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Précurseur dramatique du Barbier

Vienna
Theater an der Wien
03/17/2017 -  et 19, 21, 24, 26*, 28 mars 2017
Gioachino Rossini: Elisabetta, regina d’Inghilterra
Alexandra Deshorties (Elisabetta), Norman Reinhardt (Leicester), Barry Banks (Norfolk), Ilse Eerens (Matilde), Natalia Kawalek (Enrico), Erik Arman (Guglielmo)
Arnold Schoenberg Chor, Erwin Ortner (chef de chœur), Ensemble Matheus Jean-Christophe Spinosi (direction musicale)
Amélie Niermeyer (mise en scène), Alexander Müller-Elmau (décors), Kirsten Dephoff (costumes), Gerrit Jurda (lumières), Thomas Wilhelm (choréographie), Christian Carlstedt (dramaturgie)


A. Deshorties (© Herwig Prammer)


Voici encore une rareté opératique proposée par le Theater an der Wien: si les enregistrements intégraux d’Elisabeth, reine d’Angleterre, premier opéra napolitain de Rossini, se comptent sur les doigts de la main, ses représentations sont encore plus inusuelles. Il faut sans doute pour l’auditeur contemporain savoir l’écouter d’une oreille neuve, sans quoi de nombreux passages (repris quelques mois plus tard dans l’opéra bouffe Le Barbier de Séville) perdent de leur crédibilité dramatique. La vision musicale de Jean-Christophe Spinosi y aide en tout cas certainement: sa recherche insatiable de timbres et d’effets ne laisse aucune pierre non retournée. A-t-on jamais entendu un col legno aussi ravageur – des accents de cordes aussi rebondissants? Il semble en permanence éperonner l’ensemble baroque Matheus pour en tirer des trouvailles sonores que Rossini n’avait probablement pas imaginées lui-même: d’ailleurs, on se demande parfois ce qui se passe dans la fosse lorsque le chef, semblant ne pas tenir en place, se retrouve un moment la baguette entre les dents, l’autre en train de feuilleter sa partition, puis finit par haranguer verbalement les musiciens. En général, cette prise de risque permanent fonctionne bien, produisant une théâtralisation extrême de la musique; à l’occasion, elle se paye un peu avec quelques approximations dans les récitatifs.


Du théâtre, il y en a également sur le plateau: d’un côté, la mise en scène fluide d’Amélie Niermeyer dont les décors élastiques évoluent au fil de l’action. De l’autre, les chanteurs qui jouent leurs rôles autant qu’ils les chantent. Les proportions de la salle s’y prêtent fort bien: les murmures les plus intimes sont perceptibles, les mimiques les plus fugaces visibles par le public. Question voix, Alexandra Deshorties (Elisabetta) fonctionne comme un aimant sur scène: si son timbre n’est pas pour tous les goûts, avec des inflexions qui peuvent verser dans l’acidité, le nasal, le rauque – en fin de compte, quelle qualité des attaques, quelle puissance, quel naturel expressif! Sa rigueur absolue du tempo et de la dynamique lui permet d’infuser dans le rôle l’expressionnisme le plus démesuré sans jamais perdre le contrôle. Difficile, face à cette reine absolue et dérangeante, de se faire une place sur scène: Norman Reinhardt (Leicester) est pourtant tout en élégance, variant avec dextérité son bel canto; Barry Banks est scéniquement parfait, transformant Norfolk en véritable pitbull haineux, quoique parfois un peu juste dans ses vocalises; Ilse Eeerens (Mathilde), enfin, campe un personnage diaphane mais virulent.


A condition de ne pas chercher à trouver dans Elisabetta un chef-d’œuvre de profondeur dramatique, l’opéra reste une magnifique découverte musicale qui explique sans peine l’immense succès rencontré à sa création en 1815.



Dimitri Finker

 

 

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