)
Georg Friedrich Händel : Alcina, HWV 34: air de Morgana «Credete al mio dolor» (arrangement Arthur Lavandier)
Richard Rodgers: The Sound of Music: «My Favorite Things» (arrangement Arthur Lavandier)
Gustav Mahler : Rückert-Lieder: «Ich bin der Welt abhanden gekommen» (arrangement Arthur Lavandier)
Hector Berlioz : Symphonie fantastique, opus 14 (arrangement Arthur Lavandier)

Julie Fuchs (soprano)
Harmonie de Lisieux-Pays d’Auge, Le Balcon, Maxime Pascal (direction)
Etienne Graindorge (informatique musicale), Florent Derek (projection sonore)




On avait le choix ce samedi 15 avril, au Centre international «Anne d’Ornano» de Deauville: porte est, des combats de boxe, professionnels et amateurs, retransmis en direct sur la chaîne L’Equipe; porte ouest, le festival de musique de Pâques, avec une retransmission en direct sur France Musique. Fidèle de celui-ci, ConcertoNet s’est finalement résolu à entrer par la porte ouest. On aurait aimé que l’affiche prolongeât le salon «Livres & Musiques» du week-end dernier et consacré cette année à la musique créole, avec par exemple quelques pages du Chevalier de Saint-George, de Louis Moreau Gottschalk, Darius Milhaud ou Thierry Pécou... mais on ne pouvait qu’être intrigué par l’annonce d’une Symphonie fantastique d’Hector Berlioz revue et corrigée par un jeune compositeur français contemporain. Restaient simplement quelques inquiétudes: le public des combats n’allait-il pas constituer des chœurs intempestifs? Les coups de gong n’allaient-ils pas s’ajouter aux instruments convoqués par les compositeurs à l’affiche du festival? Nullement, heureusement, même si les surprises ne manquèrent pas: le programme, déjà sans fil conducteur, ne fut pas respecté, sans que les changements ne soient d’ailleurs annoncés; on eut droit à des instrumentistes formant un chœur lors du bis de la soprano, qui faisait en vérité partie de l’affiche, à des applaudissements du public entre les mouvements de la Fantastique, des instruments exotiques, un jazz-band au milieu du bal écrit par Berlioz, un jeu de jambes étonnant du chef d’orchestre Maxime Pascal, courant même entre la scène et le milieu de la salle à la fin de la seconde partie du concert, mais bien pour une fête musicale, somme toute assez plaisante.


Alors que le directeur artistique du festival demeure très attaché à ses principes fondateurs (voir ici), le premier concert de la série des neuf programmés cette année ressemblait malgré tout à une série d’entorses: il avait lieu dans la grande salle du Centre international de Deauville, à l’acoustique cotonneuse parfaitement inadaptée à la musique classique, au lieu de la salle Elie de Brignac habituelle, les ensembles étaient sonorisés, le jazz s’invitait, le public était plus jeune, plus nombreux et plus varié que d’habitude et la bienséance était quelque peu bousculée avec des arrangements pour le moins décalés...


La première partie constituait un mini-récital de la soprano Julie Fuchs. Elle débuta par une création d’Arthur Lavandier (né en 1987) sur un texte de Charles Roudaut (1941-1995), Complainte pour la sirène. La courte page faite de scintillements et de miroitements ne manquait pas d’intérêt mais l’acoustique désastreuse de la salle ne permettait pas d’en profiter pleinement. Il en fut de même des pièces suivantes, les sonorisations écrasant tout. La belle voix de Julie Fuchs, homogène sur l’ensemble de la tessiture, était assurément desservie par les lieux. Son italien, dans l’air extrait d’Alcina (1735) de Haendel, parut en outre perfectible et le lied extrait des Rückert-Lieder (1902) de Mahler correspond assurément moins à sa voix légère qu’à une voix plus sombre d’alto. C’est finalement le bis, une autre complainte, irlandaise cette fois, sur un poème de Thomas Moore écrit en 1805, Last Rose in Summer, qui parut la pièce la plus convaincante, la voix de la soprano étant plus assurée et l’accompagnement demeurant cependant aussi fin que retenu.


La seconde partie du concert était consacrée à une relecture de la Symphonie fantastique (1830) de Berlioz par Arthur Lavandier, membre du collectif Le Balcon, justement interprète de l’œuvre en compagnie de l’Orchestre d’harmonie Lisieux-Pays d’Auge. On hésita encore, cette fois entre la consternation et le fou rire face au traitement de cheval infligé à l’œuvre de Berlioz et à l’agitation du chef d’orchestre, faisant penser à la gestuelle de Leonard Bernstein ou aux caricatures de Gustav Mahler. Les richesses de l’orchestre berliozien passaient au laminoir, la sonorisation qui déséquilibrait tout n’arrangeant rien, au contraire. Le premier violon s’entendait comme les timbales, le compositeur croyant bon d’ajouter des bruits d’orage et de pluie au début ; tout était grossi, épaissi; les concessions au temps présent pour ne pas parler de facilités étant enfilées comme des perles, la trompette au début du bal hurlant quitte à en être ridicule, l’arrivée, au début de la «Marche au supplice», de l’Harmonie de Lisieux-Pays d’Auge, s’installant au milieu de la salle avec des lampes frontales pour lire ses partitions, désorganisée, jouant faux, les gros effets finaux faisant même craindre une certaine vulgarité.


On était loin de Bach revu par Anton Webern ou de Beethoven transcrit par Manuel Hidalgo, à un extrême du spectre, mais aussi de Mahler utilisé par Luciano Berio ou de Bruckner inspirant Gérard Pesson, à l’autre bout. L’objet musical restait non identifié.


Et l’on demeurait pourtant, au-delà de la surprise, intéressé, notamment lorsqu’Arthur Lavandier s’éloigne franchement de la partition originale. C’était le cas finalement avec l’instrumentation : harpe remplacée par un piano et une guitare électrique, cor anglais substitué par un cor des Alpes démesuré (aux attaques malheureusement incertaines et pas forcément juste), clavier électronique animant à la place des cuivres un Songe d’une nuit de sabbat terrifiant, faisant penser à Orange mécanique. Le tout restait en vérité parfaitement cohérent de bout en bout et le spectacle autant visuel que sonore. Il fallait surtout oublier la Fantastique originale et accepter simplement un peu de délire et une sorte d’ironie un brin mordante et l’on était emporté par un malstrom joyeusement foutraque.
Le succès était en tout cas au rendez-vous. Le compositeur fut aussi chaleureusement applaudi que les musiciens et le chef, à l’engagement total et respectant scrupuleusement les tempos berlioziens comme l’esprit du... fantastique.


Le site du festival de musique de Pâques de Deauville
Le site de l’orchestre Le Balcon



Stéphane Guy

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com